Prépa HEC : une expérience éprouvante mais structurante

Cécile Peltier Publié le
Prépa HEC : une expérience éprouvante mais structurante
Si les élèves de prépa s'accordent à dire que le travail y est intense, une majorité reconnaissent que le "vrai plus" du cursus est l'apport de connaissances. // ©  Jean-Marc Biais / HEC Paris
Travailleurs, voire besogneux, obnubilés par les concours. Mais aussi solidaires, ouverts sur l'entreprise et l'international. Deux enquêtes, conduites l'une par l'EM Strasbourg, l'autre par l'Edhec, auprès des élèves de prépa commerciale, dressent de ces derniers un portait en demi-teinte, entre classicisme et soif de changement.

Des travailleurs acharnés, prompts à se remettre en cause, voire à douter d'eux-mêmes. À première vue, le troisième baromètre "Génération prépa", enquête conduite par l'EM Strasbourg et le magazine spécialisé "Espace prépas" auprès des élèves de classes préparatoires économiques et commerciales, publié lundi 26 juin 2017,  brosse de ces étudiants un portrait assez conforme aux idées reçues.

Un choix qui peut faire peur

D'abord, la prépa, autant célébrée que caricaturée, peut faire peur et n'est pas pour tous les élèves un choix qui va de soi. 27 % des interviewés déclarent avoir eu une "mauvaise image de la prépa" (contre 47 % une image positive) et 65 % avoir douté de leur choix d'orientation avant d'y entrer. À l'inverse, seuls 35 % d'entre eux déclarent n'avoir "jamais" été en proie au doute.

Une fois franchi le seuil de la classe préparatoire, ce sentiment s'atténue doucement : près de la moitié des élèves (47 %) continuent toutefois de se poser des questions, dont 10 % "souvent" et 37 % "parfois".

Dans près d'un cas sur trois (29 %), ce sont leurs professeurs de lycée qui ont convaincu les étudiants d'opter pour la prépa, et, dans un quart des cas, leurs parents (26 %). Une licence à l'université ou un IUT auraient majoritairement été leur second choix.



Une formation intense mais solidaire et gratifiante

Toujours conformément à l'image reçue, la formation est décrite comme intense : une fois sur place, un étudiant sur deux abat en moyenne entre dix et vingt heures de travail personnel hebdomadaire en plus des cours, et 38 % plus de vingt heures. Un labeur, la plupart du temps, solitaire (77 %), y compris quand il s'agit de devoirs réalisés à la maison.

Mais la fatigue chronique représente selon les répondants le principal "point noir" de la scolarité, suivi par l'"acharnement à travailler" et par le "côté bachotage". En revanche, à rebours des clichés, l'"esprit de compétition" n'est cité que par 8 % des interviewés, tandis que l'amitié s'impose pour un tiers d'entre eux comme le vrai "plus" de la prépa, juste derrière les "connaissances acquises" (51 %) et le côté "challenge" (36 %).


Des professeurs indispensables pour les concours

Malgré l'entraide, l'exigence de la prépa mais aussi les mauvaises notes (90 % des répondants récoltent en prépa des notes plus basses qu'en terminale) conduisent une partie des étudiants à se remettre en question : près de 6 sur 10 (59 %) déclarent douter "souvent", voire "très souvent" de leurs capacités. Un phénomène semble-t-il particulièrement prononcé chez les filles...

36 % des étudiants disent se sentir un peu en dessous de leurs capacités, 8 % très en dessous et 29 % ne savent plus où se situer. Ce qui les fait tenir ? La volonté (60 %), le soutien de leur famille (32 %),  la présence de leurs amis (32 %) et les encouragements de leurs professeurs (20 %).

Des enseignants dont les étudiants attendent en priorité une bonne connaissance des concours des écoles de commerce et de leurs exigences. 


À l'inverse des idées reçues, seuls 4 % des élèves estiment que leurs professeurs ont instauré un climat de compétition, quand 39 % insistent au contraire sur la notion de solidarité. Ces professeurs qu'ils sollicitent en dehors des cours (60 %) auront pour la moitié des répondants un poids important, voire très important, dans le choix de l'école de commerce.

Des filles peu sensibles aux salaires à la sortie

Pas de grande surprise sur les critères qui orientent le choix de l'école. À noter qu'ils varient selon le sexe du répondant : les garçons s'appuyent en priorité sur les classements, tandis que les filles choisissent d'abord en fonction de la localisation géographique. De même, assez classiquement, le salaire à la sortie de l'école reste un facteur plus déterminant pour les hommes que pour les femmes.

La prépa apprend à travailler vite, pas à être créatif

Modestes ou réalistes, les élèves de prépa ne voient pas leur passage par une CPGE comme "la voie royale", mais davantage comme une expérience formatrice sur les plans intellectuel et personnel.

Ils citent parmi les principales compétences acquises la capacité à "travailler vite et bien", à "rebondir après un échec" ou encore à "gérer son stress". À l'inverse, ils comptent sur leur scolarité en école de management pour apprendre à "travailler en groupe", à "gérer un projet" ou à "être créatif". Des compétences indispensables pour eux dans la vie professionnelle.



Si 80 % des interviewés estiment que les recruteurs ne leur proposeront pas un salaire plus élevé parce qu'ils ont fait une prépa, 7 sur 10 (68 %) se voient comme des candidats plus attirants que d'autres profils.

La prépa trop éloignée de l'entreprise

La plupart des interviewés sont conscients du fait que les cours en école de commerce n'auront pas grand-chose à voir avec ceux de la prépa – 2 % seulement pensent que cela sera identique – et ils sont 73 % à s'intéresser aux nouvelles modalités pédagogiques (Mooc, classe inversée…).

S'ils regrettent pour la majorité d'entre eux (87 %) le manque de lien entre la prépa et l'entreprise, ils souhaitent (77 %) le renforcer à travers des visites d'entreprises, des rencontres avec des professionnels ou encore des forums. Plus de 7 sur 10 sont même d'accord avec l'idée d'un stage de deux ou trois semaines obligatoire entre la première et la deuxième année de prépa. 

Des propositions qui vont dans le sens du chantier ouvert par l'APHEC (Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales) et une quinzaine d'écoles de commerce pour améliorer le continum école-prépa.

Une envie d'entreprenariat et d'international

La quatrième enquête sur les aspirations de carrière des élèves de prépas aux grandes écoles de management, publiée le même jour par l'Edhec, laisse entrevoir, avant même leur entrée à l'école, des étudiants ouverts sur le monde.

Deux tiers des jeunes interrogés souhaitent démarrer leur carrière à l'étranger (58 % en Europe), et placent la diversité des missions comme le deuxième objectif de carrière, derrière l'acquisition de nouvelles compétences.

36 % d'entre eux, guidés principalement par l'envie de "relever des challenges" et de "voir plus directement l'impact de leurs actions", se projettent davantage dans l'entrepreneuriat que dans le salariat.

Signe des temps, ils sont 26 % à se rêver dans une petite entreprise ou une start-up, contre 15 % il y a trois ans. En quête de sens, ils sont aussi 23 % à déclarer vouloir travailler dans l'ESS (économie sociale et solidaire), contre 14 % en 2014. Les ONG et l'ESS gagnent trois places au classement général des secteurs les plus convoités et arrivent en tête chez les femmes. Reste à voir ce qu'il en sera dans cinq ans...

Plus classiques, les hommes continuent de plébisciter le secteur finance/banque/assurances (43 %), le conseil (27 %) et l'audit (18 %). Ouverts au changement donc... Mais pas trop.

Enquêtes, mode d'emploi
10.000 étudiants de classes préparatoires ont été sollicités dans le cadre de l'enquête "Génération prépa" conduite sur une année par l'EM Strabourg et "Espace prépas". 1.087 ont accepté de répondre. La grande majorité sont en deuxième année (84 %). Près de 9 sur 10 sont issus de prépa commerciale et 12 % de prépa littéraire. 63 % des sont des femmes et 37 % des hommes.

L'étude menée par le NewGen talent centre de l'Edhec a, quant à elle, été réalisée en mai 2017 auprès de 1.275 étudiants. Les répondants sont à 51 % des femmes et à 49 % des hommes. Ils ont en moyenne 20 ans et sont issus de classes préparatoires.

Cécile Peltier | Publié le