C'était l'une des grandes mesures issues de la conférence Santé de février 2016. Le Premier ministre, Manuel Valls, avait annoncé la régionalisation du numerus clausus "pour qu'il soit plus en adéquation avec la réalité nationale." L’objectif : fixer le nombre d'étudiants admis en deuxième année de médecine, en fonction des besoins de santé du territoire et des capacités de formation.
Les doyens en première ligne
Conséquence de cette mesure, après que Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales et de la Santé, a fait savoir, le 24 novembre 2016, à l'Assemblée nationale, que le numerus clausus serait relevé, les doyens de médecine se sont retrouvés en première ligne pour décider de la répartition des places supplémentaires entre facultés.
"Pour la première fois, les places supplémentaires ouvertes au concours de médecine ont été attribuées à l’issue d’une concertation entre doyens", rappelle Jean-Luc Dubois-Randé, président de la Conférence des doyens de médecine et doyen de la faculté de médecine de l’Upec (Université Paris-Est Créteil).
Auparavant, cette répartition était décidée de manière unilatérale par le ministère des Affaires sociales et de la Santé – sans réelle coordination avec son homologue de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
499 places supplémentaires au total
Signe du rôle accru joué par les doyens, "l’augmentation du numerus clausus est formellement conditionnée à un vote du conseil de gestion de chaque faculté de médecine", fait remarquer Jean-Luc Dubois-Randé. Des votes qui, pour la plupart, ont déjà eu lieu dans les 25 facultés concernées mais qui se poursuivent jusqu'à la publication officielle, dans quelques jours, de l'arrêté répartissant les places supplémentaires, faculté par faculté.
Au total, à l’issue de cette concertation, l’augmentation du numerus clausus en médecine, pour l’année 2017, sera de 499 places, soit une hausse de 6,51 %. Les facultés bénéficiant des plus fortes hausses sont celles de l'université Lyon 1 Sud (+ 41 %), l'UVSQ (université Versailles-Saint-Quentin, + 26 %), l'université catholique de Lille (+ 25 %), Aix-Marseille Université (+ 24 %), Nice (+ 24 %), et Lyon 1 Est (22 %). À l'exception de Paris-Descartes, toutes les universités franciliennes bénéficient également d'une augmentation du numerus clausus. Au total, 8.150 places sont effectivement réparties.
Des garde-fous pour maintenir la qualité de la formation
En contrepartie de ces places supplémentaires, les doyens concernés se sont toutefois engagés à "adapter la capacité de formation de leurs facultés et à proposer pour l’ensemble des étudiants en médecine des stages en médecine générale."
Des garde-fous visant à rassurer l’Anemf (Association nationale des étudiants en médecine de France), qui se dit "vigilante à ce que la formation des étudiants ne soit pas sacrifiée sur l’autel de la hausse du numerus clausus."
Actuellement, seuls 20% des étudiants réussissent, en moyenne le concours de médecine. Une situation qui crée "un sentiment d’injustice et cristallise toute l’attention médiatique ainsi que celle des étudiants et de leurs parents", constate Antoine Oudin, le président de l’Anemf. Dans ce contexte, si l'Anemf estime que cette hausse du numerus clausus est une "bonne nouvelle", elle fait part de la difficulté à "faire entendre sa voix sur la qualité de la formation des étudiants en médecine", une fois passé le couperet du concours. "L’enjeu est pourtant crucial : dans certaines facs, les terrains de stage sont déjà peu nombreux et totalement surchargés."
Des préoccupations que partagent en premier lieu les doyens. "Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, cela n’a pas été la guerre entre nous pour augmenter notre numerus clausus", témoigne l'un d'entre eux. La preuve : 14 facultés ont fait le choix de ne demander aucune hausse de leur numerus clausus. À Brest, Caen, Clermont-Ferrand, Corte, Dijon, Grenoble, Lille 2, Limoges, Nancy, Paris 5, Polynésie française, Reims, Rouen et Tours, les doyens estiment être déjà au maximum de leurs capacités de formation en l’absence de moyens supplémentaires.
l’Anemf vigilante à Aix-Marseille et Lyon-Sud
A Aix-Marseille et Lyon-Sud notamment, l'Anemf sera vigilante au respect de l’obligation d’avoir 100 % des étudiants ayant effectué un stage en médecine générale.
Au sein de la faculté marseillaise, seuls les deux tiers des étudiants suivent effectivement un stage de médecine générale. "Nous avons conscience du défi à relever. C’est un vrai souci et l’université en fait une priorité", assure néanmoins Yvon Berland, président d’Aix-Marseille Université et président de la commission Santé de la CPU (Conférence des présidents d’université). "Mais il est très difficile de trouver des maîtres de stages, c’est-à-dire des médecins généralistes acceptant d’accueillir les étudiants dans leur cabinet", souligne-t-il.
Des places supplémentaires affectées aux expérimentations
Enfin, dans certaines facultés, la hausse du numerus clausus va surtout permettre aux doyens d’expérimenter des alternatives à la Paces sans pour autant diminuer le nombre de places ouvertes à l'issue de ce concours. C’est le choix fait à Angers ou encore à l’Upec (Université Paris-Est Créteil), qui souhaitent développer un dispositif AlterPaces : des étudiants pourront alors intégrer médecine à l’issue de deux ou trois années de licence et après la validation d’unités d'enseignement spécifiques.
Faculté | Nouveau numerus clausus pour 2016-2017 | Augmentation par rapport à 2015-2016 | Taux d'augmentation | |||
AMIENS | 206 | 6 | 3 % | |||
ANGERS | 187 | 17 | 10 % | |||
ANTILLES | 120 | 127 | 5 | 5,83 % | ||
GUYANE | 7 | 2 | ||||
BESANÇON | 186 | 10 | 5,68 % | |||
BORDEAUX | 340 | 6 | 1,80 % | |||
BREST | 171 | 0 | 0 | |||
CAEN | 200 | 0 | 0 | |||
CLERMONT-FERRAND | 196 | 0 | 0 | |||
CORTE | 27 | 2 | - | |||
DIJON | 229 | 0 | 0 | |||
GRENOBLE | 190 | 0 | 0 | |||
LILLE CATHO | 130 | 26 | 25 % | |||
LILLE 2 | 458 | 0 | 0 | |||
LIMOGES | 141 | 0 | 0 | |||
LYON-EST | 333 | 527 | 60 | 116 | 21,98 % | 28,22 % |
LYON-SUD | 194 | 56 | 40,58 % | |||
MARSEILLE | 362 | - | - | |||
MONTPELLIER-NÎMES | 224 | 15 | 7,18 % | |||
NANCY | 308 | 0 | 0 | |||
NANTES | 223 | 5 | 2,29 % | |||
NICE | 157 | 30 | 23,62 % | |||
NOUMÉA | 13 | 3 | 30 % | |||
PARIS 5-DESCARTES | 351 | 0 | 0 | |||
UPMC | 323 | 10 | 3,19 % | |||
PARIS 7-DIDEROT | 337 | 10 | 3,06 % | |||
PARIS SUD | 150 | 20 | 15,38 % | |||
PARIS-EST-CRÉTEIL | 175 | 20 | 12,90 % | |||
PARIS 13-BOBIGNY | 153 | 15 | 10,87 % | |||
PARIS-VERSAILLES (UVSQ) | 145 | 30 | 26,09 % | |||
POITIERS | 205 | 8 | 4,06 % | |||
POLYNÉSIE FRANCAISE | 19 | 0 | 0 | |||
REIMS | 201 | 0 | 0 | |||
RENNES | 220 | 20 | 10 % | |||
ROUEN | 232 | 0 | 0 | |||
SAINT DENIS–LA RÉUNION | 108 | 15 | 16,13 % | |||
SAINT-ÉTIENNE | 149 | 10 | 7,19 % | |||
STRASBOURG | 247 | 15 | 6,47 % | |||
TOULOUSE-PURPAN | 252 | 10 | 4,13 % | |||
TOULOUSE-RANGUEIL | ||||||
TOULOUSE-PHARMACIE | ||||||
TOURS | 255 | 0 | 0 | |||
TOTAL | 8.124 | 478 | 6,51 % |
Non, répondent tant l’Anemf que l’Isni (Intersyndicat national des internes). "Seules les UFR de médecine des grandes villes ont les moyens d’augmenter leurs capacités de formation, de débloquer un amphithéâtre si nécessaire", analyse Olivier Le Pennetier, président de l’Isni. Au final, assure-t-il, "la hausse du numerus clausus n’intervient pas nécessairement dans les territoires qui en auraient le plus besoin, mais dans les villes capables de gérer les flux d’étudiants."
Yvon Berland, président d'Aix-Marseille Université et ancien président de l'ONDPS (Observatoire national de la démographie des professions médicales) dénonce, lui, le lien fait entre la hausse du numerus clausus régional et l'augmentation du nombre de médecins en exercice sur ce territoire.
"C’est la distribution des postes d’internes qui détermine le lieu d’installation des médecins. La hausse du numerus clausus permettra bien d’augmenter d’ici dix ans le nombre total de médecins, mais il n’aura aucun impact sur la démographie médicale", estime-t-il. "Aucune solution ne pourra être trouvée aux déserts médicaux sans développer une réflexion sur les corps intermédiaires entre infirmiers et médecins."