
Avec près de dix jours de retard, le Projet de loi de finances (PLF) 2025 a été présenté ce jeudi 10 octobre en Conseil des ministres. Au total, l'objectif est de faire près de 60 milliards d'euros d'économies, dont 40 milliards par la réduction des dépenses et 20 milliards par la hausse des impôts.
EducPros analyse les budgets de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, ainsi que les budgets des ministères du Travail et de la Jeunesse, en lien avec la formation et l'éducation. Si les deux principaux ministères semblent relativement épargnés par la cure d'austérité, les difficultés ne semblent pas levées pour autant. Du côté de l'apprentissage également, les acteurs s'inquiètent de nouvelles baisses du financement.
63 milliards d’euros pour l'Education nationale
Dans ce PLF 2025, l’Education nationale voit son budget augmenter, avec une dotation globale de 63 milliards d’euros, soit 834 millions d’euros de plus qu’en 2024. S'il reste le premier budget du pays, cette hausse semble être en trompe-l’œil : le budget de l’Education nationale a subi une baisse de 700 millions d’euros par décret, en février dernier.
"Ce budget est très largement insuffisant. Cela couvre essentiellement la reconduction de certaines mesures existantes. Mais il n'y a aucune nouvelle mesure salariale, alors que c’est la question qui pèse le plus sur l’attractivité" [du métier d'enseignant NDLR], explique Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU, à EducPros.
Surtout, le PLF prévoit 4.000 postes d’enseignants en moins : 3.155 dans le premier degré, 181 dans le second degré et seulement 664 dans le privé. Une baisse justifiée par une baisse des effectifs d'élèves liée à l'évolution démographique.
"Depuis qu'Emmanuel Macron est au pouvoir [en 2017], il y a eu 8.965 postes en moins dans les collèges et lycées, selon nos calculs. Il faudrait créer 10.617 emplois rien que pour revenir à cette situation. Michel Barnier avait dit que l’école resterait sa priorité, on voit qu’il n’en est rien", regrette Sophie Vénétitay.
Evolution du nombre d'élèves et d'enseignants, de 2017 à 2022
Montée en charge du Pacte enseignant
De son côté, le ministère de l'Education nationale affirme sa volonté de renforcer l’attractivité des carrières. 5,7 millions d’euros seront dédiés à l’accélération des carrières des enseignants, avec la hausse du nombre de promotions à la "hors classe".
Une montée en charge du Pacte enseignant est également prévue, avec 98 millions d’euros, au profit de la mission prioritaire de remplacement des enseignants absents dans le 2d degré. Selon le ministère, 50.000 missions supplémentaires de Pacte pourront être réalisées dans les établissements grâce à ce budget.
"Le Pacte n’est pas une revalorisation. Ce sont des taches supplémentaires pour lesquelles on est payés. C’est d’ailleurs un échec : 24% des enseignants du public l’ont signé l’année dernière", souligne Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU.
Le budget 2025 ne statue pas sur la reconduite de la récente réforme des groupes de besoin en 4e et 3e. "La ministre veut prendre le temps d’échanger avec les professeurs et les organisations syndicales sur les évolutions pédagogiques de la rentrée 2025", a expliqué le ministère à la presse, le 10 octobre. Les 2.300 postes créés pour ces groupes en 6e et 5e en 2025 sont maintenus.
La question des AESH
Par ailleurs, 2.000 créations de poste d'AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) sont annoncées. Dans un communiqué publié le 11 octobre, Sud Education estime qu'il ne s'agit que "d'un effet de communication car les conditions salariales des AESH sont si mauvaises que le ministère ne parvient pas à pourvoir les emplois", en raison des "temps de travail incomplets" et "des conditions de travail maltraitantes" de ces personnels contractuels.
L'annonce de la création de 35 postes administratifs est, quant à elle, "largement en dessous des besoins quand on sait que le ministère de l'Éducation nationale reste sous-administré avec en moyenne six gestionnaires pour 1.000 personnels", souligne Sud Education.
Effectifs des élèves et des personnels de vie scolaire, de 2020 à 2022
Un budget de l'Enseignement supérieur contraint
Pour l'Enseignement supérieur et la recherche, le PLF 2025 prévoit une dotation de 26,8 milliards d’euros, soit une hausse de 89 millions d’euros.
"Le PLF 2025 préserve les financements de nos priorités, on ne peut que s’en réjouir", estime, le 10 octobre, le ministère auprès de la presse. Bien que le budget soit "extrêmement contraint", cette augmentation permet de "sécuriser le cœur de la LPR (loi de programmation de la recherche).
Pourtant, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche a été baissé de 588 millions d’euros par décret en février dernier, dans le cadre de coupes budgétaires.
"Le budget en augmentation ne trompe personne. Les choix qui ont été faits sont de rogner sur tout, ce budget ne peut satisfaire la communauté universitaire", regrette Virginie Saint James, secrétaire générale de Sup Recherche Unsa. Elle souligne cependant l’effort fait quant à la LPR, dont certaines mesures ont échappé au "coup de rabot que nous craignions".
Evolution des crédits bugétaires et des crédits LPR, de 2017 à 2025
Renforcer l’attractivité des carrières scientifiques et l'investissement dans la recherche
Le budget du ministère de l’Enseignement supérieur est réparti en trois programmes :
Programme 150 "Formations supérieures et recherche universitaire" : 15,3 milliards d’euros.
Programme 172 "Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires" : 8,3 milliards d’euros.
Programme 231 "Vie étudiante" : 3,2 milliards d’euros.
Selon le ministère, une des priorités sera le renforcement de l’attractivité des carrières scientifiques et l'investissement dans la recherche. Un axe qui devrait passer par l’amélioration de la rémunération et la poursuite du nouveau régime d’indemnité pour les chercheurs et enseignants-chercheurs.
Des moyens supplémentaires seront par ailleurs dédiés à la recherche, dans le cadre d’appels à projets. Le budget d’intervention de l’Agence nationale de la recherche (ANR) est ainsi porté à 1,4 milliard d’euros, en augmentation de 120 millions d’euros.
Financer les contrats avec les établissements
Par ailleurs, 35 millions d’euros seront dédiés au lancement de la troisième vague des contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) auprès de 55 établissements. "Ces objectifs vont préparer les étudiants aux métiers d’avenir, porter sur le développement de la recherche et d’innovation, sur l’optimisation et le pilotage des établissements", a assuré le ministère, le 10 octobre.
Un investissement loin de convaincre côté syndicats. "Il s’agit d’une progression de démarches par projet plutôt que d’avoir une subvention pour charge de service publique robuste", regrette Virginie Saint James. "Il reste une immense préoccupation sur le budget de établissements, qui sont en crise, et ont déjà puisé dans leurs fonds de roulement l’année dernière", rappelle-t-elle.
Le ministère poursuit également le déploiement des contrats de plan État-Régions 2021-2027. Sur cette période, le ministère investit 1,2 milliard d’euros
Favoriser la réhabilitation et la construction de logements
La rénovation énergétique du parc universitaire et des Crous sera une autre priorité, avec 200 millions d’euros investis.
Le projet de loi de finances 2025 renforce par ailleurs le soutien financier au réseau des œuvres universitaires, qui s’élève à 700 millions d’euros, en hausse de 30 millions d’euros. Les Crous font en effet face à une hausse de fréquentation dans les restaurants universitaires.
Pour le logement étudiant, ce sont 120 millions d’euros qui seront alloués à la modernisation, la réhabilitation et à la construction, en 2025.
La question de la réforme des bourses, laissée en suspens depuis le départ de la précédente ministre, Sylvie Retailleau, ne fait pas l’objet d’un budget dédié. "La réflexion est en cours pour arriver à des conclusions à la fin de l’année", assure le ministère. Ce flou inquiète Sup recherche Unsa, qui y voit un possible abandon de la réforme.
Des économies sur les aides à l'apprentissage
Du côté du ministère du Travail, le coup est encore plus rude avec une économie d’1,2 milliard à prévoir sur les aides à l’apprentissage, sans qu’une option ne soit encore arrêtée sur la façon de réaliser ces économies.
Concernant les aides à l'embauche, plusieurs scénarios sont encore à l’étude : une modulation de l'aide par niveaux de qualification, ou une modulation selon la taille d'entreprise. L’aide, actuellement fixée à 6.000 euros, pourrait être modifiée et abaissée à 4.500 euros.
Si la piste d'une réduction des aides pour toutes les entreprises - quelle que soit leur taille - n'est pas encore complétement arrêtée, il s’agit de l’option la plus probable. De quoi inquiéter les PME, qui représentent la majorité des contrats d'apprentissage signés.
"Envisager un coup de rabot pour tout le monde, qu'on parle des TPE de 10 personnes ou des grandes entreprises de plusieurs centaines d'employés, c'est injuste. On espérait que les entreprises de moins de 250 salariés soient épargnées, étant donné que les PME et PME sont celles qui ont le plus besoin de ces aides", réagit Stéphane Heït, vice-président de la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) en charge de la formation et de l'éducation.
"Un boulanger qui reçoit un apprenti dans son entreprise sait bien que son apprenti ne sera pas opérationnel la première année. Il a besoin de ces 6.000 euros, c'est le minimum pour couvrir les surcoûts qu'il enclenche pour accompagner son apprenti", regrette-il.
Pour Alban Margueritat, délégué national de la FNADIR (Fédération nationale des directeurs de CFA/OFA), plutôt que de considérer cette aide comme une prime, il faudrait l'envisager comme une compensation de l'investissement de l'entreprise pour la formation. "La capacité des entreprises à former les apprentis à l'avenir nous inquiète", affirme t-il. Il alerte également sur les difficultés croissantes qu’auront les jeunes pour trouver un contrat.
Les exonérations de cotisations salariales des apprentis menacées
Le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) propose par ailleurs de recentrer l'exonération de cotisations salariales des apprentis. Actuellement, l'apprenti est exonéré de la totalité des cotisations salariales dans la limite de 79% du SMIC. Ce seuil sera amené à 50% du SMIC, concernant ainsi une plus large partie des effectifs d'apprentis.
Selon un rapport de l'IGAS et de l'IGF remis en mars 2024 et rendu public en septembre, "cela se traduirait par un niveau de revenu net inférieur de 19 euros par mois en comparaison de celui de 2023", en moyenne, pour les apprentis. Les apprentis paieront donc davantage de cotisations et verront leur rémunération nette diminuée.
Le gouvernement prévoit d'augmenter le barème référentiel de rémunération minimale pour couvrir les éventuelles pertes nettes de revenu des apprentis. Si le ministère n'a pas donné plus de précisions sur le sujet, cela pourrait induire une augmentation du coût pour l'employeur.
Le PLFSS propose enfin de supprimer l'exonération des apprentis à certaines contributions sociales. Concrètement, il s'agirait d'assujettir les salaires des apprentis (au-dessus de 50% du SMIC) à la CSG (contribution sociale généralisée) et à la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale).
Une baisse de budget pour le ministère du Sport, de la jeunesse et de la vie associative
Enfin, le ministère du Sport, de la jeunesse et de la vie associative, aura un budget de 1,578 milliards d’euros, en baisse par rapport aux 1,810 milliards d’euros de 2024.
Les moyens dédiés à la jeunesse progressent de 36 millions d’euros par rapport à 2024, notamment au bénéfice du Service civique. L’Agence du service civique sera dotée de 526 millions d’euros, soit une hausse de 8 millions, afin de maintenir l’objectif de 150.000 volontaires pour l’an prochain.
Le Service national universel (SNU) voit quant à lui son budget baisser, passant de 160 millions à 128 millions d’euros pour 2025, ce qui permettra de financer 66.000 séjours de cohésion.
De son côté, le Pass’Sport, qui finance une licence sportive à hauteur de 50 euros sur critères sociaux, est doté de 75 millions d’euros, soit une baisse de 10 millions d’euros.
Dans un contexte politique plus délicat que les précédents mandats, l'Assemblée nationale puis le Sénat et le Conseil constitutionnel doivent examiner et se prononcer sur le budget dans un délai de 70 jours. Pour l'adoption de ce PLF 2025, un recours au 49.3 n'est pas à exclure.