Classes prépas : vers la fin du mouvement ?

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Classes prépas : vers la fin du mouvement ?
Elève de prépa au tableau // DR // © 
Face à la grogne des enseignants de classes préparatoires, mobilisés contre la réforme de leur statut, le ministre de l'Education nationale vient d'annoncer que le contenu de la réforme n'est pas encore défini. Retour sur ce mouvement et ses enjeux.

Vincent Peillon veut calmer le jeu

"Les discussions se poursuivent". Voilà ce qu'a déclaré jeudi 12 décembre 2013 Vincent Peillon, désireux de calmer la colère des profs de CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles), comme le rapporte lexpress.fr. Officiellement, rien n'est donc encore arrêté.

En particulier, "la réforme des obligations de service des enseignants des zones d'éducation prioritaire (ZEP) et celle de leurs collègues de classes prépas sont deux sujets dissociés". Le ministre de l'Education nationale a en effet assuré qu'il "[n'avait] pas besoin de prendre aux uns pour donner aux autres".

"Un document de travail que L'Express s'est procuré dit pourtant le contraire" et "lie clairement les économies réalisées sur la Dotation horaire globale des enseignants – par exemple sur les fiches de paie des profs de prépas – au financement d'autres mesures".

Lire l'article sur lexpress.fr : "Profs de prépas Vincent Peillon zigzague"

D'un point de vue politique, Emmanuel Davidenkoff, directeur de la rédaction de L'Etudiant, estime qu'en "suscitant la colère des professeurs de classes préparatoires, Vincent Peillon prend le risque de mettre à bas la stratégie de reconquête électorale mise en œuvre par François Hollande depuis deux ans".

Et de souligner que "quel que soit son destin ministériel, le ministre et candidat aux Européennes pourra se prévaloir d'avoir mis le doigt où ça fait mal, en dénonçant cette anomalie consubstantielle à l'élitisme de notre système : enseigner aux plus riches et aux meilleurs est nettement mieux récompensé par la République qu'enseigner aux plus fragiles".

Lire la chronique d'Emmanuel Davidenkoff sur lexpress.fr : "Peillon contre les prépas : le baroud d'honneur ?"

le pouvoir d'achat, principale revendication

S'il dément tout recul, Vincent Peillon revient sur ce qu'il avait annoncé fin novembre et qui avait déclenché la levée de boucliers : relever le volume minimal d'heures des cours des enseignants de prépa et donc rogner sur le paiement de leurs heures supplémentaires pour, en contrepartie, abaisser le nombre d'heures des cours pour les enseignants de ZEP.

Un projet de réforme qui aurait abouti à une baisse brutale de la rémunération, estimée par les syndicats entre 3.000 et 10.000€ par an. Revendiquant le maintien de leur pouvoir d'achat, 60% des enseignants se sont mis en grève le 9 décembre.

Lire notre article : "Les profs de prépa maintiennent leur appel à la grève pour sauver leur pouvoir d'achat"

Les prépas, ascenseur social ?

Un autre argument a été mis en avant, notamment par des enseignants de "petites prépas de province": le rôle d'ascenseur social que joueraient les classes préparatoires. Un point de vue que les chiffres du recrutement dans ces formations sélectives viennent cependant nuancer. Le manque de diversité sociale des CPGE reste en effet criant : près de la moitié des élèves sont des enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures, contre 30% pour l'ensemble des étudiants.

Néanmoins, pour la minorité d'élèves issus de milieux défavorisés, triés sur le volet à l'entrée en prépa, ces formations constituent statistiquement la meilleure voie pour obtenir un diplôme de niveau bac+5.

Lire notre article : "Les classes prépas, ascenseur social ou machine de reproduction des élites ?"

La défense d'un système et d'un métier

Particularité de ce mouvement, nombre d'élèves ont manifesté aux côtés de leurs enseignants. Comme l'explique le sociologue Jacques-Benoit Rauscher dans une interview à Chercheurs d'actu, "les professeurs de classes préparatoires incarnent le système des CPGE. Les élèves et anciens élèves se mobilisent d'abord pour défendre un système dans lequel ils croient. Je parle, dans ma thèse, de la prépa comme une expérience fondatrice. Elle est vécue comme un temps passager, hors du temps, presque spirituel".

Par ailleurs, observe le chercheur, "quand les enseignants du secondaire manifestent, ils défendent au fond leur statut, l'image qu'ils ont de leur position, dans le but d'améliorer leur métier, leurs conditions d'exercice. Les enseignants de CPGE procèdent à l'inverse : ils défendent d'abord leur métier, leurs résultats, leur utilité, pour conserver leur statut particulier".

Lire l'interview sur Chercheurs d'actu : "Qui sont vraiment les profs de prépa ?"

mythiques classes prépas

Renvoyant dos à dos le corporatisme des enseignants de classes prépas et "l'enrôlement des jeunes pour des causes qui les concernent si peu", Jean-Michel Zakhartchouk s'élève sur son blog contre cette "manifestation de la religion du diplôme. Avoir fait des études difficiles 'donnerait droit' à vie à de meilleurs salaires, à de meilleures conditions de vie. Peu importe l'efficacité réelle ensuite."

"Ce qui me choque, écrit-il, et que j'avais déjà lu dans le texte de Darcos présentant en 2007 le programme de Sarkozy, c'est l'idée selon laquelle les meilleurs profs sont ceux qui ont les meilleurs élèves. Chaque tâche a sa difficulté."

Et d'appeler à "[arrêter] la mythologie des profs tous admirables, tous merveilleux, avec merveille des merveilles, les profs de classes prépas. Ça ne vaut pas mieux que la diabolisation du genre 'toujours en vacances', 'pas à la hauteur', etc."

Lire le billet de Jean-Michel Zakhartchouk sur son blog EducPros : "Les profs de classes prépas, saints et martyrs ?"

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