Prêts étudiants : « En Angleterre, un étudiant ayant son bachelor doit rembourser 21 000£ en moyenne »

Propos recueillis par Fabienne Guimont Publié le
Prêts étudiants : « En Angleterre, un étudiant ayant son bachelor doit rembourser 21 000£ en moyenne »
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Dix-sept ans après le flop de Lionel Jospin, Valérie Pécresse relance le prêt étudiant. Une promesse présidentielle – l’emprunt à taux zéro subventionné remboursable à partir du premier emploi - quelque peu aménagé. L’Etat s’engage à le subventionner à 70% via Oséo contre 30% pour la banque et organisme de crédit partenaires. On ne parle plus de prêt à taux zéro : Cétélem, estime un taux moyen de 4,5% et les Banques populaires, de 3,8%. Les 20 000 étudiants pressentis cette année pour emprunter un maximum de 15000 euros pendant leurs études auront dix ans pour rembourser. Outre-Manche, une politique de prêt massive a été inauguré à la fin des années 1990 parallèlement à l’augmentation des frais d’inscription. Retour sur les systèmes français et anglais avec Aurélien Casta, lauréat 2008 de l’OVE pour son mémoire sur la comparaison des bourses et prêts dans les deux pays.

En Angleterre, comment a évolué le système d’enseignement supérieur et parallèlement les aides aux étudiants ?

Si en France l’Etat a maintenu la quasi-gratuité de l’enseignement supérieur et étendu les bourses, en Angleterre la gratuité des études a été supprimée et les prêts ont remplacé les bourses. Outre-Manche, les dépenses publiques destinées à l’enseignement supérieur et aux universités ont diminué avant que dans la seconde moitié des années 1980, une politique rendant les universités plus autonomes ne soit mise en place qui les poussait à trouver de nouvelles ressources et à augmenter leurs frais d’inscription. Les conservateurs anglais, sous Margaret Thatcher et John Major, ont décidé de mettre en place des prêts étudiants progressivement et parallèlement de diminuer le montant des bourses. Jusqu’en 1997, le montant des bourses était conditionné aux ressources des étudiants et ceux-ci y avaient (dans leur grande majorité) tous droit, que ce soit pour compenser les frais d’inscription et/ou leur attribuer une allocation (Mandatory award). En 1997, la moitié des étudiants recevait encore une bourse et moins de 20% souscrivaient à un prêt public subventionné en raison de la gratuité des études encore en vigueur. Entre 1980 et 1997, le montant des bourses a été divisé par deux. Tony Blair a annoncé l’augmentation des frais d’inscription des universités en 1997 et la fin du système des bourses pour l’année 1999-2000. Les frais d’inscription s’élèvent alors à 1000£ sous conditions de ressources : un tiers des étudiants paie cette somme, un tiers en est dispensé, un tiers en paie une partie.  

Quelle est la situation des étudiants anglais aujourd’hui ?

80% des étudiants ont contracté un prêt auprès de la Student loan compagny (SLC) avec des taux d’intérêt à hauteur de l’inflation. Depuis 2006-2007, les frais d’inscription s’élèvent à 3000£ maximum pour tous les étudiants. Le montant des prêts pour frais d’inscription est de 3000£ par an et les prêts pour frais d’entretien de 4000£. Un étudiant ayant obtenu son bachelor peut donc avoir jusqu'à 21 000£ de dettes à rembourser. Les anciens étudiants doivent rembourser à partir de 15 000£ de salaire avec une échéance maximale de 25 années. Ce système de prêt a découragé certaines catégories sociales de rentrer dans l’enseignement supérieur, comme les minorités musulmanes par exemple qui considèrent l’emprunt comme contraire à leur religion. En 2004, des bourses ont été réintroduites en fonction des revenus des étudiants. Le syndicat étudiant –NUS- s’en attribue le mérite. Seuls 200 000 des 2 millions d’étudiants en bénéficient avec un plafond de 2700£.  

Comment ces réformes sont passées en Angleterre ?

Les pouvoirs publics anglais ont reconfiguré l’enseignement supérieur sur le modèle international promu aux Etats-Unis et dans les institutions internationales (Unesco, OCDE, Banque mondiale…). Ce modèle est celui de la compétition des établissements entre eux pour attirer les étudiants et les capitaux sur le territoire national, en les taxant moins et en demandant aux établissements de trouver d’autres formes de financement que des fonds publics. Les institutions internationales parient sur une meilleure réussite des étudiants en leur demandant de payer plus pour qu’ils soient davantage regardant sur l’insertion professionnelle permise par les diplômes obtenus. Il y a l’idée que les étudiants sont les moteurs de la restructuration de l’enseignement supérieur. Au Royaume-Uni, ce discours s’est très vite retrouvé dans celui de ses parlementaires, contrairement à la France. 

Quelle voie a suivie la France ?

Depuis les années 1980, deux plans sociaux étudiants ont été mis en place par les socialistes, celui de 1991 et celui de 1998. Sur trois ou quatre années, des programmes ont revalorisé le montant des bourses. Sous les gouvernements de droite, le plafond de ressources et le nombre de bénéficiaires étaient restés jusqu'à présent identiques. Toutes les revalorisations ont été remises en cause avec l’inflation. Au final, on arrive à un tiers d’étudiants boursiers dans les années 2000 (500 000) alors qu’il n’y en avait que 10% dans les années 1980. Concernant les frais d’inscription, le principe de gratuité des études a été réaffirmé dans les années 1980 par Savary. Mais dans les années 1990, des manipulations administratives ont commencé avec des frais d’inscription qui ont dépassé ceux institués par la loi en facturant des charges précises auxquelles les étudiants ont le choix de souscrire. Même si Valérie Pécresse avec la LRU a fait une remise en ordre, les frais illégaux se sont développés. Quant aux prêts d'honneur ils n’ont concerné que 4000 étudiants au maximum.

* Master 2 Sciences Sociales, Politiques du travail, de l’emploi et de la protection sociale en Europe (POTEPSE).

Etats-Unis : les prêts étudiants s’invitent dans la campagne à l’investiture

L’observatoire Boivigny propose un article sur les propositions des candidats aux présidentielles américaines à propos de l’accès aux études supérieures. Favori des enseignants et des étudiants, Barack Obama propose d’élargir l’accès aux bourses et de subventionner les prêts, en se passant des banques. Hillary promettait quant à elle 8 milliards de dollars pour financer son « plan d’aide aux colleges » et réclamait que les étudiants soient informés dès le début de leurs études des frais d’inscription à payer au long du cursus. Obama promeut l’affirmative action, contrairement à John McCain. Ce dernier a fait de la trilogie «excellence, choix et compétition » son credo, en prenant conseil auprès du frère de Bush, Jeb.

Le thème des prêts étudiants s’est invité dans la campagne avec la crise des subprimes, qui limite les capacités d’emprunt des étudiants. « Le Congrès a tout de même voté, le 1er mai dernier, une loi sur les prêts aux étudiants qui relève le plafond des prêts garantis, afin de limiter le recours aux prêts classiques dont les taux d'intérêt sont supérieurs. Par ailleurs, le département de l'Education a lancé un programme pour distribuer lui-même les prêts si nécessaire » note l’auteur de l’article.

Propos recueillis par Fabienne Guimont | Publié le