Quel regard portez-vous sur la rentrée de l’alternance ?
Je suis inquiet. Les jeunes qui souhaitent se former en alternance rencontrent énormément de difficultés pour décrocher des contrats. Ces derniers mois à l’ANAF nous avons reçu des centaines de CV de jeunes qui ne trouvent pas d’entreprise pour les accueillir. Aujourd’hui, des PME qui avaient l’habitude de recruter chaque année en contrat d’apprentissage ou en contrat de professionnalisation choisissent de ne plus former en alternance. La faute à la crise, bien sûr, mais pas seulement : une PME qui a éventuellement déjà eu une expérience en alternance qui s’est mal passée, et qui, en plus, n’a aucune visibilité sur son carnet de commande à 5 mois, ne voudra pas s’engager à recruter un jeune. Une priorité du nouveau ministre de l’apprentissage et de la formation professionnelle doit être de comprendre pourquoi des entreprises ne souhaitent pas renouveler l’expérience de la formation en alternance, et comment les accompagner pour qu’elles y viennent ou y reviennent.
L’ANAF a été conviée à participer aux consultations pour la Refondation de l’école courant août. Quels points de vue y avez-vous défendu ?
"Des PME qui avaient l’habitude de recruter chaque année choisissent de ne plus former en alternance"
Nous avons plaidé pour que cesse cette opposition systématique, cette "guéguerre" entre les CFA et les lycées professionnels, et nous avons demandé que davantage soit fait pour lutter contre les ruptures de contrat.
A titre personnel j’avoue avoir été très surpris par les violentes attaques de certains syndicats d’enseignants et de parents, qui ont des postures idéologiques très marquées, et sont opposés "par principe" aux formations en alternance au motif, réducteur, que la place des jeunes n’est pas à l’usine mais à l’école… J’ai même entendu un participant demander que le statut de salarié soit retiré aux apprentis !
Heureusement, je crois que grâce notamment au travail de lobbying des régions, et peut-être aussi grâce à nos interventions, les ministres Sapin et Repentin ont compris quelles étaient les spécificités et les avantages de la formation en alternance. J’en veux pour preuve la déclaration récente de Thierry Repentin qui a indiqué qu’un contrat de génération pourrait se faire en alternance.
Craignez-vous que les contrats de génération fassent de la concurrence aux contrats en alternance ?
L’ajout d’une obligation de formation est une bonne chose, mais était-il vraiment utile de recréer un système qui existe et fonctionne déjà, avec les contrats en alternance ? Au-delà des contrats de génération, le plus important pour l’ANAF est que les acteurs de l’alternance se donnent les moyens de soutenir les jeunes qui souhaitent se former en alternance, au moment de la recherche d’un contrat - à laquelle très peu sont préparés -, pendant le contrat, pour assurer quand c'est nécessaire la médiation entre le jeune et son responsable en entreprise, et après le contrat, pour faciliter la recherche d’un emploi.
Une rentrée difficile pour les alternants ?
Les chiffres de la DARES pour l'été 2012 ne sont pas encore disponibles mais beaucoup d’acteurs du secteur de l’alternance craignent que cette rentrée soit difficile pour les jeunes à la recherche d’un contrat. Une conséquence de la crise, qui rend les entreprises frileuses, mais aussi sans doute de l’arrêt en juin 2012 des mesures d’aides à l’embauche des jeunes en alternance.
Fin juin 2012, on comptait 583.000 jeunes en alternance contre 562.000 un an plus tôt, mais les entrées en contrat sont en baisse de 6.500 unités sur les 6 premiers mois de l’année 2012.
L’ANAF
L’association nationale des apprentis de France a été créée à l’initiative de Morgan Marietti et de 4 autres étudiants en novembre 2010. C’est la seule association qui représente les jeunes formés en alternance.
Lire aussi :
De fortes inquiétudes pour la rentrée de l’alternance
Une interview de Thierry Repentin sur le site PourSeFormer.fr
Une interview de Thierry Repentin sur le site des Echos
