L’université d’Aarhus après cinq ans de réformes

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L’université d’Aarhus après cinq ans de réformes
?? Soren Frandsen // © 
Établi à 150 kilomètres au nord-ouest de Copenhague, Aarhus, seconde ville du Danemark, accueille l’une des principales universités du pays avec 40.000 étudiants inscrits (pour 240.000 habitants). Créé en 1928, l’établissement compte, parmi ses anciens, deux prix Nobel et deux membres de la famille royale. L’université a accueilli le congrès annuel de l’Association européenne des universités (EUA) en avril 2011 et son recteur était l’un des candidats à la présidence de l’EUA. Rencontre avec le vice-recteur de l’université d’Aarhus, Soren E. Frandsen, pour expliquer les restructurations à l’œuvre dans son établissement, en quelques mots clés.

Fusion

Ces dernières années, l’université d’Aarhus a subi une profonde mutation. En 2006 et 2007, conformément à une législation du gouvernement danois, l’université a intégré en son sein cinq institutions d’enseignement supérieur. « Notre gouvernement a souhaité réduire de moitié le nombre d’universités danoises en incitant les institutions de recherche appliquée à fusionner avec les universités », rappelle le vice-recteur Soren E. Frandsen. Ont donc rejoint l’université : l’Institut Herning de business et technologies, l’Institut national de recherches sur l’environnement, l’école de commerce d’Aarhus, l’Institut danois de sciences agricoles et l’université danoise d’éducation. « Cette fusion nous a transformés radicalement ; l’université a vu sa taille augmenter de 40 % », poursuit le vice-recteur. Au plan national, le nombre d’universités danoises est passé de 15 à 8, de nouvelles entités « plus fortes et visibles » dans un environnement global.

Compétition

Face à ses principaux challengers comme l’université de Copenhague, Aarhus entend se démarquer. Dans les rankings internationaux, l’université d’Aarhus se trouve tour à tour, au plan national, à la première place (62e rang mondial, contre 70e pour Copenhague dans le classement 2010 du Times Higher) et à la deuxième place (Aarhus au 84e rang à l'international, loin derrière Copenhague au 45e rang dans le « Top 100 universities » de QS). Difficile de s’y retrouver !

Plutôt que d’admettre l’influence des rankings, Soren Frandsen voit dans cette stratégie de concentration la recherche d’une amélioration globale et d’un renforcement de l’ensemble des établissements danois. « Avec ce rapprochement des établissements, les institutions en recherche appliquée peuvent se renforcer en matière de recherche et l’université peut apprendre de ces structures en matière de bonne gestion et d’organisation », souligne-t-il.

Réorganisation

Dans la continuité de cette fusion, la direction de l’université a conçu un plan stratégique dévoilé en mars 2010. Ses quatre priorités : la recherche (33 % du financement), l’éducation (31 %), le développement des talents (24 %) et enfin les échanges de savoirs (12 %). L’organisation de l’université a été grandement simplifiée. Le nombre de domaines d’études a été réduit de 9 à 4, chacun disposant d’une graduate school : arts, science et technologies, santé et enfin business et sciences sociales. De même, le nombre de départements a été divisé par deux, passant de 55 à 26. Enfin, au plan du management, les doyens ont désormais une double responsabilité : celle de leur champ disciplinaire et celle d’une des quatre priorités stratégiques. « Nous avons choisi de renforcer le pouvoir des doyens, indique Soren E. Frandsen. Les responsabiliser sur la recherche ou la formation leur donne une vision complète sur l’ensemble de l’université. »

Globalisation

La globalisation de la recherche, l’université s’y confronte régulièrement ; deux exemples à la clef. Le groupe danois Vistex, entreprise leader en matière d’énergie éolienne, a ses bureaux à cinq minutes du campus. Une proximité qui n’empêche pas Vistex de financer largement les travaux de recherche de l’université américaine du Texas, en pointe sur la question de la transmission de l’énergie. « En matière de financement de la recherche, la compétition est intense et vraiment globale », ponctue Soren. Un autre motif de fierté pour Aarhus, le prix Nobel d’économie Dale T. Mortensen, visiting professor à l’université, est en fait affilié à l’université de Northwestern aux USA. Cette double casquette en fait grincer certains : l’université ne pourrait en réalité se prévaloir que d’un « demi-Nobel »…


Nomination

Nommé au titre de vice-recteur en 2008, Soren Frandsen est à mi-parcours de son mandat de six ans. « Le recteur et le vice-recteur ne sont pas élus par la communauté universitaire, mais nommés par le board de l’université. Celui-ci est composé pour plus de la moitié [six membres sur onze] de personnes extérieures à l’université, complétées par trois représentants de l’université (deux enseignants-chercheurs, un représentant du personnel technique) et deux représentants étudiants. Pour le vice-recteur, le fait de ne pas être soumis à une élection offre un certain avantage en termes de management. « Cette réorganisation serait plus difficile à conduire si, dans le même temps, on devait penser à sa réélection… » estime-t-il.

Internationalisation

Avec 20 % de PhD internationaux, l’université, qui a progressé en la matière, ne souhaite pas en rester là. Les efforts pour être plus attractifs prennent diverses formes, mais l’accueil des nouveaux arrivants à été soigné. Cela passe par un nouveau bâtiment, guichet unique à destination des jeunes chercheurs étrangers et des contacts privilégiés avec les entreprises locales pour tenter de fournir des postes aux épouses des doctorants ou postdoctorants. Le manque de mobilité des étudiants et enseignants nationaux est également un challenge. « Nous envisageons de fixer dans le cursus un séjour d’études à l’étranger comme l’un des prérequis pour pouvoir être recruté à des postes d’enseignants permanents », précise le vice-recteur.




Une réorganisation, des interrogations

En interne, la réorganisation de l’université soulève des interrogations, notamment de la part des responsables de départements concernés par la fusion.

Parmi les craintes liées à cette nouvelle organisation réside notamment un management trop éloigné de la base. « Un nouveau doyen en charge de 350 personnes ne pourra plus laisser sa porte ouverte comme c’était l’usage », prévenait Anne-Marie Pahuus, responsable de ce département au span style="font-style: italic;">Times Higher Education.

Autre effet induit redouté : une concentration excessive du personnel sur les activités de recherche, au détriment des activités de formation et d’enseignement, notamment au niveau licence. « Mes collègues redoutent un enseignement dispensé par des profs TGV et que notre département de philosophie devienne un hôtel pour chercheurs », évoque encore la responsable du département philosophie. Celle-ci craint qu’à l’avenir ses nouvelles responsabilités en matière de recherche « ne soient pas connectées à l’enseignement de la philosophie. La très forte connexion entre éducation et recherche est un aspect extrêmement important que nous ne voulons pas perdre. »

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