L’université du Havre et son IUT : une "coopération intelligente"

Propos recueillis par Camille Stromboni Publié le
L’université du Havre et son IUT : une "coopération intelligente"
IUT - Le Havre - mai 2011 - ©C.Stromboni // © 
Une composante essentielle. L’IUT du Havre compte 2.300 étudiants, soit un tiers de l’effectif de l’université, répartis dans 10 départements (moitié secondaire, moitié tertiaire). Directeur depuis 2001, Jean-Pierre Sceaux répond aux questions d’EducPros sur la politique de son institut, qui accueille une part importante d’étudiants défavorisés.

Les liens entre université et IUT ne sont pas toujours évidents . Qu’en est-il au Havre ?

Il n’y a aucun problème, c’est une coopération intelligente. L’IUT a eu la volonté de s’intégrer dans la politique de l’université et, inversement, l’université est ouverte. Cela tient beaucoup aux hommes. Nos enseignants assurent par exemple 3.000 heures d’enseignement à l’université et, inversement, ceux de l’université dispensent près de 2.000 heures chez nous. Des collègues de l’IUT sont aussi responsables de certains masters de sciences à l’université.
 
Nous avons surtout des cursus décalés à l’IUT, avec une rentrée en février, où nous accueillons les étudiants de l’université en réorientation. Par exemple, ceux qui ont commencé une première année en AES, en éco-gestion ou en droit peuvent, s’ils souhaitent se réorienter, rejoindre notre DUT GEA [gestion des entreprises et des administrations]. Une vingtaine l’ont fait cette année. Même chose en DUT informatique, pour les L1 scientifiques en échec. Nous voulons développer ce dispositif en hygiène et sécurité, pour les étudiants en licence de chimie, biologie, ou recalés de médecine [à Rouen].

Inversement, nos élèves peuvent poursuivre leurs études à l’université de manière très fluide. C’est un avantage de taille. Également pour ceux qui veulent effectuer des études à l’étranger, en DUETI par exemple. Ils s’inscrivent à l’IUT, dans l’université étrangère, et dans une L3, ce qui leur permet d’être éligibles aux bourses européennes mais surtout de rejoindre facilement un M1 par la suite.

Qu’est-ce qui distingue l’IUT du Havre ?

Ce qui nous rend un peu originaux, c’est l’attention portée au fait que toutes les catégories de lycéens puissent avoir accès à nos filières. Quand le ministère a souhaité un renforcement du recrutement des bacheliers technologiques, nous nous sommes demandé à qui il parlait, car nous faisions ça depuis très longtemps.

Par exemple, lorsque l’attractivité de la filière en génie électrique a diminué, les collègues auraient pu réduire les classes. Il s’agit d’une filière qui mène à l’emploi, mais qui peine à attirer les étudiants. Nous avons préféré aller chercher d’autres lycéens, comme les bacheliers technologiques.

Vous avez une proportion importante d’étudiants de milieu social modeste. Quelle conséquence pour l’IUT ?

Nos étudiants viennent majoritairement de l’arrondissement du Havre, et l’on avait coutume de dire que les quartiers nord du Havre, c’est la plus grande ZEP de France. Nous avons plus de 40 % de boursiers à l’IUT et près de 50 % dans certaines licences pros. Cela s’est retrouvé dans toute une réflexion, notamment pédagogique, pour s’adapter à notre public. Et il n’y a pas eu besoin de se battre, c’est une vision partagée par les équipes.

Notre dispositif d’accompagnement porte ses fruits : 78 % d’étudiants sont diplômés en deux ou trois ans. Reste donc 22 % des effectifs en échec, dont plus des trois quarts en première année. Les abandons interviennent surtout vers novembre-décembre, j’ai tendance à dire que si on arrive à leur faire passer l’hiver, c’est bon ! Le taux de réussite des bacs technologiques s’élève à 69 %, à 50 % pour les bacs pros (qui représentent une trentaine d’élèves), ce qui est un bon résultat.

Sur la poursuite d’études, nous sommes légèrement en deçà de la moyenne nationale, probablement en raison de notre recrutement très ouvert. Ceux qui poursuivent se dirigent un peu plus vers nos licences pros que vers des licences généralistes. Nous avons en effet 17 licences pros, un vrai point fort, c’est même plus qu’à Rouen. Entre 40 et 45 % d’entre eux s’orientent vers un bac+5, quand le taux national est à 50 % environ.

Il faut parfois donner un petit coup de main aux étudiants d’origine gabonaise ou maghrébine, ou juste domiciliés au mauvais endroit...

Côté insertion professionnelle, nous n’avons pas de problème pour assurer le placement de nos diplômés. Pour les stages, il y a eu un petit flottement avec les entreprises au moment du passage de la gratification obligatoire à partir de deux mois de stages. Sinon, il faut parfois donner un petit coup de main, par exemple aux étudiants d’origine gabonaise ou maghrébine, ou même juste domiciliés au « mauvais endroit »…

Quelle est la politique de l’IUT en matière de sélection à l’entrée ?

Tout bachelier général et tout bachelier technologique motivé peut entrer à l’IUT, hormis pour deux filières sélectives [communication et carrières sociales], qui sont très demandées. D’ailleurs, même quand on sélectionne, c’est au prorata du nombre de candidats par filière de bac.

Un point fort, un point faible ?

Comme nous avons cherché à augmenter l’offre de formation de l’IUT, nous sommes passés d’une situation confortable à une situation de moins en moins confortable. Nos collègues sont très occupés en formation initiale, ce qui leur laisse moins de temps pour s’investir en formation continue, tandis que nous sommes un peu en retard sur l’alternance. Côté point fort, nous avons des cursus bilingues, programmes impulsés par la région que nous avons poursuivis, en supplément aux DUT TC [techniques de commercialisation], GEA et GLT [gestion logistique et transport), en seconde année.

L’IUT en chiffres
• 2.300 étudiants.
• 180 enseignants.
• Budget : 3,5 millions d’euros hors masse salariale.
• Le plus gros département : GEA avec 400 étudiants.
• 70 % des étudiants viennent de l’arrondissement du Havre.
• 17 licences pros sur les 23 de l’université.

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