Maîtres de conférences : les nouvelles stratégies de recrutement

Publié le
Ils ne sont pas encore des stars que l’on s’arrache à prix d’or, mais certains jeunes maîtres de conférences représentent des valeurs sûres pour les universités. Leur potentiel de recherche peut faire la réputation d’un établissement, d’où la mise en œuvre de stratégies de recrutement pour les attirer. Modulations de service, contrats avec retour sur investissement... De nouvelles opérations de séduction sont lancées par les universités.

Enseigner, mais pas trop…
Pour certains maîtres de conférences – promis à un brillant avenir –, la recherche d’un poste ne s’apparente pas toujours au parcours du combattant. Certains s’offrent le luxe de « choisir » leur université, négociant le temps alloué pour faire plus de recherche et moins d’enseignement. Cette modulation de service, pratiquée dans quelques universités, comme à Grenoble 1 depuis plus de sept ans, se propage dans les établissements. Elle permet aujourd’hui d’accélérer le recrutement de potentiels prometteurs. « Depuis deux ans, nous avons allégé d’un tiers le service des jeunes maîtres de conférences, qui n’effectuent plus 196 heures mais 128 heures d’enseignement. Cet aménagement leur laisse 64 heures pour effectuer des travaux de recherche et prendre le temps de mieux connaître le fonctionnement de l’enseignement supérieur », explique Jean-Pierre Finance, président de l’université de Nancy.

Des contrats avec retour sur investissement à Toulouse 1
Chaque université étant libre de moduler à sa guise le temps consacré à l’enseignement, les conditions de travail proposées aux nouveaux enseignants sont très variables. Bruno Sire, président de Toulouse 1, est regardé de près par ses homologues. Il a mis en place des contrats avec retour sur investissement. La modulation de service, dans son université, peut durer jusqu’à trois ans, à mi-temps. Elle est assortie d’un contrat particulier pour chaque maître de conférences remplisse des obligations en matière de recherche.

« Il peut être précisé qu’il faudra organiser deux colloques par an et publier dans une ou deux revues de très bon niveau, détaille Bruno Sire. Si, à l’issue des trois années, les objectifs n’ont pas été atteints, il faudra rattraper un service complet d’enseignement pendant les trois années suivantes. En cas de respect des engagements à hauteur de 80 % seulement, il faudra rattraper 20 %. L’enseignant est dispensé de rattrapage s’il a atteint 100 % des objectifs fixés. »

À l’université Paris-Diderot, les services de la présidence réfléchissent aussi à aller très loin dans la décharge horaire sur mesure, en jouant sur l’âge et la discipline. « C’est assez complexe car il faudrait arriver à des perspectives de carrière sur la durée, en harmonie avec les projets scientifiques. Cela peut aller jusqu’à la planification d’une année sabbatique », détaille Catherine Bernard, directrice de cabinet du président.

Concurrence entre universités européennes
Toutes ces dispositions profitent aux jeunes maîtres de conférences qui ne se privent pas de faire leur marché. Surtout dans les disciplines où le vivier de candidats devient de plus en plus modeste (comme les sciences exactes). Ces derniers peuvent même faire jouer la concurrence entre plusieurs établissements européens. Bruno Sire, qui déplore encore le départ pour Lausanne de l’un de ses meilleurs enseignant en finance, rappelle « qu’il faut s’adapter aux standards de recrutement internationaux pour rester dans la compétition ». Pour la rentrée prochaine, il envisage un allégement de service équivalent à un mi-temps pour tous les maîtres de conférences français ou étrangers nouvellement recrutés, avec l’engagement de devenir professeur d’université dans les cinq ans. En cas d’échec, le temps de service consacré à l’enseignement sera rattrapé sur la même période. Pour le président de Toulouse 1, la modulation de service se conçoit également comme une manière de ne pas perdre un enseignant, en acceptant de le partager : « Avec 64 heures de cours par semestre, un enseignant peut être devant ses élèves à la fois dans mon université et dans une université située à Barcelone. »

Tous les présidents d’université ne sont pas aussi avancés dans leur réflexion. Certains préfèrent jouer sur d’autres variables d’ajustement, se méfiant de la surenchère et réservant leur offre à des porteurs de gros projets de recherche. « Dans une université de taille modeste, un jeune maître de conférences devra se débrouiller seul. À l’UPMC, s’il travaille sur un important projet européen, il pourra bénéficier de l’appui d’un service qui compte dix personnes. Et je pourrai mettre un ingénieur à sa disposition », souligne le président de l’UPMC, Jean-Charles Pomerol. Des mesures qui peuvent s’avérer très attractives, couplées à une modulation de service. Mais quand un président déroule le tapis rouge, les jeunes maîtres de conférences doivent s’attendre à remplir, dans des délais imposés, une obligation de résultats. Le marché du recrutement devient donnant-donnant.

| Publié le