Paul Jacquet (CDEFI) : "Les écoles d’ingénieurs sont un bon outil pour rendre notre industrie plus compétitive"

Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier Publié le
Paul Jacquet (CDEFI) : "Les écoles d’ingénieurs sont un bon outil pour rendre notre industrie plus compétitive"
Paul Jacquet // © 
Rapports de l’AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) ou de l’Institut Montaigne , tribune du président de l’UPMC, Jean-Charles Pomerol , ou span style="FONT-WEIGHT: bold">édito du directeur de Sciences po Paris, Richard Descoings … Les écoles d’ingénieurs font l’objet d’attaques de toute part depuis le début de l’année 2011. Le président de la CDEFI (Conférence des directeurs d’écoles françaises d’ingénieurs), Paul Jacquet ,  y répond.

Les critiques dont les écoles d’ingénieurs font l’objet vous paraissent-elles justifiées ?
Il faut distinguer les différentes attaques qui ne sont pas toutes du même ordre. Nous avons déjà eu l’occasion de dire ce que nous pensions des propositions de l’AERES sur le master d’ingénierie. Il existe déjà des écoles d’ingénieurs au sein des universités, il vaut mieux les faire croître que de créer des filières « light » ou « like » qui trompent les étudiants et les recruteurs. Le rapport de l’Institut Montaigne, lui, a été écrit par trois Polytechniciens qui ont sollicité un panel peu divers de personnalités. La CDEFI n’a pas été consultée par exemple. C’est dommage, nous aurions pu leur montrer la diversité de ce qui se fait dans les écoles d’ingénieurs aujourd’hui.

Frilosité face à l’entrepreneuriat, difficulté à faire naître l’innovation, manque d’aptitudes managériales, cursus trop cloisonnés… Le constat de l’Institut Montaigne est sévère.
Nous ne contestons pas que nous pouvons vraiment progresser, nous sommes très ouverts sur l’idée d’évoluer. Nous ne pouvons pas être des montagnes de conservatisme face à des jeunes que nous formons pour s’adapter à la mondialisation, des jeunes qui devront innover, changer de métiers… Les situations sont très différentes dans les 200 écoles d’ingénieurs. Mais ces établissements ont beaucoup bougé ces dernières années. Nous pouvons sans aucun doute nous améliorer mais nous ne pouvons ignorer les réalisations effectives. L’innovation ne se décrète pas, elle se pratique. Certaines écoles s’associent à des entreprises pour mettre les étudiants en situation réelle d’innovation, par exemple. Quant aux autres préconisations de l’Institut Montaigne, certaines sont déjà en œuvre ou en passe de l’être. Sur le doctorat en ingénierie, par exemple, la CDEFI a proposé la mise en place d’un label dans la droite ligne de ce que l’Institut Montaigne préconise. Quant aux compétences managériales de nos élèves ingénieurs, les rapprochements qui ont lieu avec les écoles de commerce font partie des pistes intéressantes à explorer.

Que répondez-vous à la critique récurrente de la place prépondérante des mathématiques dans la sélection des étudiants ?
Le niveau en mathématiques et en physique de nos ingénieurs diplômés est ce qui fait leur spécificité, leur capacité à l’abstraction et à la structuration. Mais attention, aujourd’hui, un peu plus de 40% de nos élèves ingénieurs seulement sont passés par une classe préparatoire où ils ont fait des mathématiques à haute dose. Les autres viennent d’horizons très divers : prépas intégrés, DUT, BTS, licences… Cette critique d’ordre général ne tient pas compte de la diversification de l’origine de nos étudiants.

Selon vous, quel est le plus grand défi des écoles d’ingénieurs aujourd’hui ?
Nous devons nous battre pour notre industrie. Les écoles d’ingénieurs sont un bon outil pour rendre notre industrie plus compétitive.

Pourtant, un grand nombre d’ingénieurs diplômés se détournent de l’industrie pour aller vers la finance…
Les industries paient moins que la finance. Les diplômés vont vers les plus offrants. Difficile d’empêcher ce phénomène... Les écoles d’ingénieurs ont un rôle à jouer mais c’est un problème qui les dépasse largement. Il faut une politique industrielle plus volontariste en France et en Europe, avec de grands projets forts et attractifs. Il faut créer de grands champions pour lesquels nos jeunes diplômés aient envie de se battre. Il en va de même pour les écoles d’ingénieurs.  Si nous voulons que le modèle de formation d’ingénieurs à la française subsiste et s’améliore, il faut créer quelques grands établissements technologiques qui portent l’ensemble.

Un colloque européen sur les formations en ingénierie, les 24 et 25 février 2011 à Paris

La CDEFI et la SEFI (Société Européenne pour la Formation d’Ingénieur) organisent la troisième édition de la convention des doyens européens des formations en ingénierie les 24 et 25 février 2011 au lycée Louis-le-Grand à Paris. Deux thèmes principaux seront abordés : l’apport de l’ingénierie à l’innovation  industrielle  et la gouvernance des formations d’ingénieurs en Europe. Le programme est disponible sur www.eedc2011.org .

Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier | Publié le