
Près de huit étudiants sur dix disposent de moins de 100 euros par mois, une fois leurs charges payées, selon une étude publiée par Linkee en février 2025. Cette association distribue des denrées alimentaires aux étudiants à Bordeaux, Lille, Lyon, Montpellier, Nantes, Toulouse et en Île-de-France.
Linkee, Cop1, StudHelp… Le nombre d'associations pour lutter contre la précarité se multiplient, à mesure que les étudiants s'appauvrissent. "Pour le gouvernement, c'est un confort de se dire que les associations s'en occupent. C'est un palliatif, mais ce n'est pas le rôle des étudiants bénévoles de nourrir les autres étudiants. C'est à l’État de répondre à ce besoin primaire", regrette Maëlle Nizan, présidente de la Fage. La fédération étudiante a également publié un baromètre de la précarité étudiante en février 2025.
Des citoyens pour subvenir aux besoins des étudiants
Depuis 2011, la Fage a ainsi créé des "Agoraé", des épiceries solidaires accessibles sur critères sociaux. Les étudiants précaires s'y fournissent à coût très réduit : les biens sont vendus 90% moins cher que dans le commerce.
D'autres initiatives sont nées plus tard, notamment pendant la crise sanitaire. Ainsi, l'association Studhelp, créée en 2021 par des étudiants, met en relation des étudiants dans le besoin avec des citoyens qui souhaitent s'engager, souvent des personnes âgées.
"Plein de gens veulent aider et c'est super. Mais les donateurs nous disent tout de même que ça ne devrait pas être à eux de payer 60 euros de course à un étudiant", abonde Florian Rippert.
Une demande croissante
Malgré l'augmentation du nombre de donateurs et d'associations, l'offre peine à répondre à la demande croissante. "Nous recevons trop de demandes par rapport au nombre de bénévoles, et à la place que nous avons dans les Agoraé pour stocker les aliments. Nous devons malheureusement refuser certains étudiants", illustre Maëlle Nizan.
Depuis 2020, le nombre d'Agoraé est passé de 20 à 43. "Ces dernières années, il y a tellement de demandes que nous pourrions en ouvrir tous les jours", assure la présidente de la Fage.
L'association Studhelp a quant à elle aidé 12.000 étudiants en France depuis sa création. "Quand on a lancé l’association, on pensait accompagner une dizaine d’étudiants à Paris. On était à mille lieues de s’imaginer ouvrir des antennes régionales et d'aider tant d'étudiants", se souvient Florian Rippert, co-fondateur de Studhelp.
Une précarité rendue visible par la crise sanitaire
Florian Rippert pensait que la demande s'étiolerait une fois la pandémie passée. Bien au contraire, il a dû se mettre en CDI dans l'association tant le nombre de demandes avait explosé fin 2023. "Le confinement n’a pas tant accentué la précarité étudiante, elle l'a rendu visible", explique-t-il.
Ces demandes sont, par ailleurs, de plus en plus urgentes. "Au début, il s'agissait de demandes alimentaires. Maintenant, ce sont des vêtements, voire des logements. Un étudiant est venu chez moi car il dormait dehors, c'est catastrophique. C'est de plus en plus difficile de trouver un logement, au point que les étudiants se retrouvent dans des colocations à quatre dans 15m² ou bien à la rue", témoigne Florian.
Selon le rapport du Conseil national de l'habitat de janvier 2025, seuls 7% des étudiants décohabitants sont logés dans une résidence Crous, et moins de 17% dans le logement social. Là aussi, la société civile prend le relais pour venir en aide aux étudiants.
Des situations d'urgence dans le logement
L'Aclef (Association de coopération pour le logement des étudiant·es de France) propose des logements aux étudiants, à Paris et dans la métropole de Bordeaux. L'association travaille en partenariat avec des bailleurs sociaux, dont elle sous-loue des logements pour des colocations. Avant APL, le coût pour l'étudiant est de 400 à 450 euros à Bordeaux et 500 à 550 euros à Paris.
En 2024, l'Aclef a reçu plus de 2.500 demandes à Paris et 2.000 à Bordeaux, pour seulement 400 places dans les deux villes. "C'est un chiffre qui augmente d'année en année, car les étudiants ne trouvent de logement ni dans les résidences Crous, ni dans le parc privé. Il y a beaucoup de candidatures à laquelle on ne peut pas donner suite", regrette Anne-Cécile Dockes, directrice de l'Aclef.
La jeune femme note "de plus en plus de situations d’urgence, notamment à Bordeaux, avec des jeunes qui dorment à l’aéroport ou dans leur voiture".
Construire des logements et encadrer les loyers
Si le manque de logements est une problématique de longue date, la précarité est grandissante. "Les étudiants ont peu de ressources et les parents peuvent de moins en moins aider", pointe Anne-Cécile Dockes. En parallèle, le marché locatif est de plus en plus cher et tendu.
Selon elle, il est urgent de construire de nouveaux logements, mais également d'encadrer les prix. "Les étudiants ont souvent des besoins urgents et certains bailleurs en profitent avec des prix abusifs", affirme-t-elle.
Elle plaide également pour un système de garantie universelle qui dispenserait aux étudiants de fournir des garants. "Les meilleurs revenus et garants sont gardés, alors que les autres, qui sont tout à fait solvables et sont arrivés avant, ne sont pas pris", dénonce Anne-Cécile Dockes.
Réformer le système des bourses
Pour ces associations étudiantes, la précarité grandissante des jeunes est en partie due à un système de bourses mal adapté. Ainsi, 70% des bénéficiaires des épiceries solidaires de la Fage n’ont pas accès à une bourse.
"On ne peut pas entendre que certains étudiants vivent uniquement d’aides ponctuelles et d’aide alimentaire alors qu'on prône un enseignement supérieur diversifié. Il y a une urgence à modifier le système de bourses", alerte la présidente de la Fage. D'autant que de nombreux étudiants sont exclus de ce système, comme les doctorants et la majorité des étudiants internationaux.
Les associations étudiantes prônent par ailleurs un calcul des aides basé sur les ressources des étudiants, et non de leurs parents. Le montant des bourses serait par ailleurs insuffisant, notamment face à l'inflation.
Certains étudiants ont par ailleurs une méconnaissance des aides autres que la bourse sur critères sociaux, comme les aides spécifiques ou ponctuelles du Crous, et celles des régions. Pour lutter contre ce non-recours, la Fage plaide pour un guichet unique d’aides sociales pour les étudiants.