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Orientation : face à un système peu lisible, les Régions "revendiquent la compétence pleine et entière en la matière"

Florian Dacheux Publié le
Orientation : face à un système peu lisible, les Régions "revendiquent la compétence pleine et entière en la matière"
Les Régions réunies à Marseille ont fait le bilan de leur mission d'orientation, établie il y a dix ans. // ©  Florian Dacheux/EducPros
Il y a 10 ans, la loi donnait de nouvelles missions d'orientation aux régions. Le 16 octobre, lors de la 3e rencontre inter-régions sur l'orientation animée par Centre Inffo, à Marseille, les acteurs ont pu dresser un bilan et lister leurs préconisations. Devant la multiplicité d'acteurs et d'initiatives, les Régions continuent de revendiquer leur rôle de pilote.

"Nous savons que c'est en unissant nos forces que nous y arriverons", affirme d'emblée Marie-Florence Bulteau-Rambaud, vice-présidente déléguée à l'éducation, aux lycées, à l'orientation et à l'apprentissage de la Région Sud, en introduction de la 3e rencontre inter-régions sur l'orientation.

Organisée à Marseille pour les 10 ans de la loi du SPRO (Service public régional de l'orientation) de mars 2014, cette rencontre a pour objectif de mettre en exergue les réussites et les freins observés dans le système d'orientation.

"Cette loi a été fondamentale pour renforcer les réponses à un problème qui est central, de la classe de 3e jusqu'à Parcoursup", observe François Bonneau, le président de la commission éducation, orientation, formation, emploi de Régions de France et président de la région Centre-Val de Loire.

"Les biais sociaux et géographiques persistent"

Pour éclairer le bilan du SPRO, les Régions s'appuient sur les résultats d'une étude, réalisée par Olecio et baptisée "Le service public régional de l'orientation, bilans et perspectives". Au-delà du terme d'"orientation" devenu polysémique, l'étude retient une insatisfaction générale persistante des usagers, un recours limité aux services d'orientation et un coût social.

"Les biais sociaux et géographiques persistent, affirme Sébastien Levy-Prudent, co-fondateur d'Olecio. Le constat établit par les héritiers de Bourdieu, qui avait introduit la notion de reproduction sociale en 1964, est toujours d'actualité 60 ans après."

En effet, en 2023, 55% des enfants de cadres obtiennent un diplôme de niveau bac+5, contre 10% pour ceux issus de familles d'ouvriers. Un biais renforcé dans les zones rurales, éloignées des formations et doublé d'un biais de genre. En 2022, en terminale générale, 85% des élèves en langues, littératures, cultures étrangères sont des filles mais elles ne représentent que 8% des élèves inscrits en STI2D.

À l'arrivée, les 18-24 ans disent compter d'abord sur eux-mêmes et leur entourage pour leur venir en aide dans leur orientation. "Les jeunes se tourneraient alors en priorité (35%) vers leur famille et les réseaux sociaux pour s'informer et préparer leur orientation post bac (Internet 21%, professeurs 15%, conseiller d'orientation 11%)", précise l'étude.

Une trop grande fragmentation des compétences

L'étude révèle un effort de structuration par les Régions - et ce, dans la continuité de la loi de septembre 2018 qui renforce la compétence d'information des Régions sur les métiers et les formations. En effet, elles proposent de plus en plus d'actions spécifiques : Orientibus en Pays de la Loire, Assure ta Rentrée en Centre Val de Loire, SoPro en Nouvelle Aquitaine, InfoPro en Région Sud, etc. Mais cela peut engendrer des difficultés.

"Il y a une trop grande fragmentation des compétences, poursuit Sébastien Levy-Prudent. Il y a, par exemple, un besoin de clarification de la plateforme Avenir, tout comme le Réseau pour l'Emploi qui interroge sur sa structuration."

"On a des problèmes en termes d'accès à l'information, renchérit à son tour Florence Lecocq, directrice du CRIJ (Centre régional information jeunesse) PACA. Le chemin d'accès reste encore trop compliqué. Les Points Info Jeunes ont pourtant de belles complémentarités avec les Missions locales mais on attend beaucoup de la dynamisation du Service public régional de l'orientation".

La question de l'usage et des parcours qui ont du sens

Dans ce contexte, quelles sont les conditions d'un écosystème vertueux de l'orientation ? Faut-il positionner l'individu dans un métier en fonction de ses aptitudes ou répondre aux besoins des secteurs en tension ?

André Chauvet, consultant et formateur en accompagnement professionnel, identifie un double point : la question de l'usage, associée à celle du sens. "Penser que présenter des infos et des ressources neutres suffit, c'est un leurre. Le levier le plus mobilisateur, c'est la rencontre, ce sont des gens qui racontent leurs parcours. C'est pourquoi l'enjeu n'est pas la ressource, mais plutôt l'accès direct au service, en arrêtant de multiplier les intermédiaires."

Le lien au monde économique

Plusieurs propositions sont faites pour améliorer le système. Ainsi, Agnès Nadot, directrice de la formation en région Occitanie, identifie un autre levier verrait d'un bon œil l'élargissement des SPRO aux acteurs économiques, en s'appuyant, par exemple, sur la vitrine des Worldskills, une structure internationale qui organise des championnats mondiaux de compétences professionnelles.

"Il faut concevoir l'orientation dans un tout, précise-t-elle. Des entreprises sont de plus en plus ouvertes aux découvertes immersives de leurs services. C'est un axe sur lequel on a envie de travailler."

D'autant que l'un des points d'amélioration posé durant cette rencontre est l'adaptation à l'évolution des besoins, à commencer par la prise en compte des nouveaux modèles de carrière des diplômés, entrepreneurs et autres salariés qui décident de changer de voie. "Le paradigme a beaucoup changé. Notre secteur doit intégrer la transformation des métiers, ces trajectoires éclatées et ce droit à l'épanouissement tout au long de la vie", explique François Bonneau.

Pour l'orientation initiale, la Région Sud privilégie de plus en plus l'immersion en entreprise, notamment pour capter les jeunes issus des quartiers prioritaires. Pour ce faire, des Missions locales déploient des médias internes, appelés Lab'On-Id, faits par des jeunes pour des jeunes. Ces derniers produisent des reportages au sein d'entreprises pour mieux faire connaître les environnements de travail.

Les Régions continuent de revendiquer leur rôle de pilote

Si de nombreuses initiatives existent, la difficulté est de pérenniser leur action. D'autant que, d'après l'enquête présentée, les doublons pèsent sur les finances publiques et l'inflation d'informations contribuent à rendre le système illisible et trop faiblement utilisé.

Valérie Debord, vice-présidente de la Région Grand Est va droit au but : "Il nous paraît impératif de changer de système". Comme l'indique l'enquête, "Régions de France estime qu'il est aujourd'hui nécessaire d'avoir un seul acteur pilote au niveau régional". Comme l'an dernier, sur les politiques d'orientation, les Régions "revendiquent la compétence pleine et entière sur leur territoire en la matière".

Côté moyens à allouer, sont évoqués un transfert des directeurs de CIO (centres d'information et d'orientation) et des équipes régionales de l'Onisep vers les régions. Autre proposition : l'installation du CREFOP (Comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles) comme espace premier de concertation et de pilotage dans une majorité de régions.

Les présidents de Région nous expliquent les enjeux d'enseignement supérieur de leur territoire

Pour comprendre les enjeux de chaque territoire, nous avons donné la parole à douze présidents et présidentes de Région durant le premier semestre 2024, dans une série d'entretiens (si tous ont été sollicités, certaines de nos demandes sont restées sans réponse).

À tous, nous avons posé les mêmes questions, pour saisir les spécificités de leur territoire et permettre de comparer les situations. Vous pouvez ainsi consulter les interviews de :

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