
C'est une déclaration qui semble contre-intuitive : la fin de la liberté à l'installation médicale est "une menace directe pour l'accès aux soins", estiment pourtant plusieurs associations d'étudiants de médecine, des syndicats de médecins, l'Ordre des médecins mais aussi le maire de Reims et l'Association des maires ruraux, dans un communiqué commun du 3 avril.
Cette mobilisation répond à une nouvelle avancée, ayant eu lieu la veille, de la proposition de loi dite "loi Garot", d’initiative transpartisane, déposée par le député socialiste de la Mayenne, Guillaume Garot.
Le 2 avril, l'Assemblée nationale a réintroduit et adopté le fameux article 1 qui instaure une régulation de l'installation des médecins sur le territoire et ce, afin de lutter contre les déserts médicaux. Un article "initialement rejeté en commission des affaires sociales pour son caractère dangereux et inefficace", soulignent les signataires.
Depuis plusieurs mois, de nombreux acteurs se mobilisent contre cette loi qui propose de créer une autorisation d'installation délivrée par les ARS (agences régionales de santé) pour les médecins généralistes, spécialistes, libéraux et salariés afin de les orienter vers les zones où l’offre de soins est insuffisante. Mais leur message semble ne pas avoir été entendu par les députés, qui ont voté en faveur du projet (155 voix pour et 85 contre).
Pour les signataires, cette mesure "expose notre système à une dégradation de l’accès aux soins des patients sur l’ensemble du territoire. Son seul effet sera d'interdire des installations dans les 4.580 communes non classées comme sous-dotées, pourtant loin d’être sur-dotées."
Un risque de contournement de la mesure
Par ailleurs, ajoutent-ils, cette mesure "ne contribuera qu’à détourner les jeunes médecins de l’installation au profit d’autres exercices, ou d’une fuite vers l’étranger".
Le 1er avril, Marc Humbert, vice-président de la Conférence des doyens de médecine, indiquait que "le Français n’est pas toujours facile à contraindre. On sait déjà que certains de nos collègues partent en Suisse, en Belgique, au Luxembourg, voire outre-Atlantique. Imposer des contraintes, c’est prendre le risque de départs à l’étranger".
Par ailleurs, lors du même point presse, Isabelle Laffont, présidente de la Conférence, relevait qu'"il y a déjà des mesures de régulation. En réalité, les jeunes ne font pas ce qu’ils veulent : ils sont déjà contraints sur la région où ils vont s’installer et la spécialité qu’ils vont exercer [à l'issue du concours d'internat en fin de 6e année]. Cette contrainte génère déjà beaucoup d’inquiétudes".
Une proposition de loi alternative proposée pour lutter contre les déserts médicaux
Pour la présidente de la Conférence des doyens, il est clair que "les déserts médicaux sont une urgence. Et la solution d'urgence, c'est l'assistanat territorial", c'est-à-dire un dispositif incitatif, déjà proposé par les doyens et les associations d'étudiants. Pouvant être déployé dès novembre 2025, il permettrait de valoriser l'installation dans les zones sous-denses. Basé sur le volontariat, ce contrat d'un à deux ans offrirait des contreparties et favoriserait la pérennisation de l'installation des médecins concernés.
Marc Humbert évoque d'autres pistes, à plus long terme : mieux estimer les besoins de la population à l'avenir et les effectifs de médecins à former, "limiter le nombre d'années en remplacement", ou limiter "le nombre d'accès à certaines disciplines comme la médecine esthétique".
L'Anemf (Association nationale des étudiants en médecine de France), ReAGJIR (Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants) et l'Isnar-IMG (InterSyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale) - trois associations d'étudiants - ont également rédigé leur propre proposition de loi pour améliorer efficacement l'accès aux soins, le 27 mars.
Le bras de fer se poursuit
Si François Bayrou, le Premier ministre, s'est dit favorable à la contrainte de régulation, la question n'est pas tranchée pour autant. Le vote du 2 avril n'est pas définitif : les députés devront se pencher de nouveau sur le texte et ce, lors des séances des 6 et 7 mai.
Le 3 avril, les signataires rappellent leur "opposition ferme" à ces "mesures coercitives et dangereuses". "Ce démagogisme électoral, dont le but premier est de tenter d'assurer les prochaines échéances électorales, ne trompera personne : ce ne sera jamais une action positive sur la santé publique", écrivent-ils.
Ces étudiants en médecine, internes, médecins et membres des collectivités préviennent : "Nous n'hésiterons pas à utiliser tous les leviers à notre disposition pour permettre aux étudiants, aux internes et aux médecins de se mobiliser contre cette mesure, dans l'intérêt des patients".