Ma thèse en 180 secondes, "panorama d’une recherche jeune et joyeuse"

Céline Authemayou - Mis à jour le
Ma thèse en 180 secondes, "panorama d’une recherche jeune et joyeuse"
Quatre des finalistes du concours MT180. // ©  CPU / CNRS
Ils ont participé à Ma thèse en 180 secondes, en 2014, 2015 ou 2016. Quatre finalistes livrent leur retour d’expérience, à l'occasion de la finale nationale du concours de vulgarisation scientifique, qui se tient ce jeudi 14 juin 2017 à la Maison de la radio, à Paris.

Il se souvient avoir répété sa prestation des dizaines de fois. Du soir au matin, durant plusieurs semaines. En 2014, Benjamin Vest a réussi à franchir les étapes de Ma thèse en 180 secondes (MT180) jusqu'à la phase finale. À l'époque, le jeune homme est doctorant à l'Onera (Office national d'études et de recherches aérospatiales), laboratoire affilié à l'École polytechnique. Il y prépare sa thèse en physique, dédiée à "l'absorption à deux photons pour la détection infrarouge". "J'étais au milieu de ma thèse, dans le creux de la vague, avec peu d'idées pour quitter l'impasse, se souvient le chercheur. J'avais envie de sortir du laboratoire. J'ai vu MT180 comme un moyen de réfléchir différemment à mon sujet."

Initiée en 2014, la compétition de vulgarisation scientifique organisée par la CPU (Conférence des présidents d'université) et le CNRS a permis de porter en finale une petite centaine de doctorants, édition 2017 comprise. Des jeunes chercheurs de "sciences dures" – majoritaires – ou de sciences humaines, ayant envie d'apprendre à transmettre leurs travaux à un public de non-initiés. "C'est, à mon sens, tout l'intérêt du concours", abonde Paul-Étienne Kauffmann.

Aujourd'hui employé par le conseil départemental des Yvelines, le juriste a concouru en 2015 pour la région normande, avec pour sujet "l'évaluation de la qualité de la loi par le Parlement". "Dans les thèses de droit, on a parfois tendance à s'égarer dans nos recherches, très conceptuelles, concède-t-il. MT180 offre la possibilité d'expliquer nos travaux à des non-juristes." Et d'être – le plus souvent – compris !

Un intérêt indéniable pour la médiation scientifique...

S'il y a une finaliste qui incarne à elle seule ce travail de vulgarisation scientifique, c'est bien Marie-Charlotte Morin. Lauréate française de la première édition de MT180, la chercheuse en biologie avait fait sensation en se livrant à une performance décapante sur la transformation de cellules rectales d'un ver en neurones. Trois ans plus tard, la jeune femme a bouclé sa thèse, donné naissance à un enfant, validé un master 2 en ingénierie des projets innovants, décroché un emploi dans un incubateur de start-up à Strasbourg... et monté une pièce de théâtre, "Tout le monde descend", dédiée à Darwin et à la théorie de l'évolution.

"L'idée du spectacle est née durant ma dernière année de thèse, raconte Marie-Charlotte Morin. Dans le cadre de MT180, j'avais rencontré Alexandre Taesch, qui était venu former les candidats à l'exercice oral. Nous avons sympathisé... et fini par créer ce bel objet théâtral." Après avoir joué la pièce dans sa région, l'ex-chercheuse se frottera au public parisien dès l'automne.

Sans aller jusqu'à la création d'un spectacle, bon nombre de candidats passés sur le gril de "Ma thèse" souhaitent continuer de développer leur fibre communicante. "On le voit très clairement dans le retour que nous font nos doctorants, souligne Virginie Paris, chargée de communication événementielle à l'université Paris-Saclay. Les candidats ont plaisir à participer à ce concours pour l'esprit de communauté qui y règne, mais l'aspect 'transmission' est crucial : ils veulent pouvoir expliquer à un large public ce qu'ils font".

... et "un poil de notoriété"

Il faut dire que la communication est devenue au fil des années une compétence recherchée – et exigée – dans le monde de la recherche. "C'est un aspect qu'on nous demande de plus en plus souvent de mettre en avant, constate Benjamin Vest. Que ce soit pour rechercher des financements ou pour décrocher une bourse européenne. On peut s'interroger sur cette situation ou s'en émouvoir, c'est un fait : savoir simplifier nos travaux devient crucial."

Aujourd'hui en postdoctorat à l'Institut d'optique Graduate School (SupOptique), le jeune chercheur consacre une partie de son temps à des activités de médiation scientifique. "J'ai compris que c'est une compétence que je souhaitais développer", résume-t-il, avouant que le "poil de notoriété" apporté par MT180 ne lui déplaît pas. "C'est toujours stimulant de voir que, en interne ou sur le plateau de Saclay, on pense à moi pour parler de mes travaux."

Un constat que partage Bertrand Cochard, finaliste 2016 de MT180, pour la Comue Université Côte d'Azur. Le jeune homme, actuellement à Yale, aux États-Unis, pour poursuivre les travaux de sa thèse dédiée à Guy Debord, retient avant tout les rencontres qui ont découlé de sa participation au concours. "J'ai pu m'entretenir avec des personnes que je n'aurais jamais rencontrées sans cela", reconnaît-il. Il travaille actuellement sur un projet de communication avec l'Université Côte d'Azur.

"Il est clair que, sans le concours, je n'aurais jamais décroché de financements pour ma pièce, ajoute Marie-Charlotte Morin, qui est soutenue, entre autres, par la Casden et la Fondation de France. Cette expérience m'a apporté une crédibilité."

Un emploi grâce à MT180

Quant à décrocher un emploi grâce au concours ? "À la suite de ma participation, j'ai reçu quelques offres d'emploi, sourit Paul-Étienne Kauffmann. Mon sujet intéresse les partis politiques." Après avoir refusé ces propositions, le juriste a finalement accepté de rejoindre le conseil départemental des Yvelines en janvier 2016. "On ne va pas se mentir, sur le CV, MT180 attire l'œil des recruteurs. Ils tapent sur Google, regardent la vidéo et sont rassurés sur le fait que nous sommes capables de synthétiser nos idées."

"Le concours permet de casser l'image d'Épinal du chercheur cloîtré dans son laboratoire, au milieu de ses éprouvettes", reconnaît Gwénaëlle Delpeux, responsable communication de Normandie Université. Mais "ce panorama d'une recherche jeune et joyeuse", comme la décrit Benjamin Vest, ne doit tout de même pas faire oublier la réalité du secteur. "Au-delà de cette image sympa de la recherche, la réalité du contrat doctoral en France reste le manque de financements", tiennent à rappeler Bertrand Cochard tout comme Marie-Charlotte Morin. La jeune femme a d'ailleurs décidé de quitter le monde de la recherche pour cette raison. "Travailler dans la recherche relève du sacerdoce. Si nos expériences, nos témoignages peuvent susciter des vocations, c'est super... Mais j'espère seulement ne pas envoyer des gens au casse-pipe..."

Céline Authemayou | - Mis à jour le