Manifestation des universitaires : ce qu'en pensent les passants

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Manifestation des universitaires : ce qu'en pensent les passants
Manifestation parisienne du 2 avril 2009 // © 
A l’heure où le conflit perdure et tandis que les enseignants chercheurs et les étudiants multiplient les initiatives hors les murs de l’université pour rendre visibles et compréhensibles leurs revendications, Educpros a interviewé les passants qui ont vu défiler la neuvième manifestation parisienne le 2 avril 2009, qui a rassemblé 7000 personnes selon la police, 25 000 selon les organisateurs. Des témoignages sur le vif, plutôt solidaires.

Paris, jeudi 2 avril 2009, place du Panthéon, place des Grands hommes… C’est là que les étudiants et enseignants-chercheurs se sont donnés rendez-vous pour une nouvelle manifestation. Les banderoles et les drapeaux, dont certains sont un peu élimés, ont l’air d’avoir déjà bien servis. On se salue, on s’embrasse, on se retrouve. Les acteurs se reconnaissent. Deux mois de conflit à brandir les mêmes slogans. Mais pas de lassitude apparente pour un spectacle parfaitement rôdé, qui tient l’affiche depuis plus de huit semaines. Et le public, c’est-à-dire les passants qui voient défiler les manifestants et leurs slogans, qu’en pensent-ils ?

Sur le seuil de son épicerie, Mahdi, patron de la Crémerie du Panthéon, observe le défilé : « Pourquoi ils manifestent ? Je crois que c’est pour des questions de salaires et à cause de l’élimination des postes. C’est bon. C’est pour leur droit. »

« La Sorbonne c’est beau de l’extérieur mais à l’intérieur c’est pourri »

Plus loin, devant une agence bancaire, deux chargées de clientèle en pause cigarette commentent. « Ils manifestent de façon pas violente, sans débordement, souligne Nadine. C’est la seule manière de s’exprimer. Les chercheurs sont mal payés alors qu’on a besoin d’eux. Moi d’adhère ». « Il faut le faire, il faut s’exprimer, il faut réagir. On sait que les facs n’ont pas d’argent. Ils sont tous entassés dans les amphis, assis sur des marches d’escalier. La Sorbonne c’est beau de l’extérieur mais à l’intérieur c’est pourri. Et les chercheurs, c’est mal payé, non ? »

Filant en poussant un landau, une femme ose exprimer son désaccord : « Les chercheurs ? Qu’est-ce qu’ils cherchent ? Allez donc travailler au lieu de manifester. » Une autre se joint à la conversation : « Moi j’ai deux enfants étudiants. Alors je les comprends. Avec les facs qui vont être privatisées. C’est un ras le bol de tout. D’ailleurs, c’est pour ça que mes enfants ne sont pas à l’université : l’un est en école de commerce et l’autre en école d’ingénieur. »

« Il faut peut-être laisser la chance à la réforme»

Boulevard Saint Michel. Assis sur un banc public, un prof de mathématiques à la retraite, « ici en touriste » raconte : « Moi j’ai vécu 68. Les ouvriers se sont mis en grève. C’était autre chose. Ce que je sais c’est que le niveau de ceux qui rentrent à la fac, est lamentable. Y’en a qui ne savent pas écrire. Mais l’autonomie ça va faire comme aux Etats Unis, avec des grandes universités de prestige, et d’autres que personne ne connaît. »

A une terrasse de café, Jean-Pierre, cadre commercial dans l’industrie textile est dubitatif : « Tout le monde est d’accord pour dire que le système ne marche pas. Il faut peut-être laisser la chance à la réforme. Laissons le temps de voir si ça marche. L’immobilisme on est sûr que ça ne marche pas. Il faut oser. Là j’ai l’impression que ce sont des gens qui n’aiment pas oser. »

Assise à côté de lui, Anne Sophie, étudiante en master de droit à Assas va dans son sens : « Je pense que c’est pas justifié. Les réformes elles sont faites, elles finiront par passer et tout ça sert à rien. On est obligé de réformer. Ca sert à rien de manifester ».

« Ils ont déjà la chance d’être fonctionnaires»

Devant sa boutique d’esthétique, Andrée est agacée : « C’est un quartier à manif là. Les clientes elles ont peur. C’est pas que je critique, mais bon… J’en sais rien. Ils ont déjà la chance d’être fonctionnaires. Ils ont la sécurité de l’emploi. Et les étudiants, bon il y a un paquet qui ferait mieux d’aller bosser au lieu d’étudier. Déjà s’ils faisaient le triage comme à Henri IV il y en aurait un peu moins qui font que surchauffer les salles de cours ».

Lise, sa collègue intervient : « Moi je suis de tout cœur avec eux. La mastérisation, j’ai compris ce que c’est : s’ils sont compétents [Ndlr : à bac+3] pourquoi faire des études plus longues pour être professeur ? Ca ramène des coûts supplémentaires. Déjà ils n’ont pas les moyens. Ca veut dire travailler à côté. Une vie pas possible. »

« Quand vous voyez tous les intellectuels dans la rue… »

Boulevard Raspail. Un couple de retraités, assis à un arrêt de bus, regarde passer le cortège. Lui est un ancien agent de la SNCF. « C’est ni de gauche, ni de droite. Quand vous voyez tous les intellectuels dans la rue, c’est pas une manifestation populaire. Mais ils ont raison. Les économies, les économies, c’est plus possible. On voit bien que c’est pas que localisé aux profs. Leur ras le bol, c’est le ras le bol de tous. Mais bon, dans les détails je comprends pas tout ».

Justement, à quelques pas de là, en queue de manifestation, Elise, une étudiante de licence de lettres distribue des tracts pour faire un peu de pédagogie : « J’ai peu de réactions hostiles genre : dégagez, allez travailler… Mais c’est vrai que sur des sujets précis liés à la LRU, à la masterisation ou aux statuts des enseignants-chercheurs, les gens ne comprennent pas. On essaie d’expliquer que tout est lié, que le problème de l’université concerne l’ensemble de la société française, ça prend du temps. » Plus de huit semaines en tout d’explication, selon les manifestants.

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