Parcoursup : la procédure avance au prix du stress des lycéens

Laura Taillandier Publié le
Parcoursup : la procédure avance au prix du stress des lycéens
Une semaine après le lancement de la procédure, plus des deux tiers des candidats ont reçu au moins une proposition sur Parcoursup. // ©  HAMILTON/REA
Réussite ou fiasco ? Une semaine après le lancement de Parcoursup, le bilan d'étape diverge radicalement selon les acteurs. Si le jeu de chaises musicales fonctionne, le manque de fluidité n'aura pas manqué de stresser les lycéens. Qui, au-delà des chiffres communiqués au compte-gouttes sur la plate-forme, sont dans l'expectative juste avant le bac.

224.304 : c'est le nombre d'élèves toujours en attente d'une réponse sur Parcoursup. Mardi 29 mai 2018, une semaine après l'ouverture de la phase d'admission et la fin de la première deadline laissée aux candidats pour se décider, l'heure est au bilan d'étape. Sur le papier, l'engagement du gouvernement est tenu, voire même dépassé : plus des deux tiers des candidats auront eu au moins une proposition bien avant le début du baccalauréat.

Des chiffres positifs

Comme la Rue Descartes l'avait prédit, chaque jour, la machine Parcoursup apporte son lot de nouvelles réponses aux candidats. Sur le sprint de départ le 23 mai au matin, ils n'étaient que 436.000 à avoir eu une proposition (voir infographie). En sept jours, ils sont 100.000 élèves de plus, grâce aux places libérées par les candidats ayant validé définitivement une place dans l'une des formations demandées.

Plus de 40.000 d'entre eux se sont décidés dans la nuit du 22 mai au 23 mai, 40.000 de plus le lendemain et ainsi de suite. Au total, ils sont 200.000 à avoir donné un "oui" définitif une semaine après l'ouverture de la phase d'admission.

En revanche, plus de 260.000 élèves sont encore en attente d'une place, dont plus de 30.000 n'ayant reçu que des réponses négatives. "C'est normal : beaucoup de candidats ont demandé exclusivement des filières sélectives, comme les lycéens professionnels", analyse Franck Loureiro, cosecrétaire général du Sgen-CFDT.

Tout le monde s'est affolé, car les premiers jours il y avait beaucoup d'élèves en attente, mais les choses bougent vite.
(D. Delignières)

Un problème que les commissions d'accès à l'enseignement supérieur doivent régler. Plus de 5.000 candidats ont ainsi demandé à être accompagnés par le recteur.

Un premier bilan chiffré positif pour cette première semaine de tour de chauffe. "Tout le monde s'est affolé car les premiers jours il y avait beaucoup d'élèves en attente, mais les choses bougent vite. Après, je conçois que ce ne soit pas très confortable pour les lycéens", concède Didier Delignières, le président de la C3D (Conférence des directeurs d'UFR de Staps).

Le prix des "en attente"

Ce fonctionnement par vague sur Parcoursup a un prix : celui d'un stress élevé pour les lycéens qui guettent les réponses sur la plate-forme depuis une semaine. Dès le 22 mai, l'avalanche de réactions des candidats, déçus, angoissés ou en colère, s'est déversée sur les réseaux sociaux.

"Quand on ne reçoit que des 'non', on est pris en charge par la commission de repêchage. C'est plus compliqué pour les lycéens en attente, très loin dans le classement", souligne Hugo Thomas, à la tête du syndicat général des lycéens.

On fait reposer sur les candidats le poids de la machine Parcoursup. C'est une pression phénoménale.
(P. Chantelot)

Le fait de connaître son rang permet aux candidats d'élaborer des stratégies mais fait monter l'inquiétude des lycéens. "Je regarde chaque jour où j'en suis. Quand je vois des progressions régulières dans certaines formations, je me dis que j'ai mes chances, mais ça fait peur..." illustre le lycéen.

Un argument pour les opposants à la réforme, qui qualifient cette première semaine de "fiasco". "Que l'on dise à la fin que tous les élèves auront une place, je veux bien, mais dans quelles conditions ces lycéens passeront-ils le bac ?" s'interroge ainsi Pierre Chantelot, secrétaire national du Snesup-FSU.

"On fait reposer sur les candidats le poids de la machine Parcoursup. On leur demande de se dépêcher de choisir pour laisser une place aux autres... C'est une pression phénoménale", s'insurge-t-il.

Une "fluidité" diverse selon les établissements

D'autant plus que le jeu de chaises musicales fonctionne différemment selon les universités. À Cergy-Pontoise, la crainte que les lycéens ne "s'emparent pas de la logique Parcoursup" est aujourd'hui éteinte. "Les candidats ont joué le jeu, se réjouit Patrick Courilleau, le vice-président en charge de la formation et de la vie étudiante. Ils n'ont pas attendu la date limite et se sont positionnés vite."

L'établissement constate ainsi une évolution progressive des données. Le 23 mai, 500 candidats avaient refusé une proposition. Ils étaient 3.000 cinq jours plus tard. Même progression pour les "abandons", dont le chiffre est passé de 418 à 1.719.

En revanche, ce compteur, scruté à la loupe par les élèves comme les établissements, a réservé de mauvaises surprises dans d'autres universités, comme à Paris 13. "Nous avons eu des retours des lycéens très lents, y compris sur les filières dites en tension, comme Paces, Staps, ou droit. Le taux de réponses définitif est assez faible", constate le vice-président, Olivier Oudar. Si l'établissement misait sur le premier week-end pour voir la courbe évoluer, ce n'était pas le cas, lundi 28 mai au soir.

Comment huiler davantage la machine ?

Pour mettre de l'huile dans les rouages, à la demande du rectorat, Paris 13 a joué la carte du surbooking, en augmentant la donnée d'appel des candidats au-delà des capacités d'accueil dans une dizaine de formations. Beaucoup d'universités se sont prêtées à l'exercice pour accélérer la vitesse de croisière de Parcoursup.

Comme à Cergy-Pontoise, les premiers jours à hauteur de 20 %, ou à l'université de Montpellier en Staps. "J'essaie de gérer le surbooking autour de 12 % pour faire évoluer les choses avant le baccalauréat. Il y a un côté artisanal mais, dans l'ensemble, cela fonctionne plutôt bien", note Didier Delignières à la tête de l'UFR. Néanmoins, dans "certaines académies, ce surbooking a été imposé et certaines formations ont perdu la main", nuance-t-il.

L'effet domino a mis trop longtemps à prendre.
(F. Loureiro)

De l'avis des différents acteurs, il faudra modifier la donne pour la saison prochaine. En clair : huiler encore davantage la machine pour éviter aux lycéens de subir à nouveau le choc Parcoursup. Pour les uns, il faudra revenir sur la non-hiérarchisation des vœux.

Pour d'autres, comme pour le Sgen-CFDT, il faudra s'interroger sur le délai de réponses laissé aux lycéens. "Il faut un équilibre entre un temps suffisamment long pour permettre de choisir mais plus court pour ne pas laisser trop de jeunes en attente. L'effet domino a mis trop longtemps à prendre", juge Franck Loureiro.

D'ici là, un bilan approfondi sera tiré, une fois que la machine Parcoursup aura achevé son travail. Une moulinette à laquelle 224.304 candidats en attente sont toujours suspendus, au 29 mai 2018.

Laura Taillandier | Publié le