Indiscret. Après le rapport Attali, pas de grand soir pour Polytechnique

Céline Authemayou Publié le
Indiscret. Après le rapport Attali, pas de grand soir pour Polytechnique
Un élève de l'École polytechnique, lors de la commémoration de l'armistice, le 11 novembre 2013 // ©  Christophe Guibbaud / pool / REA
Six mois après le rapport Attali, le nouveau plan stratégique de l'École polytechnique doit être annoncé le 15 décembre 2015 par Jean-Yves Le Drian. Si la création d'un Bachelor est bien engagée, la position au sein de l'Université Paris-Saclay fait toujours débat. Quant au classement de sortie, il devrait finalement peu évoluer.

"Le grand soir de l'École polytechnique n'aura pas lieu". Après presque six mois de discussions et d'échanges souvent musclés, certains participants commentent, amers mais sous couvert d'anonymat, la voie prise par les débats. La réforme choc de l'école d'ingénieurs, prônée par Bernard Attali dans son rapport du 6 juillet 2015, devrait être sérieusement assagie.

Depuis cet été, trois groupes de travail ont planché sur l'avenir de l'X. Gouvernance et relations avec l'État, liens avec l'Université Paris-Saclay, évolution de la formation... Les membres de ces groupes ont analysé les 73 suggestions émises par Bernard Attali et ont rédigé, pour chacune d'entre elles, des recommandations à l'attention de Jean-Yves Le Drian.

Le ministre de la Défense, qui avait annoncé vouloir suivre certaines propositions du rapport, va devoir trancher. À charge ensuite au conseil d'administration de l'X de mettre en œuvre les orientations souhaitées par le ministre.

"Si une grande majorité des suggestions ont été avalisées, d'autres ont été amendées par esprit corporatiste, regrette un proche du dossier. Tout cela est encore un peu tiède..."

l'indéboulonnable classement de SOrtie

Qualifié de "suranné" par le rapport Attali, le classement de sortie reste un sujet sensible, alors qu'il ne concerne chaque année que 70 diplômés. Ces derniers rejoignent les corps de l'État (Mines, Ponts, Eaux et forêts, armement et INSEE), en fonction de leur classement en fin de troisième année. Bernard Attali proposait de le remplacer par une sélection sur dossier et un entretien de motivation.

Le corps des Mines, qui recrute chaque année les 20 meilleurs classés, serait le plus opposé à cette réforme. "Il est tout de même singulier qu'un employeur public ne puisse pas choisir ses salariés comme dans le privé, note un commentateur favorable à la réforme. Quand bien même un élève est bon en physique ou en mathématiques, il n'a pas forcément toutes les aptitudes pour le management."

Les défenseurs du classement rétorquent, eux, que c'est aux corps des Mines de faire leur propre réforme, l'X n'étant pas la seule école concernée par le dossier. De plus, cette suppression ne serait possible qu'en modifiant une loi organique. Complexe.

La solution proposée consisterait donc à introduire, en plus du classement, un entretien de motivation sanctionné par une note. Note qui viendrait pondérer le classement.

Autre intouchable : la solde perçue par les étudiants. "Dans un contexte où près de 85% des élèves n'intègrent pas les corps de l'État en sortie de l'X, cette disposition est discutable, notait le rapport en juillet 2015. Pourquoi payer les polytechniciens pour ce qu'ils sont, de très bons élèves en mathématiques, plutôt que pour ce qu'ils font ?" Dès le 6 juin, Jean-Yves Le Drian se montrait sceptique sur la suppression de la solde. Cette dernière devrait sans surprise être maintenue.

Saclay : je t'aime, moi non plus

Premier établissement de l'Université Paris-Saclay (UPS) à intégrer le nom de la Comue dans son logo, Polytechnique a revu son enthousiasme à la baisse. Depuis six mois, les débats, houleux, se cristallisent autour de la question des classements internationaux. Faut-il classer l'X seule ou dans Saclay ?

"Il est illusoire de voir classer l'UPS à court terme, commente-t-on du côté des plus sceptiques. Pour que cela fonctionne, il faudrait un niveau d'intégration des établissements beaucoup plus fort qu'aujourd'hui. L'X est bien classée, alors classons l'X."

D'autres continuent de défendre Saclay, en militant pour que l'école s'inscrive de façon "plus assumée" dans la Comue, en obtenant un siège permanent au sein du conseil d'administration de l'UPS.

Une voix alternative se fait entendre, portée notamment par les anciens de l'école : pourquoi ne pas classer l'X dans certains classements et l'UPS dans d'autres ? "Il faut réfléchir à l'intérêt national et ne pas raisonner en termes de chapelle", argumentent les défenseurs de cette solution. Solution qui paraît tout de même complexe à mettre en place. Parmi les plus radicaux, certains ont d'ores et déjà prévenu : si l'X devait disparaître des classements, sa place dans l'Université Paris Saclay devrait alors être sérieusement reconsidérée.

La position de Jean-Yves Le Drian sur le sujet est donc particulièrement attendue, d'autant qu'elle interviendra en pleine évaluation de l'Idex Paris-Saclay, prévu pour 2016.

Recrutement à bac : un bachelor en voie de création

Recruter après le baccalauréat ? En lisant cette proposition, certains anciens de l'X ont crié au scandale. Le rapport Attali préconisait la création d'un "cursus undergraduate", permettant à l'école de capter les meilleurs bacheliers pour éviter qu'ils ne rejoignent d'autres établissements prestigieux recrutant à niveau bac.

Après six mois de discussions, le projet est à l'ordre du jour : il prendrait la forme d'un Bachelor, payant, avec une sélection des élèves via dossier et test. Les volumes resteraient faibles, pour ne pas déséquilibrer le système des CPGE.

Si certains anciens se montrent encore méfiants et ne souhaitent pas que cette filière devienne un accès facilité au cursus polytechnicien, les défenseurs du Bachelor précisent qu'il n'y aurait aucun caractère d'automaticité pour accéder au cycle ingénieur. Cette passerelle serait toutefois possible via la voie universitaire actuelle, qui propose chaque année une vingtaine de places.

Par ailleurs, à l'image de la classe préparatoire égalité des chances proposée par l'ENA, devrait être créé un internat d'excellence, accueillant des élèves boursiers venus préparer les concours d'écoles d'ingénieurs, dont celui de l'X.

École polytechnique de Paris : le regroupement avance

Le projet d'École polytechnique de Paris avait suscité la surprise, voire la stupéfaction, du côté des écoles d'ingénieurs en juillet dernier. Bernard Attali proposait de rassembler au sein d'un grand établissement dix écoles scientifiques d'Île-de-France.

Le dossier n'a pas été refermé, il serait même "très bien enclenché", même si les directions d'écoles restent plus que frileuses. Des discussions seraient toutefois assez avancées avec les différentes tutelles des établissements concernés (ministères de l'Industrie et de l'Enseignement supérieur).

Plus qu'un grand établissement donnant lieu à des fusions d'écoles, la structure prendrait la forme d'un regroupement, avec pour contre-modèle assumé, ParisTech. Différents cercles seraient créés pour permettre d'inclure des écoles absentes du plateau de Saclay et ainsi contourner la logique de site. Quant au nom "École polytechnique de Paris", il n'est plus à l'ordre du jour, remplacé dans les débats par le terme d'"Alliance". Une façon, peut-être de ménager les susceptibilités de chacun, dont les anciens de l'X, farouchement opposés à l'utilisation du terme "école polytechnique" pour ce futur ensemble. Les statuts de cette future entité sont encore en discussion.

Céline Authemayou | Publié le