Mastérisation : un rapport pointe les dysfonctionnements de la réforme

Sophie Blitman Publié le
Mastérisation : un rapport pointe les dysfonctionnements de la réforme
J.M Jolion // © 
Président du comité de suivi master, Jean-Michel Jolion a rendu à Valérie Pécresse son rapport d’étape sur la réforme de la formation des enseignants. Sans remettre en cause le principe de l’admissibilité au niveau master, le document sans complaisance pointe les insuffisances et les dysfonctionnements de la réforme. Si le rapport définitif est attendu pour la fin de l’année universitaire, le président du comité de suivi master propose d’ores et déjà quelques pistes.

Pour Jean-Michel Jolion, l’un des problèmes de fond de la réforme est celui du "sentiment de déconnexion entre le concours et le métier", liée à la très faible place finalement laissée au volet professionnel.

 "Il y a une redisciplinarisation du concours"

Le contenu du concours lui-même est en cause : "alors que la réforme prévoyait un concours très axé sur le métier d’enseignant, on s’aperçoit qu’il y a une redisciplinarisation du concours", explique le président du comité. "Il ne s’agit pas de gommer le volet disciplinaire, précise-t-il, mais de renforcer l’aspect professionnel".

Aucun stage obligatoire

D’autre part, la formation n’incluant aucun stage obligatoire , "on peut réussir le concours sans jamais avoir mis les pieds dans une classe !", reproche Jean-Michel Jolion. A l’inverse, il souhaiterait que la pratique professionnelle fasse l'objet d'une validation prise en compte dans le concours.
Autre proposition : pourquoi ne pas ouvrir cette formation en alternance, comme c’est le cas de très nombreuses filières à l’université ? Mais encore faut-il qu’il s’agisse vraiment d’une modalité de formation, souligne-t-il, pas d’un "moyen pour les rectorats de se constituer un vivier de vacataires…"  Et pour que le concours national continue d’être le même pour tout le monde, Jean-Michel Jolion n’exclut pas la possibilité de créer un concours spécifique en alternance.

L’organisation pratique du concours en question

Sur les aspects pratiques de la réforme, la place du concours est "unanimement remise en cause", affirme le rapport. Le calendrier actuel prévoit des épreuves écrites au début du M2 et des oraux à la fin de l’année. Si aucune solution n’est idéale, placer l’admissibilité à la fin du M1 semblerait être un moindre mal.
En outre, Jean-Michel Jolion insiste sur la nécessité de publier un plan pluriannuel des emplois, afin que les candidats sachent à l’avance à quoi s’en tenir, et soient assurés, dans certaines disciplines, qu’il y aura bien des postes au moment où ils passeront le concours…

Repenser l’articulation concours / master

Autre situation problématique, celle des "reçus-collés" , que ces étudiants réussissent le concours mais échouent au master, ou l’inverse. Dans cette perspective, l’une des solutions, aujourd'hui mise en place à Lyon 1, serait de créer au sein des masters, une spécialité "à part entière réservé aux étudiants qui ont déjà le master, leur permettant de se focaliser sur la préparation du concours", détaille Jean-Michel Jolion. Cela éviterait notamment que ne se multiplient des préparations privées aux concours, en parallèle des formations universitaires.

"On peut imposer aux étudiants de faire un bilan de compétences"

Et pour que les candidats ne s’enferment pas trop longtemps dans cette voie, comme cela arrive parfois en cas d’échecs répétés au concours, l’idée serait de créer des modules spécifiques d’orientation professionnelle : les étudiants seraient accompagnés pour construire un projet alternatif à l’enseignement. Jean-Michel Jolion serait même favorable à "leur imposer un bilan de compétences : le système éducatif n’est pas seulement là pour préparer les étudiants aux examens et concours, il a la responsabilité de leur offrir un maximum de pistes".

Pour l’heure, le rapport n’a suscité aucune réaction officielle des ministères. Jean-Michel Jolion, lui, doit être auditionné par la mission parlementaire présidée par le député (UMP) Jacques Grosperrin. Prochain acte de la mastérisation, donc, le 25 mai 2011.

Sur la mastérisation, lire aussi notre dossier : strong>Formation des enseignants, la mastérisation et ses bugs

Sophie Blitman | Publié le