Off to Silicon Valley (6/10). Faut-il hacker son éducation ?

Coralie Garandeau Publié le
Off to Silicon Valley (6/10). Faut-il hacker son éducation ?
Dale Stephens a fondé le programme Uncollege en 2013, un projet qui incite à "hacker son éducation" // DR // © 
En amont de la Learning Expedition organisée à l'automne 2014, EducPros vous emmène dans la Silicon Valley où se développent non seulement de nouvelles technologies, mais aussi de nouvelles manières de penser l'éducation. L’université traditionnelle à l’américaine représente ainsi une étape que certains aimeraient brûler. À leurs yeux, avec ses coûts prohibitifs, elle ne serait plus du tout le passage obligé à l’élaboration d’une carrière. Le débat fait rage et des initiatives privées émergent offrant une alternative à l’enseignement supérieur. Reportage à San Francisco chez "Uncollege".

C'est une maison où l’on veut réinventer l’éducation, dans une ville qui a déjà abrité plusieurs autres révolutions, notamment lors du combat pour les droits civiques à la fin des années 1960. Située dans le quartier populaire de Mission à San Francisco, cette maison héberge les étudiants d’une expérience qui a débuté à l’automne 2013.

“Uncollege” compte pour cette troisième session, moins d’une dizaine d’étudiants, garçons et filles, qui se partagent deux dortoirs aux lits superposés. Dans le salon, certains sont occupés sur leurs ordinateurs portables. Gabe Stern est l’un des quatre responsables du programme. “Leur emploi du temps se divise entre des temps d’apprentissage autonome, des ateliers et des cours sur les secteurs qui sont en pleine expansion : le design graphique, la programmation ou les données”. Les sujets des ateliers relèvent quant à eux du coaching entrepreneurial  : gérer et construire un capital social, négocier, les stratégies pour résoudre des conflits…

À l’origine de “Uncollege”, le livre de Dale Stephens : "Hacking your education". Ce jeune américain, qui a quitté l’école à l’âge de 12 ans, a fondé des start-up, participé au programme “20 under 20“ de Peter Thiel, fondateur de Paypal : finançant 20 jeunes de moins de 20 ans à hauteur de 100.000 dollars pour qu'ils n'aillent pas à l'université, ce dispositif est fondé sur l'auto-apprentissage, le coaching individuel et la réalisation de projets d'entreprise.

Dale Stephens se passionne depuis pour "l'auto-éducation", ce qui l'a amené à créer Uncollege, à l'automne 2013. “Pourquoi claquer des millions pour aller à l’université, passer quatre ans assis sur une chaise ? Pour les bons souvenirs et les bons copains ?”, clame-t-il en introduction de son livre.

“Le retour sur investissement d’un diplôme universitaire n’est plus à la hauteur de ce qu’il était, affirme de son côté Gabe Stern. C’est un modèle qui ne marche plus. 70 % des jeunes qui entrent sur le marché du travail ont un diplôme. Donc les jeunes diplômés doivent quand même trouver d’autres façons de se distinguer des autres”. Tout le monde ne peut cependant pas “hacker” son éducation. “Évidemment, si l'on veut être un avocat, le Barreau ne va pas vous laisser faire ça, mais pour être un programmateur ou un écrivain, est-ce qu’un diplôme d’université va faire la différence ? Il y a tellement de ressources gratuites maintenant. Avant Internet, cela n’aurait pas été possible”.

Le retour sur investissement d’un diplôme universitaire n’est plus à la hauteur de ce qu’il était (G. Stern)

Pour être résident à Uncollege, “il faut être motivé et avoir la capacité à mener un projet de bout en bout, détaille Gabe Stern. On ne regarde pas trop les notes, on essaie plutôt d'évaluer les qualités d’auto-entrepreneurs.” Etre travailleur, discipliné et avoir le sens de la communauté sont aussi les critères observés.

Pour 13.000 dollars (environ 9.500 euros, trois fois moins qu'une année à USC, l'université de Californie du Sud), Uncollege propose un temps de réflexion alternatif, avant de décider d’aller ou pas à l’université : trois mois de résidence à San Francisco, trois mois de voyage à l’étranger et trois mois de stage.  “L’idée, c’est que les jeunes choisissent un projet qui leur correspond et qu’ils le planifient. Ils mettent les mains dans le cambouis et explorent en dehors de leur zone de confort”, explique Gabe Stern.

Nathan vient de finir son stage dans un incubateur à Los Angeles après avoir suivi Uncollege. Il a pu travailler à son projet personnel qui a abouti à la création de sa première start-up, un site de tutoriels de jeux. L’étudiant est enthousiasmé par l’émulation de San Francisco, les rencontres dans un univers qui le passionne : les jeux vidéo, la programmation et la capacité à travailler en collaboration. À la rentrée 2014, il ira tout de même suivre une année de formation à la Business School de San Francisco pour "renforcer ses connaissances en marketing et créer une entreprise", dit-il. Une manière, finalement, de considérer l'université comme un complément à la formation.

Les étudiants, entourés de leurs enseignants, de la deuxième promotion de Uncollege // DRLes étudiants, entourés de leurs enseignants, de la deuxième promotion de Uncollege // DR

Learning Expedition San Francisco / Silicon Valley
Du 26 au 31 octobre 2014, EducPros organise un voyage d'étude dans la Silicon Valley, en Californie. L'objectif : mettre en relation les universités et les grandes écoles françaises avec les hauts centres de recherche et d’innovation de la Silicon Valley.
Au programme : visite des universités de 
Berkeley et Stanford, rencontre avec les fondateurs de MOOC (Khan AcademyCoursera) et des représentants d'entreprises emblématiques comme Google, Mozilla ou LinkedIn...

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