Manifestation du 24 mars : paroles d’enseignants-chercheurs

Publié le
Manifestation du 24 mars : paroles d’enseignants-chercheurs
23858-manif-24-03-09-001-original.jpg // © 
Quelque 10 000 à 23 000 personnes ont manifesté mardi 24 mars 2009 contre les réformes menées par le gouvernement dans l’enseignement supérieur. Alors même que Valérie Pécresse et Xavier Darcos ont multiplié les annonces ces deux dernières semaines. Cette huitième journée de manifestations a été parmi les moins suivies depuis le début de la mobilisation universitaire il y a deux mois - loin des 100 000 manifestants issus de l'enseignement supérieur et de la recherche le 19 mars selon le Snesup-FSU -. A Paris, où 5 000 à 15 000 manifestants ont défilé, le gros du cortège était composé d'étudiants, défilant aux côtés des "IUFM en colère", d’enseignants-chercheurs de plusieurs universités franciliennes et de chercheurs du CNRS ou de l'Inserm. Réactions à chaud de quelques manifestants.

« C’est ce qu’on veut, le retrait de la LRU », « Pécresse, démission »,  scandaient à l’unisson étudiants et professeurs, à la manifestation parisienne du 24 mars 2009, partie de Denfert Rochereau et qui a abouti devant l’école Polytechnique, siège du Ministère de l’enseignement supérieur. L’ambiance était festive ce mardi après-midi printanier bien qu’un peu frisquet dans les rues de Paris.

En tête du cortège boulevard Arago, un groupe de professeurs du mouvement Sauvons l’Université, avec comme l'une des porte-parole Laurence Giavarini, maître de conférence en lettres françaises à Dijon. Déterminée, la jeune femme se tient juste derrière la pancarte  « Présidents mécontents ». C’est la première fois que les présidents d’université (NDLR : Pascal Binczak, Paris 8-Saint-Denis et Georges Molinié, Paris 4 - Sorbonne) descendent dans la rue », constate t-elle.

Et d’ajouter : « Car si certaines universités sont d’accord, une vingtaine ont exprimé leur mécontentement. Nous souffrons d’un manque de reconnaissance, pourtant cela fait déjà huit semaines que le mouvement dure  ». Si elle ne pense pas que la LRU puisse être abrogée, certains aspects devraient être revus selon elle.

Le statut des enseignants bien sûr, mais pas seulement. La Masterisation des professeurs l’inquiète, mais aussi pêle-mêle la suppression des postes, le contrat doctoral unique, le fait qu’il n’y aura plus qu’un "patron à la tête de chaque université", la perte de pouvoir du conseil scientifique, et enfin la mise à mal du statut national des diplômes.

Sur ce point, elle s’explique : « c’est déjà un peu le cas, mais la loi va empirer les choses avec la mise en concurrence des universités », regrette-t-elle. Quant à sa voisine, Caroline Callard, normalienne, professeur d’histoire à Paris 4, non syndiquée, c’est la première fois qu’elle fait grève.

« Beaucoup de mes collègues n’avaient jamais fait grève jusqu’au présent, c’est assez impressionnant ». Et d’ajouter à propos des concessions de Valérie Pécresse. « Nous sommes ulcérés, c’est un simulacre de concession. Pour les postes par exemple, c’est de la poudre aux yeux, car c’était dramatique d’envisager des suppression de postes alors que nous sommes déjà à la traîne de l’Europe en terme de financement ».

Concernant l’autonomie de gestion des universités, elle est plutôt pour, afin « d'éviter toutes ces paperasseries obligatoires dès qu’on veut organiser un colloque à 3000 € ». Mais ce qu’elle refuse, c’est que la fac soit dirigée par une seule personne, qu’il n’y ait plus de collégialité. Pour elle, c’est clair, cela cache un désir du gouvernement de démanteler l’enseignement public.

« Quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage », déclare t-elle. Plus loin, devant le collège Henri IV, Chantal Delourme, professeur de littérature  anglaise à Paris 10 Nanterre est venue manifester avec ses collègues.  C’est la Masterisation qui l’inquiète d’abord. « C’est une remise en cause de l’enseignement de la littérature anglais, nous devrons désormais nous caler sur ce qui est enseigné au lycée, ce qui revient à faire disparaître l’enseignement de la littérature anglaise. Il n’y aura plus d’oral d’anglais au Capes, c’est un comble ».

Pour Bernard Cors, également professeur d’Anglais à Nanterre, cela annonce la précarisation des professeurs de langue, car pour lui l’objectif du gouvernement est de recruter bien plus de professeurs de langues non titulaires. « D’ailleurs, les rectorats ont déjà commencé à recruter des étudiants directement via les secrétariats des UFR ».

Plus loin, devant le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, ex-école Polytechnique, l’ambiance monte d’un cran, et les étudiants paraissent très remontés. Contrairement aux professeurs rencontrés plus haut, Morgane Buffet, en deuxième année de licence d’Espagnol à Paris 4 est comme la plupart des étudiants présents, clairement pour l’abrogation pure et simple de la loi.

« Je suis contre la privatisation de l’université. Plus tard, je veux faire de la recherche sur l’Amérique latine, et avec ce nouveau système, je n’aurai pas de bourse, les finances n’iront pas en priorité pour les sciences humaines, on n’intéresse pas les entreprises ». Plus loin, des étudiants d’Arts Plastiques (Saint-Charles à Paris) sont aussi mobilisés. Comme ils le chantent avec vigueur, ils veulent d’abord et encore « l’abrogation de la LRU ». Et voir plus clair sur leurs débouchés professionnels...

| Publié le