Parcoursup : le tâtonnement des commissions Ifsi

Pauline Bluteau Publié le
Parcoursup : le tâtonnement des commissions Ifsi
Le manque de transparence de la procédure de sélection aux Ifsi pose question. // ©  plainpicture/Astrakan
C’était une première pour les Ifsi. Cette année, les instituts de formation en soins infirmiers ont sélectionné leurs candidats via Parcoursup. Malgré les recommandations ministérielles, chaque regroupement a déterminé ses propres critères pour constituer le classement de ses candidats. Mais les futurs étudiants ont-ils tous été logés à la même enseigne ?

Pour la session 2019, les épreuves écrites et les entretiens individuels ont donc laissé place à la sélection sur dossier via Parcoursup. Une nouvelle procédure (et pas des moindres) qu’il a fallu maîtriser et mettre en place rapidement pour recruter du mieux possible les futurs étudiants.

Désormais, les Ifsi ne fonctionnent plus de manière individuelle mais par regroupement, autour d’une université. En dépit des attendus nationaux, chaque regroupement a établi sa propre méthode pour sélectionner ses candidats. Même si les critères sont globalement similaires d’un Ifsi à l’autre, cela n’est pas le cas pour les grilles de notations.

Des évaluations propres à chaque regroupement

"Il y a bien des recommandations ministérielles, mais les grilles de lecture sont propres à chaque regroupement, c’est le jury qui fixe ses indicateurs", assure Sébastien Prevost, référent numérique Parcoursup en Picardie.

Une fois que les candidats ont validé leurs vœux sur la plate-forme, les dossiers sont centralisés dans l’Ifsi de référence. Au total, entre 5.000 et 7.000 candidatures sont redistribuées dans la dizaine d’Ifsi du regroupement. Les formateurs ont ensuite deux semaines pour évaluer une quarantaine de dossiers chacun.

Les grilles de lecture sont propres à chaque regroupement, c’est le jury qui fixe ses indicateurs.
(S. Prevost)

"Un algorithme établit un premier classement en prenant en compte les notes et la fiche Avenir, ensuite les formateurs des Ifsi examinent la lettre de motivation, le CV, les appréciations des bulletins scolaires… pour évaluer la cohérence de la candidature", explique Jocelyne Niaux, directrice de l’Ifsi d’Auxerre et référente Parcoursup en Bourgogne.

La rubrique activités/centres d’intérêt pénalisante ?

Mais impossible de savoir exactement ce que contient la grille d’évaluation. Seule une formatrice dans un Ifsi de Poitou-Charentes a accepté de nous en dire plus. D’après elle, dans son regroupement, les formateurs évaluaient chaque critère sur 14 points : autant pour le parcours scolaire de l’élève que pour le projet de formation motivé ou la rubrique activités/centres d’intérêt. Or, cette dernière n’était pas obligatoire sur Parcoursup.

"Ceux qui n’ont pas rempli cette rubrique n’ont pas eu les 14 points, ce n’est pas juste", déplore la formatrice qui a préféré rester anonyme. Contactée par Educpros, l’Ifsi de référence n’a pas donné suite à nos sollicitations. Tout comme bon nombre d’instituts d’ailleurs qui préféraient "ne pas communiquer à ce sujet pour l’instant". De son côté, le ministère rappelle que si la publication des attendus faisait partie d'une obligation légale sur Parcoursup, il n'est pas pour autant responsable des choix effectués par les différents regroupements pour examiner les dossiers des candidats.

Pour autant, tous les Ifsi assurent ne pas avoir utilisé ce procédé. "Bien sûr, cette grille est très subjective, mais nous n’avons pas pénalisé les candidats qui n’avaient pas rempli cette rubrique", affirme Sébastien Prevost. À l’Ifsi d’Auxerre, la motivation représente 30 % de la note globale. La directrice reste tout de même plus mesurée : "Ça a pu être pénalisant, tout dépend de la lettre de motivation, si les candidats ajoutaient ou non leurs expériences professionnelles."

Choix cornélien

Car contrairement à la rubrique activités/centres d’intérêt, le projet de formation motivé était, quant à lui, obligatoire. Là encore, l’attribution de points n’a pas été aussi simple pour les formateurs. "Il y avait trois types de candidats : les bacheliers technologiques et professionnels, qui ont souvent été aidés par leur établissement, les bacheliers généraux, qui ont fait quelques maladresses car ils l’ont rédigé seuls, et les élèves de prépa, qui ont écrit une lettre d’embauche très formatée. Or, nous cherchions avant tout de l’authenticité, comment faire un choix ?", s’interroge Jocelyne Niaux.

À l’Ifsi d’Auxerre, la motivation représente 30 % de la note globale.

"Comment peut-on privilégier un candidat motivé qui a des notes moyennes plutôt qu’un candidat qui a fait peu de stages, mais qui a une excellente culture générale ? C'est un vrai dilemne", appuie la formatrice de Poitou-Charentes.

Une fois évaluée, chaque candidature est validée en commission, et, dans certains cas, réévaluée. "Pour la Picardie, cela représente une centaine de dossiers, ce sont souvent des candidats qui sortent du 'lycéen standard'", précise Sébastien Prevost. Les notes attribuées par les formateurs sont ensuite ajoutées à celle de l’algorithme pour établir le classement final. "Toutes les candidatures ont été lues et cotées humainement. On utilisait aussi l’outil d’aide à la décision pour vérifier que tous les éléments ont bien été pris en compte", poursuit le référent Parcoursup.

Des améliorations à prévoir

Que ce soit du côté d’Amiens ou d’Auxerre, les deux responsables s’accordent à dire que cette première session sur Parcoursup s’est bien passée. "Le concours était à bout de souffle, il y aura certainement des erreurs d’aiguillages avec Parcoursup, mais il faut attendre de voir avant de juger", estime Jocelyne Niaux.

La directrice de l’Ifsi assure d’ailleurs que de nombreux recours ont déjà été déposés par les candidats pour avoir des explications sur leur refus. "On ne pourra pas leur donner tous les détails sur l’algorithme qu’on utilise", prévient-elle.

De son côté, Sébastien Prevost prévoit aussi quelques améliorations pour la prochaine session, notamment au niveau de la visibilité de l’examen des candidatures. "Je pense qu’il faudrait aussi réduire le nombre de vœux ouverts pour les candidats et favoriser la proximité de nos étudiants car on sait très bien que la mobilité a un coût et que l’année suivante ils préfèrent repartir dans un autre Ifsi plus proche de chez eux", explique Jocelyne Niaux.

En attendant, le diplôme d’infirmier reste la formation la plus plébiscitée sur Parcoursup cette année. "Il y a eu un vrai engouement, cela nous a permis de diversifier nos profils et on s’en félicite", conclut la directrice.

Pauline Bluteau | Publié le