Pierre Louart, président du réseau des IAE :"On empêche les IAE de développer leurs moyens"

Propos recueillis par Jessica Gourdon Publié le
Ne pas se laisser noyer dans de grands ensembles universitaires, être plus autonomes et libres de développer leurs ressources. Telles sont les revendications du réseau des 31 IAE (instituts d’administration des entreprises), à l’heure de l’autonomie des universités. Pierre Louart, président de cette association, directeur de l’IAE de Lille 1, précise sa position, pour ce troisième et dernier volet de notre série sur les relations entre les universités et leurs composantes après la LRU.

La LRU a-t-elle été une bonne ou mauvaise chose pour les IAE ?

Nous approuvons le principe d’autonomie des universités. C’est l’application qui est problématique, car la LRU s’est traduite, sur le terrain, par une multiplication des contrôles et des évaluations : Inspection, ministère, Cour des comptes, AERES…

De plus, au niveau des IAE, nous restons très contraints dans nos décisions. On nous empêche de développer nos moyens. Nous ne pouvons pas nous aligner sur les prix du marché en matière de formation continue ; nous ne pouvons pas faire payer plus cher les étudiants étrangers ; nous ne pouvons pas tarifer les services spécifiques que nous offrons à nos étudiants [services carrières et de relations internationales propres, coaching, etc.]. Autant de moyens qui nous manquent cruellement pour nous développer.

À côté de ça, nous passons un temps fou à répondre à des appels d’offres du grand emprunt, alors que nous pourrions obtenir des ressources beaucoup plus facilement.


Du coup, la LRU n’a pas rimé pour les IAE avec plus d’autonomie…

Cela n’a pas changé grand-chose. Mais, avec les fusions d’universités à venir, il existe un risque : celui de désingulariser les IAE, de les plonger dans de grands ensembles dans lesquels ils ne pourront plus fonctionner. L’uniformité est une catastrophe à l’université. Pour trouver leur place dans ces nouvelles structures, je crois que les IAE doivent changer de statut (1).

«L’uniformité est une catastrophe à l’université»

Nous proposons qu’ils deviennent des EPA [établissements publics administratifs], comme le sont les IEP ou certaines écoles d’ingénieurs. Cela leur permettrait d’avoir une véritable autonomie budgétaire et stratégique. On pourrait même imaginer des EPA régionaux qui réuniraient plusieurs IAE. Ce statut permettrait de passer des alliances avec des écoles de commerce, ce qui aurait une vraie pertinence. Or, c’est actuellement très difficile, car IAE et ESC ne jouent pas à armes égales.


Les relations avec les présidents sont-elles plus compliquées depuis que ceux-ci ont davantage de pouvoir ?

Les relations ont toujours varié d’un site à l’autre : la LRU n’a pas changé grand-chose. Dans la grande majorité des cas, cela se passe bien. Mais certaines universités, très à gauche, sont encore plus fermes sur les tarifs en matière de formation continue. D’autres bloquent des demandes de moyens supplémentaires visant à permettre à un IAE d’entrer dans le processus d’accréditation Qualicert. On peut aussi citer le cas de Brest, où la fusion entre l’IAE et l’ESC a échoué au dernier moment au niveau du conseil d’administration de l’université.

 (1) Les IAE sont aujourd'hui régi par l'article L-713-9 du code de l'éducation, à l'instar des écoles d'ingénieurs internes.

Sur le devenir des composantes depuis la LRU, lire aussi :

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Ecoles d'ingénieurs internes aux universités : quelle autonomie dans l'autonomie ?

Propos recueillis par Jessica Gourdon | Publié le