Maria Helena Nazaré, présidente de l’EUA : «L’Education m’apparaît de plus en plus comme un bien semi-public »

Propos recueillis par Mathieu Oui Publié le
Elue en 2011 à la tête de l’Association européenne des universités (EUA ), la Portugaise Maria Helena Nazaré a pris ses fonctions au congrès annuel de l'EUA qui s’est déroulé les 22 et 23 mars 2012 à l’université de Warwick, au Royaume-Uni. Elle revient pour Educpros sur les questions de financement des universités alors qu'elle débute un mandat de trois ans.

Cette année, le colloque annuel de l’EUA à Warwick portait sur la viabilité des universités. Pourquoi avoir choisi ce thème ?
Les universités en Europe telles que nous les avons connues vont devoir faire face ces prochaines années à des changements pour assurer leur viabilité. Face au reflux démographique européen, nos pays vont devoir accueillir un certain nombre de migrants qui représentent autant de talents pour nos établissements. Et au lieu de se contenter d’apprendre à des jeunes étudiants, il faut commencer à réfléchir à accueillir le public des autres générations (formation continue...) pour répondre à notre besoin de main d‘oeuvre qualifiée.

Devant la montée en puissance du débat sur les frais de scolarité en Europe, quelle est votre position ?
L’Education m’apparaît de plus en plus comme un bien semi-public. Dans l’idéal, le système doit être financé par des fonds publics. Mais le vieillissement de la population européenne entraîne de nouvelles dépenses en matière de santé ou de retraites par exemple. Selon moi, les personnes diplômées de l’enseignement supérieur bénéficient, du fait de leur formation, de revenus supérieurs à la moyenne. Elles peuvent donc payer en retour une partie de leurs études sous forme de frais de scolarité : c’est une façon de boucler la boucle. En même temps, les gouvernements doivent s’assurer que chacun a les moyens d’accéder à l’éducation à travers un système de prêts et bourses.

Dans le débat actuel sur les coupes budgétaires qui affectent les universités de certains pays, quelle est la position de l‘EUA ?
Notre mission n’est pas d’interférer sur les politiques nationales. L’Education a le poids que la société veut bien lui accorder. C’est à chaque pays de voir le seuil minimum en dessous duquel les missions des universités sont menacées. Nous disons que c’est la qualité des ressources humaines qui est en jeu et nous espérons que les gouvernements reconnaissent qu’il est payant d’investir sur l’éducation. Mon propre pays, le Portugal, est un bon exemple de cette situation difficile. Il faut s’organiser pour réaliser des synergies à travers le partage de laboratoires et de nos infrastructures de recherche. Au Portugal, l’université classique et l’université technique de Lisbonne envisagent déjà de fusionner par exemple. Faire des diplômes conjoints entre plusieurs universités représente une autre solution, c’est ce que nous faisons notamment entre les universités du Minho, d’Aveiro et de Porto. De toutes façons, en matière d’économie budgétaire, il n’y a pas de miracle. C’est beaucoup de sueur, de larmes et de sang !

«Horizon 2020» de la Commission européenne accueilli favorablement par l'EUA

En décembre 2011, l’EUA a réagi plutôt favorablement à la proposition de la commission Européenne sur le prochain programme structurel européen de recherche et d’innovation baptisé «Horizon 2020» et qui devrait couvrir la période 2014-2020. Si  l’Association se satisfait du montant global de l’enveloppe (80 milliards €), elle se montre plus critique sur certaines dispositions. La commission propose de prendre en charge 100% des coûts directs des projets de recherche (contre 75% aujourd’hui) mais voudrait notamment limiter à 20% le remboursement des coûts indirects (contre 60% aujourd’hui). Une «simplification» qui s’avère, selon l’EUA, une «réduction » des coûts indirects et qui pourrait pénaliser certains établissements, notamment ceux ayant de forts coûts de maintenance et de gestion de leur patrimoine immobilier.

Propos recueillis par Mathieu Oui | Publié le