Politique de site : la concertation sur le projet d'ordonnance devrait durer un an

Céline Authemayou, Aurore Abdoul-Maninroudine Publié le
Politique de site : la concertation sur le projet d'ordonnance devrait durer un an
La concertation sur le projet d'ordonnance portant sur la recomposition du paysage de l'enseignement supérieur durerait un an. // ©  Camille Stromboni
Le ministère se laisserait un an pour mener à bien une concertation sur un projet de loi d'habilitation puis d'ordonnance pour faciliter les regroupements d'écoles et d'universités. Si la plupart des acteurs se disent "surpris" par cette démarche, ils commencent à définir leurs revendications et lignes rouges.

Un an pour préparer le projet de loi d'habilitation puis d'ordonnance visant à assouplir les statuts des regroupements d'établissements d'enseignement supérieur. Vendredi 16 juin 2017, EducPros annonçait que la Rue Descartes étudiait la possibilité de légiférer par ordonnance sur ce dossier. Une façon d'imposer son rythme et d'aller vite, alors que plusieurs échéances se profilent dans les prochains mois, parmi lesquelles l'examen des Idex Paris-Saclay et PSL.

Mais face à la "surprise" provoquée chez les représentants syndicaux par l'annonce d'un tel projet, le ministère de l'Enseignement supérieur précise donc désormais que la concertation est prévue pour durer une année.

Les acteurs veulent une "vraie" concertation

Cette annonce soulève de nouvelles questions. "Il ne faudrait pas que cette concertation se fasse pour amuser la galerie, alors que les grandes lignes de la réforme ont déjà été arbitrées", s'inquiète Stéphane Leymarie, secrétaire national de Sup'Recherche Unsa, face au manque d'informations obtenues jusqu'à présent.

Il faut dire qu'aucune des organisations syndicales contactées (Sgen-CFDT, Sup'Recherche Unsa et Snesup-FSU) n'avait été mise au courant de cette démarche. Pourtant toutes avaient été reçues en bilatéral par le cabinet de la ministre au cours des deux dernières semaines.

L'impact organisationnel des expérimentations est tel qu'il semble difficile d'imaginer un retour en arrière.
(S. Leymarie)

Une inquiétude qui tranche avec le ressenti d'autres acteurs, à l'image de la Cdefi (Conférence des directeurs d'écoles françaises d'ingénieurs). "Nous n'avons pas l'impression d'un ministère qui veut passer en force. Ce dernier a choisi la technique législative des ordonnances, nous n'avons pas à commenter ce choix. Nous souhaitons que la concertation soit approfondie et j’ai l’impression qu’elle le sera", détaille Armel de La Bourdonnaye, tout nouveau président de la Cdefi et directeur de l'École des ponts ParisTech.

La durée des expérimentations inquiète

La volonté de légiférer par ordonnance intrigue également les syndicats, à l'image de Sup'Recherche Unsa, qui s'interroge sur "la pertinence" de cette méthode – devant permettre d'agir rapidement – si la concertation doit durer un an : "Nous l'avons bien vu lors de la réforme de l'accès en master, une fois un accord obtenu, il est possible d'aller très vite tout en passant par le processus législatif classique", analyse Stéphane Leymarie. Dans ce cas précis, les députés ont en effet adopté la loi officialisant l'accord trouvé entre les acteurs moins de deux mois après la signature de ce dernier.

De son côté, Franck Loureiro, secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT, s'inquiète du contenu du projet législatif, et notamment de l'allongement possible du délai des expérimentations en matière de regroupements. "S'il s'agit d'aboutir aux préconisations du rapport Cytermann, à savoir un nouvel EPCSCP où les membres garderaient la personnalité morale, sans prévoir de limite temporelle, c'est hors de question !", signale-t-il.

La durée maximale des expérimentations, passée récemment de cinq à dix ans, est déjà "très longue", insiste Franck Loureiro. Surtout, "l'impact organisationnel est tellement lourd qu'il semble difficile d'imaginer un retour en arrière, analyse de son côté Stéphane Leymarie. L'objectif  est bien que tout le monde fusionne d'ici à dix ans".

Le Sgen-CFDT et le Snesup-FSU soulignent leurs craintes en matière de démocratie sociale : "Les nouvelles expérimentations ne doivent pas continuer de saper la démocratie universitaire, avec un président tout puissant et une faible représentativité des élus", met en garde Hervé Christofol, secrétaire général du Snesup-FSU.

La CPU veut des garanties sur l'après-expérimentation

Khaled Bouabdallah, vice-président de la CPU (Conférence des présidents d'université) et président de la Comue Université de Lyon, se dit quant à lui "très intéressé" par une évolution législative facilitant les regroupements autour de projets innovants et souhaite "une vraie concertation sur le contenu du texte". La CPU souhaiterait en particulier que le cadre de l'expérimentation ne soit pas réservé aux seuls établissements ayant obtenu des Idex et Isite.

"Il faut également que le texte prévoie des garanties afin qu'à l'issue de l'évaluation, si celle-ci est positive, la situation soit pérennisée par un décret. Dans le cas contraire, le dispositif ne sera pas incitatif pour les acteurs", assure Khaled Bouabdallah. "L'expérimentation est une bonne chose, en allonger la durée, également. Mais quid de la fin de l'expérimentation ? Le régime général reprendrait-il le dessus ? Des questions sont encore à régler", complète Armel de La Bourdonnaye .

Autre revendication des présidents d'université : que la durée de l'expérimentation soit fixée projet par projet. Mais attention, prévient le président de la Cdefi, "il faut permettre aux projets locaux de réussir, de disposer d’un environnement favorable. En revanche, la politique de l’enseignement supérieur et de la recherche doit rester nationale". Des premières réunions de concertation devraient avoir lieu prochainement.

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