Rapport mondial sur les sciences sociales : un état des lieux contrasté

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Présenté le 25 juin à Paris à l'UNESCO, le rapport mondial sur les sciences sociales 2010 dresse une géopolitique contrastée de ces disciplines. Selon les critères du Conseil international des sciences sociales (CISS), la psychologie et l'économie, dominent largement la production scientifique mondiale.

Le rapport du Conseil international des sciences sociales (CISS) publié conjointement avec l’UNESCO et présenté le 25 juin à Paris dresse un état des lieux contrastés sur la production et la diffusion des sciences sociales dans le monde. Toujours dominée par les pays du Nord, la situation évolue  régionalement et progresse dans les pays émergents.

Des centaines de chercheurs mobilisés
L’étude « Division dans les savoirs » qui a mobilisé des centaines de chercheurs dans le monde, rappelle la prédominance occidentale. Europe et Amérique du nord totalisent ainsi à eux deux 75% des revues spécialisées dans le monde, et 85% des publications le sont en anglais. Quatre pays concentrent les deux-tiers des revues publiées dans le monde : Etats-Unis, Royaume-Uni, Pays-Bas et l’Allemagne.

Des sciences devenues globales
Ceci-dit, les auteurs constatent une croissance exponentielle des sciences sociales au plan mondial. En une décennie, celles-ci sont devenues «éminemment globales », pour reprendre l’expression du directeur du CISS Gudmund Hernes. «Elles sont enseignées partout, sont entrées dans le langage quotidien comme dans les administrations publiques ou les entreprises.» La plus forte croissance du nombre d’articles produits a été enregistré en Amérique latine (+ 74%), en Europe (+58%) et en Asie ( +56%).

Dans les pays émergents, le nombre de chercheurs en sciences sociales a pratiquement triplé sur la dernière décennie au Brésil. En Chine, le budget consacré aux sciences sociales et humaines augmente de 15% à 20% par an depuis 2003.

L’émergence de l’Amérique latine
Lors de la présentation du rapport à Paris, Hebe Vessuri, Directrice de l’Institut vénézuelien de recherche scientifique est revenue sur la situation très contrastée de l’Amérique latine. Trois pays regroupent l’essentiel de la production de connaissances : le Brésil, l’Argentine et le Mexique. Ces trois pays sont en train de devenir des « centres d’attraction » pour les chercheurs internationaux. «On constate une énorme concentration de la recherche sur quelques endroits. Les deux tiers des programmes post-doc se trouvent au Mexique et au Brésil », a ainsi indiqué Hebe Vessuri.

Le Brésil a par ailleurs réalisé de gros efforts de formation : avec 10 000 master et 2500 post-doc diplômés par an, des chiffres «qui situent le Brésil dans une situation comparable à celle de l’Inde ou de la Chine» a estimé la directrice. Celle-ci a conclu sa présentation en soulignant les questions en suspens soulevées par le rapport, notamment le manque de données existantes sur la communauté des chercheurs en sciences sociales (à la différence de leurs homologues des sciences dures).

La dégradation de la Russie
L’Asie du Sud-Est, l’Afrique ou la Russie offrent un contexte bien moins favorable aux chercheurs. Depuis la disparition de l’Union soviétique, la situation s’est notamment fortement dégradée en Russie. Le nombre de chercheurs a diminué de 458 500 entre 1991 et 1999, essentiellement pour cause de reconversion professionnelle.

Le retard de l'Afrique
Quant à l’Afrique Subsaharienne, elle a pris un retard considérable dans la production scientifique : la région représentait 0,7 % de la production mondiale en 1996 et ne montre aucun signe de reprise. Les trois quarts des publications de la région émanent de quelques universités situées en Afrique du Sud, au Kenya et au Nigéria. «L’enseignement supérieur africain a fait les frais de la crise économique et des ajustements structurels des gouvernements », estime Adebayo Olukoshi, Directeur de l’Institut africain de développement économique et de planification (IDEP) des Nations-Unies.

La fuite des cerveaux africains, évaluée selon le rapport à 20 000 départs de professionnels hautement qualifiés par an, est ainsi une conséquence de l’effondrement structurel de la recherche. Malgré ce sombre tableau, le directeur de l’IDEP voit des signes encourageants de reprise des efforts, avec l’émergence de nouveaux réseaux de coopération régionale ou l’émergence d’universités privées. » Les sciences sociales constituent une bonne porte d’entrée pour la constitution de nouveaux établissements d’enseignement supérieur, notamment parce que cette discipline est moins gourmande en financement que par exemple,  la médecine.»

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