Philippe Tournier (SNPDEN-UNSA) : «Les chefs d’établissement ne doivent autoriser aucun départ en formation si le stagiaire n’est pas remplacé»

Propos recueillis par Isabelle Maradan Publié le
Philippe Tournier (SNPDEN-UNSA) : «Les chefs d’établissement ne doivent autoriser aucun départ en formation si le stagiaire n’est pas remplacé»
Philippe Tournier (SNPDEN-UNSA) // © 
Près de 16.000 enseignants stagiaires débutent dans le métier cette année en assurant pour la première fois un temps plein, ou presque, devant les élèves en plus de leur formation. Le SNPDEN-UNSA a publié une enquête le 18 octobre 2010 sur la situation de ces enseignants débutants. Philippe Tournier, Secrétaire général du syndicat des personnels de direction de l’Education nationale, passe en revue les difficultés rencontrées par les chefs d’établissements pour concilier formation et présence des enseignants devant les élèves.  

Comment s’organise concrètement la formation des enseignants stagiaires ?

Il y a des enseignants stagiaires dans le secondaire qui ne sont toujours pas devant élèves – et des élèves qui n’ont personne devant eux - parce qu’il a été décidé de les former en début d’année. Pour d’autres, une journée par semaine a été libérée pour leur permettre de suivre un stage filé. Et pour certains encore, les journées de formation ont lieu sur des journées groupées où les stagiaires assurent des cours, deux jours, trois jours, une semaine entière... Il doit y avoir une vingtaine de situations différentes sur le territoire. 40% des académies n’ont pas stabilisé leurs schémas de formation.

Quels sont les problèmes rencontrés par les chefs d’établissement pour remplacer les stagiaires pendant leur temps de formation ?

La formule du stage filé, avec un jour libéré pour la formation chaque semaine, paraissait la plus raisonnable puisque les enseignants stagiaires devaient pouvoir suivre leur formation sans que cela ne nécessite de faire appel à des remplaçants. Le problème, c’est que le jour libéré pour que le stagiaire suive un stage filé n’est pas toujours celui utilisé pour la formation. Il arrive en effet que les stagiaires soient convoqués en formation des jours où ils ont cours. Et comme il y a pénurie de remplaçants, certains principaux de collèges ou proviseurs de lycées pourraient se trouver confrontés à des absences dans plusieurs disciplines lorsqu’ils accueillent plusieurs stagiaires. Dans l’académie de Nantes, par exemple, il n’y a plus un remplaçant en maths. Et c’est le Pôle Emploi qui publie une annonce pour rechercher un professeur de maths. ! Parfois il est fait appel aux Master 1 ou 2 pour assurer des remplacements.

Que préconisez-vous ?

Il est inacceptable que les élèves se retrouvent sans professeurs là où un jour a été libéré pour que les stagiaires suivent leur formation. Le confort des formateurs ne doit pas servir à organiser la formation. Puisque nous n’avons pas les moyens de remplacements, il faut faire autrement. Le Code de l’éducation donne autorité au chef d’établissement sur les personnels. Le SNPDEN-UNSA préconise que les chefs d’établissements n’autorisent aucun départ en formation si le stagiaire n’est pas remplacé. Le remplacement a été posé comme une priorité nationale. Il n’est donc pas tolérable que plusieurs dizaines de milliers d’élèves se retrouvent sans professeurs.

« Le ministère n’avait pas pris conscience que le collège est très spécifique »

Pour Jean Louis Auduc, directeur adjoint de l’IUFM de Créteil (Val-de-Marne), c’est au collège que la réforme de la formation des enseignants pose le plus de problèmes. Mais elle pourrait permettre de prendre conscience de ce que la spécificité du collège signifie en terme de formation.

« Globalement, les choses ne se passent pas trop mal pour les professeurs des écoles et les professeurs de lycée, mais au collège, comme dans les lycées technologiques ou professionnels, ce n’est pas le cas. Dans l’académie de Créteil, nous avons de gros problèmes dans les collèges. C’est l’endroit où il y a le plus de différence entre les enseignants débutants, qui adorent leur discipline, et les élèves. Avant la réforme de la formation des maîtres, l’IUFM préparait les gens au collège. Maintenant, les professeurs débutent sans l’once d’une formation spécifique à ce niveau là.  On forme les professeurs comme s’ils allaient tous enseigner au lycée Henri IV et les promesses de ne pas les mettre dans des établissements difficiles ne sont pas tenues. Résultats, à Créteil, nous avons plus que jamais des problèmes d’absentéisme, de congés maladies, de découragement, du côté des enseignants débutants. Il y a un vrai problème de pédagogie pour les stagiaires qui se retrouvent devant des enfants qui ne leur ressemblent pas. Le collège est le grand sacrifié de la réforme. Le ministère n’avait pas pris conscience qu’il est très spécifique. Mais d’un mal peu sortir un bien, si l’on perçoit cette spécificité et ce qu’elle signifie en terme de formation. Je participerai à une journée de réflexion à l’initiative de l’UNSA sur cette question , avec notamment Roger-François Gauthier , Jacques Grosperrin, Claude Thélot , Claude Lelièvre et Jean-Michel Zarkhatchouk , qui ont également tous planché sur cette question. Elle aura lieu y le 12 janvier 2011. »




Propos recueillis par Isabelle Maradan | Publié le