Louis Vogel (président de la CPU) : "La couverture médiatique de la situation financière des universités est déraisonnable"

Propos recueillis par Camille Stromboni Publié le
Temps difficile pour les universités. L’annonce, par Laurent Wauquiez, de la mise sous tutelle d’un certain nombre d’établissements a donné lieu à une situation confuse. Louis Vogel, président de la CPU (Conférence des présidents d’université), répond aux questions d’EducPros.

Le ministre de l'Enseignement supérieur a annoncé la mise sous surveillance financière de plusieurs universités . Estimez-vous que les présidents d'université sont stigmatisés par Laurent Wauquiez comme de mauvais gestionnaires ?

Non, nous ne sommes pas stigmatisés par le ministre, mais plutôt par les médias. La couverture médiatique de la situation financière des universités est devenue déraisonnable. Elle a jeté la suspicion sur certains présidents, et à travers eux sur nous tous, alors que l’ensemble de nos universités sont bien gérées.

Les premières visites du "comité des pairs " à l’INSA de Rouen, à l’université Paris 13 et à l’université de Savoie, ont montré que les situations budgétaires de ces établissements ne justifiaient pas l’application du fameux décret [de mise sous tutelle rectorale, après deux exercices successifs en déficit], ces derniers n’étant pas structurellement déficitaires. En allant sur le terrain, on se rend bien compte qu'il s'agit simplement d'une tempête médiatique.

Combien d’universités sont-elles susceptibles d’être mise sous la surveillance du recteur en raison de leurs difficultés financières ?

Je ne sais pas. Les visites du comité des pairs dans les universités, par exemple la semaine prochaine à Limoges, permettront d'y voir plus clair. On ne peut pas se contenter d’une analyse comptable, il faut une analyse économique, pluriannuelle, qui intègre les projets des établissements.

La tutelle rectorale est-elle synonyme de sanction pour les universités ?

Non. C’est la simple application du décret [article 56]. Il est évident, néanmoins, que les dispositions de ce texte sont trop mécaniques, et ne permettent pas de s’adapter à notre contexte de transition.

L’autonomie est-elle, in fine, un moyen de forcer les présidents d'université à couper eux-mêmes dans leur masse salariale ?

Il ne faut surtout pas que l’autonomie aboutisse à cela. Ce n’est nullement l’autonomie qui implique de geler des postes, c’est le manque de moyens. Si l’autonomie n’est pas accompagnée d’un financement suffisant, elle ne peut pas être mise en place de manière correcte. L’Etat doit mettre les moyens.

Car l'autonomie a créé, mécaniquement, de nombreux coûts supplémentaires pour les universités, qui ont dû se doter d’instruments de gestion et de pilotage, avec le personnel compétent. Il y a également des dépenses que nous ne maîtrisons pas, décidées au niveau national (augmentations des primes, des cotisations, d'un point d'indice, etc.).

Êtes-vous réellement autonomes ?

L'autonomie en France reste encore limitée. Le rapport de l’EUA constate en effet que nous ne sommes pas les champions en la matière. Il faut bien prendre en compte deux chiffres : 80% des ressources des universités dépendent de l’Etat, et 80% du budget des universités est consacré à la masse salariale. Les universités ne peuvent rien faire sans un vrai dialogue avec l’Etat.

Propos recueillis par Camille Stromboni | Publié le