Manifestation du 20 novembre 2008 : enseignants et lycéens disent pourquoi

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La manifestation du 20 novembre 2008 dans l’Education nationale a rassemblé entre 100 000 et 220 000 personnes – enseignants et lycéens - selon les sources, policières et syndicales. Les défilés se sont formés dans une cinquantaine de villes, à Paris (entre 9000 et 40 000 manifestants), en province (Bordeaux, Lyon, Toulouse, Nantes, Grenoble…) et Outre-mer (Saint-Denis…). Témoignages de manifestants enseignants et lycéens dans le cortège parisien sur les raisons de leur mobilisation. 

Chose promise, chose due… A l’issue de la manifestation du 19 octobre 2008, les syndicats des enseignants avaient prévenu : une grève unitaire serait programmée en novembre pour protester contre les suppressions de postes (13 500 à la rentrée 2009) et obtenir de meilleures conditions de travail dans l’Education. Jeudi 20 novembre 2008, professeurs du premier et du second degrés (en majorité) mais aussi lycéens, étudiants et écoliers (privés d'école…) n’ont pas manqué le rendez-vous. Un enseignant sur deux était en grève et ils étaient très nombreux (40 000 selon les organisateurs, 9 000 selon la police) à défiler à Paris, du Luxembourg au ministère de l’Education nationale, dans une ambiance bon enfant.

Pourquoi tant de grabuge ? Selon Xavier Darcos, le ministre de l’Education nationale, la moyenne des effectifs par classe ne dépasse pas 27 dans les lycées généraux, 19 dans les lycées professionnels. "C'est la meilleure moyenne des pays de l'OCDE", précise-t-il. A croire que, ce jeudi, ce sont tous les étudiants et les professeurs de France et de Navarre dont la classe dépasse les 30 élèves, sans exception, qui avaient fait le voyage jusqu’à la capitale…

Trop pour participer en cours

Dans la rue, les manifestants contestent les chiffres du ministère. « On est 36 par classe. C’est difficile d’étudier dans ces conditions. En philo, le prof a été obligé de limiter notre participation. Si on veut poser des questions, il faut attendre la fin du cours.», raconte Madeleine, lycéenne en terminale L à Meaux. Même discours chez son camarade, Kevin, en terminale S : « En TP de physique-chimie, on est 20 au lieu de 18. Résultat : certains travaux ont été supprimés car il manque du matériel. Or, ce sont des thèmes présents au programme du bac. Autre exemple, en espagnol, on est 30 élèves pour 28 places assises. Du coup, on tourne, on se met à trois par table de 2. Et encore, notre lycée, assez élitiste, est plutôt bien loti par rapport à d’autres. »

Mieux vaut prévenir…

Pourtant, pour le moment, peu de manifestants reconnaissent avoir ressenti les effets des suppressions de postes de la rentrée 2008. Beaucoup sont là par anticipation, par crainte de l’avenir. « Nous protestons contre les coupes franches annoncées pour 2009 », avouent Sophie, Coralie, Nicolas et Katia, quatre jeunes professeurs des écoles en banlieue parisienne (93). Nicolas dénonce tout de même la chute du nombre de postes ouverts au concours de recrutement dans l’académie de Créteil, un sujet d’actualité. « De 1280 il y a deux ans, on est passé à 750. Et cette année, la liste complémentaire, dans laquelle on puisait les professeurs remplaçants, a tout bonnement été supprimée ».
Alice, lycéenne en 1ère ES, et Mickaël, élève en 1ère STG, à Arpajon (91), sont également là pour tenter d’éviter le pire. « Pour le moment, ça peut aller, notre lycée n’est pas touché par les suppressions de postes. On est une trentaine par classe. D’autres sont 35-36, d’autres encore 24. En fait, on est surtout super mal répartis ».   
Alain, professeur de productique, et Patrick, professeur d’électronique au lycée René-Cassin, à Noisiel (77), ont également l’impression d’être dans un grand flou artistique, sans vision à long terme. « Dans deux mois, nous devrons répondre aux questions de collégiens et de leurs parents qui s’interrogent sur l’orientation. Avec la réforme du lycée, on ne sait absolument pas ce que l’on va leur répondre. Quel avenir attend les options des filières technologiques ? On n’en sait rien… La seule chose que l’on sait, c’est qu’il est très difficile d’amener nos élèves au bac pro en trois ans seulement (soit un an de moins), comme le prévoit la réforme du bac professionnel."

Ultimatum

Les sujets d’inquiétude, ce jeudi, étaient divers et multiples dans le cortège : la suppression des 3.000 postes de maîtres Rased; le remplacement des cours du samedi par du soutien en semaine ou pendant les vacances scolaires; propos de Xavier Darcos sur l'école maternelle, la diminution du nombre hebdomadaire d’heures de cours  en seconde; la réforme des IUFM (instituts de formation des maîtres); et les heures supplémentaires destinées à compenser les postes supprimés... Chacun avait sa raison de protester contre la politique d’un ministre qui ne « les écoute pas, ne les respecte pas ». « Tous unis pour lutter, tous unis pour gagner », ont martelé les manifestants, outrés par le fait que l’Etat puisse « faire des économies sur le dos des enfants ». Deux heures après l’arrivée du cortège devant le ministère de l’Education nationale, les professeurs étaient encore nombreux à scander « Darcos, démission ». Les syndicats ont donné cinq jours au ministre pour ouvrir des négociations. En cas de non-réponse, de nouvelles actions devraient être programmées. L’ultimatum est lancé.




Le mouvement en province

Au total, entre 100.000 et 220.000 personnes ont protesté en France pour l’éducation. Combien de manifestants recensait-on dans les principales villes de province ?
A Marseille : 5 000 à 11 000
A Lyon : 6 000 à 10 000
A Nantes : 5 000 à 10 000
A Toulouse : 5 000 à 10 000
A Bordeaux : 5 500 à 20 000
A Grenoble : 5 700 à 9 000
Au Mans : 3 400 à 6 000
A Rouen : 2 500 à 5 000

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