Pour la deuxième année consécutive, les doyens de médecine appellent à une simplification de la réforme du premier cycle des études de santé (R1C), qui instaure deux voies - le PASS (parcours spécifique "accès santé") et la L.AS (licence avec option "accès santé") - mises en place en 2020.
"Il y a une mauvaise perception de cette réforme par les lycéens et les familles, du fait de sa complexité. La cohabitation dans une même université de plusieurs modalités d'admission est vécue comme une complexité illisible", indique Benoît Veber, doyen de l'UFR santé de l'université de Rouen et président de la conférence des doyens de médecine.
Lors de la conférence de rentrée, le 12 septembre, il présente avec Bruno Riou, doyen de la faculté de médecine de Sorbonne Université et vice-président de la conférence, les propositions qu'ils souhaitent faire à l'automne pour améliorer le dispositif.
Des universités qui ne proposeraient que des PASS ou des L.AS
Plusieurs "axes forts" se détachent. Le plus important d'entre eux est la proposition d'une voie unique par établissement.
"Il faut que dans une université, il n'y ait qu'une seule voie d'accès d'études en santé : soit un système tout L.AS ; soit un système PASS en 1re année puis L.AS 2 pour tenter la deuxième chance [pour accéder à la deuxième année d'études de santé]", indique le président de la conférence. Cela implique que les universités proposant un PASS n'auraient plus de L.AS 1 "pour ne pas avoir de compétition au sein d'une université".
Les universités qui choisiraient de proposer des licences option santé dès la première année devraient, selon Benoît Veber, ne pas "multiplier à l'infini les L.AS" et, surtout, veiller à la "cohérence entre la discipline majeure et la santé".
Une proposition différente de celle émise par certains syndicats étudiants. "Notre proposition n'est pas tout à fait la licence unique", précise-t-il, puisqu'une "L.AS santé unique n'est pas réaliste au sens des débouchés professionnels. Sinon un bon nombre d'étudiants devront recommencer à zéro une formation, car ils n'auront rien [en cas d'échec]. Avec plusieurs L.AS, on varie les débouchés".
Garantir un niveau plus homogène et revoir l'interclassement
Deux autres propositions complètent le changement suggéré par les doyens. Tout d'abord, éviter d'avoir "des promotions au niveau trop hétérogène" en 2e année d'études en santé.
Les doyens souhaitent que "les étudiants qui sont admis en 2e année d'études de santé aient eu au préalable le même volume d'enseignements" dans les matières biomédicales. Benoît Veber pointe des écarts importants entre des étudiants de PASS ayant suivi parfois suivi 400 heures de cours dans ces domaines, contre 100 heures dans certaines L.AS.
De quoi peut-être éviter les redoublements plus nombreux pour les étudiants issus de L.AS. Selon Benoît Veber, à Rouen, il y aurait près de 30% de redoublements pour les 2e année issus de L.AS contre "quelques pourcents" pour ceux issus de PASS.
Enfin, il reste à "régler le problème de l'interclassement" entre les L.AS "car il est très complexe et source d'incompréhension pour les familles et les étudiants". Une piste de solution pourrait être de baser cet interclassement sur "un enseignement commun : une UE (unité d'enseignement) santé étoffée, car nous voulons que tous aient le même socle".
L'audit attendu de la Cour des comptes
Ces ajustements paraissent nécessaires aux doyens, après la mise en place d'une réforme effectuée "sans beaucoup de concertation avec les doyens", estime Bruno Riou, vice-président de la conférence des doyens.
Objectif : apporter "une simplification et une lisibilité de l'accès aux études de santé", sans remettre totalement en cause le dispositif de 2020, puisque le ministère de l'Enseignement supérieur avait exclu la possibilité d'une "réforme de la réforme".
Ces mesures devront attendre qu'un nouveau gouvernement soit nommé pour être discutées. Comme le résume le président de la conférence des doyens : "Ce sont les pistes sur la table. Il nous faut un arbitre que nous n'avons pas aujourd'hui".
Ces propositions se basent également sur les premiers éléments que la Cour des comptes leur a apportés, en juin. En effet, celle-ci travaille à un audit sur la réforme du premier cycle des études médicales. La publication du rapport, très attendue, est prévue pour cet automne.
Former 16.000 étudiants en médecine : des objectifs démographiques qui doivent être accompagnés
Revenant également sur l'objectif fixé par l'ancien Premier ministre, Gabriel Attal, en avril, d'ouvrir le numerus apertus de places de 2e année de médecine à 16.000 étudiants en 2027, les doyens observent qu'en passant de 9.500 à 10.000 élèves, les universités ont déjà augmenté les effectifs de 20% entre 2019 et 2023.
Pour lutter contre les déserts médicaux, "tout le monde s'accorde sur le fait qu'il faut augmenter le nombre de médecins en formation, concède Benoît Veber. Mais pour une telle augmentation, il faut que l'État nous accompagne en termes de moyens, et de nombre d'enseignants".
Puisque les universités sont déjà "saturées", ainsi que les terrains de stage, le doyen estime qu'il faut "une montée en charge progressive sur cinq à dix ans", au lieu des trois ans proposés, pour "maintenir la qualité de la formation".