Entre fierté et appréhension, paroles de nouveaux présidents d'université

Aurore Abdoul-Maninroudine Publié le
Entre fierté et appréhension, paroles de nouveaux présidents d'université
Pendant le premier semestre 2016, une grande partie des conseils centraux des universités a été renouvelée. 30 présidents ont entamé un premier mandat. // © 
Ils ont pris leurs fonctions il y a quelques mois, après s’être investis pendant plusieurs années au sein de leur université. Désormais, ils la président. EducPros a interrogé quatre nouveaux présidents sur leurs premières impressions, alors que l'université d'été de la CPU vient de s'achever.

D. Alis, S. Retailleau, J.P. Vinel, N. Dompnier (de gauche à droite)Ce qui les a le plus surpris

"Depuis que je suis président, je découvre une nouvelle facette de l'université." Jean-Pierre Vinel a beau avoir passé 40 ans au sein de Toulouse 3 Paul-Sabatier, – il y a étudié –, cet ancien directeur d'UFR doit désormais jongler avec de nouvelles contraintes. "La gestion financière et administrative de l'établissement est très éloignée du quotidien des étudiants et des enseignants-chercheurs", observe-t-il.

Quel que soit leur profil, les présidents et présidentes nouvellement élu(e)s apprivoisent petit à petit leur nouvelle fonction. Et découvrent, au fil des jours, toutes ses particularités. Première d'entre elles, la charge de travail.

Tous les présidents interrogés soulignent "le rythme soutenu" de la fonction. Même après avoir occupé des fonctions à responsabilité, le choc est rude. "Il faut se saisir très vite de dossiers complexes et nombreux, note Nathalie Dompnier, à la tête de Lyon 2. Au début, c'est la folie." Et de citer les problématiques en ressources humaines, "entièrement nouvelles" pour cette jeune présidente.

C'est aussi avec cette prise de fonction que les présidents réalisent pleinement l'importance du rôle joué par leur université sur le territoire. "Je suis frappé par la diversité des liens entre l'université et les écoles, organismes de recherche, entreprises, collectivités territoriales..." observe David Alis, président de Rennes 1.

Il faut se saisir très vite de dossiers complexes et nombreux. (N. Dompnier)

Un constat partagé par Sylvie Retailleau, présidente de l'université Paris-Sud depuis mai 2016. Dans le cadre de l'Université Paris-Saclay, elle avoue passer "énormément de temps à discuter avec les différents partenaires" et se montre "surprise de la différence de réactivité de ses interlocuteurs".

Ce qui leur plaît le plus

Une fois l'effet de surprise passé, les présidents profitent tout de même de leur "joie", "fierté", "bonheur" d'exercer cette fonction. Ils se sont engagés parce qu'ils étaient porteurs d'une vision pour leur établissement et les équipes. Encore faut-il la concrétiser une fois en place.

La construction d'un projet commun, un défi passionnant (D. Alis)

"La construction d'un projet commun permettant de faire rayonner le site est un défi passionnant", s'enthousiasme David Alis. La présidente de Paris-Sud évoque même "une mission exaltante". "Dans le cadre du projet Saclay, il est crucial de fédérer les énergies, insiste Sylvie Retailleau, ce qui suppose un important travail de discussion et de négociation, tant en interne qu'avec les partenaires."

De son côté, la présidente lyonnaise met en avant "la diversité des rencontres et des dossiers" ainsi que "le défi intellectuel"que cela représente :" Il faut aimer être polyvalent", sourit-t-elle. "Cela fait neuf mois que j'ai pris mes fonctions et je n'ai toujours pas de journée type", abonde Jean-Pierre Vinel, qui souligne aussi son plaisir à "créer un sentiment collectif à l'échelle de l'université."

Ce qui les agace le plus

Mais leur fonction n'est pas toujours de tout repos et les présidents ne cachent pas certains motifs d'agacement, en particulier dans les relations avec le ministère.

Jean-Pierre Vinel n'est pas tendre avec "la multiplication des réformes" : "Les universités se sont à peine saisies de leur autonomie qu'on leur demande de fusionner. In fine, je passe beaucoup trop de temps à gérer, alors que mon rôle devrait être de développer des stratégies en pédagogie et en recherche."

Je passe beaucoup trop de temps à gérer (J.P. Vinel)

De son côté, Nathalie Dompnier déplore "des informations parfois lacunaires, qui arrivent au compte-gouttes" de la Rue-Descartes. Quant à David Alis, il dénonce des "règles administratives obsolètes et la difficulté d'innover dans un cadre public". 

Ce qui les préoccupe le plus

Enfin, et sans surprise, la question des budgets est un sujet d'inquiétude majeur :  la présidente de Paris-Sud regrette "l'absence de moyens permettant d'atteindre les objectifs fixés par l'État", et le président de Rennes 1 déplore un financement de son université "clairement insuffisant".

Il faut garder une vision stratégique, prendre du recul (N. Dompnier)

Au-delà de cette préoccupation, Nathalie Dompnier pointe du doigt l'importance de "garder une vision stratégique". "Quand on passe son temps à régler plein de petits problèmes, il faut s'obliger à prendre du recul", insiste-t-elle.

Enfin, Jean-Pierre Vinel s'inquiète d'un manque de vision des hommes et femmes politiques : "Ils n'ont clairement pas pris la mesure des enjeux. Ayant été formés par les grandes écoles, ce n'est pas au cœur de leurs préoccupations."

Leurs biographies :
- David Alis (en haut à gauche), président de l'université Rennes 1, 48 ans, élu en mars 2016
- Nathalie Dompnier (en bas à droite), présidente de l'université Lumière-Lyon 2, 42 ans, élue en avril 2016
- Sylvie Retailleau (en bas à gauche), présidente de l'université Paris-Sud, 51 ans, élue en mai 2016
- Jean-Pierre Vinel (en haut à droite), président de l'université Toulouse 3 Paul-Sabatier, 65 ans, élu en janvier 2016
Aurore Abdoul-Maninroudine | Publié le