Parcoursup : non à la hiérarchisation des vœux, mais...

Erwin Canard, Laura Taillandier Publié le
Parcoursup : non à la hiérarchisation des vœux, mais...
Le bilan de la procédure Parcoursup sera dévoilé le 25 septembre. // ©  Frédéric Maigrot / REA
Vers une hiérarchisation des vœux a posteriori sur Parcoursup ? Alors que la procédure subira des modifications l'an prochain, l'idée de réintroduire une forme de classement gagne du terrain. De même que celle de revoir la copie de la fiche Avenir.

La ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche avait été claire dès le mois de juin 2018 : hors de question de revenir sur un classement des vœux par les candidats, synonyme d'autocensure et d'élaboration de stratégies. Mais alors que la procédure se termine, force est de constater que l’absence de hiérarchisation des souhaits a freiné la machine Parcoursup. Pour la plupart des acteurs, le processus, trop stressant pour les candidats, doit être raccourci et parallèlement simplifié pour les formations, qui manquaient encore de visibilité sur leurs effectifs à quelques jours de la rentrée...

Classer les propositions...

Il y a ceux qui n'en démordent pas : il faut "revenir à la logique APB" avec un classement des vœux a priori, comme le Snes-FSU ou encore le Snesup-FSU : "C'est le seul moyen pour que la procédure se termine avant la fin du mois de juillet, ou d'août au plus tard, et que les étudiants puissent suivre les semaines d'intégration, cruciales pour les élèves en difficulté", avance Pierre Chantelot, son secrétaire national.

Puis les partisans du compromis, comme la CPU (Conférence des présidents d'université), qui plaide pour la hiérarchisation des propositions. "Le candidat devrait classer les réponses qui lui sont faites et arbitrer entre une formation où il est très loin sur liste d'attente mais qu'il préfère par rapport à un 'oui, si' ou inversement", détaille François Germinet, le président de la commission formation de la CPU.

... Pour avancer le calendrier

Cette option, qui permettrait de donner des résultats "essentiellement avant le bac", fait mouche chez les proviseurs de lycée qui veulent"un calendrier resserré". "Nous souhaiterions que les candidats puissent ne garder que deux ou trois propositions. Il est très compliqué pour les établissements d'avoir une période d'inscription administrative qui court jusqu'à la semaine précédant la rentrée. Nous demandons que cette période se termine au maximum le 20 juillet, et à la fin du mois d'août pour la procédure complémentaire", détaille Philippe Vincent, le secrétaire général du SNPDEN-Unsa.

D'autres, comme l'Unef, défendent une position intermédiaire : une hiérarchisation des vœux "moins stricte" que sur Admission postbac. "Les élèves indiqueraient leur préférence sur leurs vœux sans pour autant qu'ils soient figés pur les phases suivantes", expose Lilâ Le Bas, sa présidente.

Quant à la Fage, elle propose une hiérarchisation classique des vœux uniquement en phase complémentaire. Une idée à laquelle le Sgen-CFDT n'est pas insensible : "Ce n'est pas tant la phase principale qui a posé des difficultés. Tout l'enjeu est là", appuie Françoise Lambert, sa secrétaire nationale.

Les organisations restent néanmoins ouvertes aux différentes possibilités, réservant leur position à l'aune du bilan de la première session rendu par le comité éthique et technique de Parcoursup le 25 septembre. La proposition de la CPU "semble intéressante", concède ainsi Jimmy Losfeld, le président de la Fage.

L'organisation étudiante émet toutefois une proposition étonnante : allonger d'un mois la procédure pour affecter plus de candidats, quitte à retarder la rentrée universitaire. "On voit bien qu'ils changent d'avis entre le moment où ils saisissent leurs vœux et font leur choix", argumente Jimmy Losfeld. Pour la CPU, en revanche, pas question de décaler la rentrée ni de hiérarchiser des vœux lors de la phase complémentaire, qui "doit rester minoritaire".

Des quotas à modifier

"Il faudra décider des modifications urgentes à mener en vue de la prochaine campagne de Parcoursup, comme la question de la hiérarchisation des vœux ou les informations à préciser sur la plate-forme, et celles qui prendront davantage de temps, comme la fiche Avenir, le délai de réponse laissé aux candidats ou les quotas", résume Franck Loureiro, le cosecrétaire général du Sgen-CFDT. En effet, les acteurs appellent d'autres changements sur Parcoursup, notamment la révision des quotas de boursiers et de candidats hors secteur.

À l'instar du syndicat général des lycéens : "Les quotas d'étudiants boursiers doivent être revus à la hausse. À Paris, ils représentent 2 à 5 % des effectifs de classe prépa, ce qui est beaucoup trop faible. Les non-Parisiens ont beaucoup de difficultés à rejoindre des établissements de la capitale", rappelle Rabi Bakkali, son président.

Une demande qui pourrait être entendue, Frédérique Vidal ayant déjà souligné que les différents taux sont amenés à évoluer même si les premiers éléments de bilan sont encourageants. Plus de 43 % des candidats de l’académie de Créteil ont ainsi reçu une proposition à Paris, contre 26 % sous l'ère APB. Près de 65 % des bacheliers professionnels ont eu une proposition en section de technicien supérieur (ST), contre 53 % en fin de procédure en 2017.

Pour la CPU, c'est la méthode des quotas moins que ces derniers qu'il faut revoir pour éviter une charge de travail inutile aux universités. "Il faut une gestion différente l'an prochain. Plutôt que de demander aux établissements d'interclasser tous les dossiers – boursiers et candidats hors secteur inclus –, il faudrait que l'on puisse faire des listes séparées", déroule François Germinet.

Une fiche Avenir à réécrire

Dernier point de crispation : la fiche Avenir que beaucoup souhaitent réécrire, comme la FCPE ou le Sgen-CFDT, sans lui réserver tous le même sort. Le SNPDEN plaide pour son allègement. "Remplir ces fiches nous a demandé énormément de travail et d'informations alors que nous nous sommes aperçus qu'elles n'étaient que très peu utilisées", pointe Philippe Vincent.

Quand au Snes-FSU, il n'en voit pas l'utilité. "Il faut en finir avec les items prédictifs. Les enseignants ne doivent pas avoir à se prononcer sur la capacité de réussite des élèves. Le dossier scolaire est suffisant. D'autant que chaque enseignant, chaque lycée a sa propre vision, et peu d'entre eux savent ce que l'on attend des élèves dans les formations du supérieur", appuie Claire Gueville, sa secrétaire nationale.

D'autres points restent à arbitrer : faut-il faire apparaître le rang du dernier appelé sur liste d'attente ? Faut-il réduire le temps de réponse laissé aux candidats ? Comment retravailler le fonctionnement des classements dans les formations avec internat ? "La plate-forme ne nous donnait aucune indication sur ce sujet. C'était pour nous très compliqué", regrette le président de l'APLCPGE (Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux grandes écoles), Jean Bastianelli.

Quid de l'outil d'aide à la décision proposé par le ministère aux établissements ? Le Défenseur des droits s'étant saisi du dossier, la question de la transparence des algorithmes utilisés par les formations pourrait également revenir sur le tapis. Autant d'interrogations qui devraient trouver des premiers éléments de réponse le 25 septembre, lors de la présentation du bilan de la procédure Parcoursup par le ministère à l'université Paris-Sud.

Erwin Canard, Laura Taillandier | Publié le