L’université de technologie de France verra-t-elle le jour ?

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L’université de technologie de France verra-t-elle le jour ?
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Quel avenir sera donné à la grande Université de technologie de France (UTF) soutenue par le ministère ? Celle qui devait unir les universités de technologie de Troyes (UTT) et Belfort-Montbéliard (UTBM) bat de l’aile. Dernier accroc en date : le départ de Christian Lerminiaux de l’administration provisoire de l’UTBM. Le prochain conseil d’administration devrait proposer le nom de son successeur le 20 mai 2011. Le moment aussi de redéfinir sa stratégie.

« Nous sommes dans une situation de crise, un peu dans le brouillard », reconnait Gérard Grouazel, membre élu (Unsa Education) du conseil d’administration de l’UTBM. La démission de Christian Lerminiaux de l’administration provisoire de l’établissement, le 12 mai 2011, a jeté un froid sur le projet de fusion entre l’UTT (Troyes) et l’UTBM (Belfort-Montbéliard) .

« C’est un électrochoc afin que chacun assume ses responsabilités, explique l’intéressé. Pour tenir les délais, nous avions convenu que les conseils d’administration de nos établissements se prononceraient sur le décret du grand établissement au plus tard en juin 2011, afin d’enclencher la procédure aboutissant à sa publication au JO avant décembre 2011. Dès lors que ce calendrier n’est plus tenable, mon rôle à l’UTBM n’avait plus de sens. »

L’UTC : grand absent du projet de fusion

Sa mission n’a pas commencé sous le meilleur augure. Deux mois après son arrivée à l’UTBM en septembre 2010 pour assurer son administration provisoire et réaliser ce projet de rapprochement, l’UTC (université de technologie de Compiègne), la plus importante des trois universités de technologie, annonçait qu’elle ne serait pas de la partie. L’établissement de Compiègne arguait alors d’autres priorités comme la préparation au Grand emprunt ou le rapprochement avec l’UPMC .

C’est justement ici que le bât blesse, pour Gérard Grouazel. « Cela avait du sens à trois. A deux, il vaut mieux aller vers un PRES de pré-configuration, en attendant l’UTC, puis fusionner à trois », estime-t-il. Le CTP (Comité technique paritaire) de l’UTBM a lui aussi émis des réserves sur le projet de fusion en grand établissement sans l’UTC, le 11 avril 2011. Un argument qui ne tient pas pour Christian Lerminiaux.  « Dès mon arrivée à l’administration provisoire de l’UTBM pour réaliser le rapprochement, nous savions bien que l’UTC n’en ferait pas partie », avance-t-il.

Un soutien au projet mitigé de la part des élus locaux

Une prudence des conseils des établissements que Christian Lerminiaux met davantage sur le compte de la peur d’assumer la perte de souveraineté qui découlerait de la fusion. « Les élus et tous les acteurs du projet veulent de nombreuses assurances. Mais on sait bien qu’il faut d’abord prendre la décision pour régler ensuite les détails ensemble, au fur et à mesure », indique-t-il. Autre frein à ne pas négliger : « les circonstances politiques locales ne sont pas toujours simples à gérer », reconnait-t-il. Les élus locaux des deux UT peuvent parfois voir d’un mauvais œil la création d’un grand établissement qui dépasse les limites régionales et départementales.

La situation de Christian Lerminiaux, directeur de l’UTT et administrateur provisoire de l’UTBM (suite à la démission de son directeur), n’a pas forcément arrangé les choses. « C’était une erreur de confier l’administration provisoire au directeur de l’UTT, cela produisait forcément un sentiment d’absorption et non pas d’une fusion équilibrée », estime Gérard Grouazel. De leur côté, les élus du conseil d’administration de l’UTBM lui ont exprimé une forme de défiance le 22 avril 2011, actant la nécessaire relance du processus de recrutement d’un directeur pour leur établissement.

Gérard Grouazel déplore enfin l’empressement de Christian Lerminiaux à boucler le projet de grand établissement marquant, sapant selon lui une nécessaire concertation. « Comment peut-on dire que faire une fusion en un an et demi, entre des établissements aussi similaires que les nôtres, c’est trop rapide ! », dément l’intéressé. Ambiance.

Un projet ralenti mais pas enterré

Le projet de rapprochement va-t-il pour autant passer à la trappe ? Pour janvier 2012 en tout cas, impossible d’y arriver. Mais l’université de technologie de France n’en est pas pour autant enterrée, s’accordent les différents acteurs du projet. « Cela ne remet pas en cause le rapprochement entre l’UTT et l’UTBM, assure Christian Lerminiaux. Je reste persuadé que le grand établissement est la bonne option et qu’on y arrivera de toutes façons ».

Une autre option existe également pour les UT : se tourner plus fortement vers leur environnement proche, c’est-à-dire le PRES local ou les établissements voisins. « C’est une question qu’il faudra aussi poser lors du CA du 20 mai 2011», estime Gérard Grouazel. Un choix stratégique capital pour la suite.

Pour l’heure, le nouvel administrateur provisoire de l’établissement, qui sera nommé par Valérie Pécresse après proposition du conseil d’administration, sera en charge d’organiser la procédure de recrutement du futur directeur de l’UTBM. Retour à la case départ.

Et l’UTC ?

Comment l’UTC (université de technologie de Compiègne), qui s’est retirée du projet de rapprochement dès novembre 2010, voit-elle ces derniers rebondissements pour l’UTF ? « Même si nous ne sommes pas directement impliqués, nous nous sentons concernés vu les liens privilégiés avec l’UTT et l’UTBM », indique Pierre Charreyron , son directeur.

Envisage-t-il à moyen terme de rejoindre le projet pour autant ? Pas pour l’instant. Les priorités de l’établissement – grand emprunt et rapprochement avec l’UPMC - données au départ pour expliquer la non-participation à l’UTF, restent en effet d’actualité.

« Nous ne sommes pas forcément non plus dans le « big is beautiful », explique-t-il. Il faut un projet commun fort et mobilisateur pour être sûr que la fusion vaut le coup. Nous arrivons déjà très bien à travailler ensemble, par exemple sur le processus d’admission, ou le campus en Chine, sans fusion. Il est plus facile de se retrouver sur des projets concrets. C’est une démarche pragmatique. »

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