L'évaluation continue en péril à l'université de Strasbourg ?

Camille Stromboni - Mis à jour le
L'évaluation continue en péril à l'université de Strasbourg ?
Université de Strasbourg - Amphithéâtre // ©  EducPros
La justice a tranché. L’université de Strasbourg doit maintenir les rattrapages, malgré la mise en place d'un contrôle continu intégral. Une décision que dénoncent les enseignants-chercheurs du Snesup, menaçant d'un retour en arrière.

La mise en place d’un véritable contrôle continu à l’université peut-elle justifier la suppression des rattrapages ? La réponse est non, a confirmé la cour administrative d'appel de Nancy en mai 2015, interpellée sur le cas strasbourgeois. L’université alsacienne est l’une des rares facs, avec Avignon, à avoir développé depuis deux ans dans la majorité de ses licences une "évaluation continue intégrale", remplaçant les traditionnelles épreuves terminales qui ponctuent la fin d'un semestre.

Elle avait estimé que les rattrapages n'avaient en conséquence plus de raison d'être. Une interprétation "validée au préalable par le ministère", souligne l’établissement, mais que le tribunal administratif de Strasbourg a condamnée en 2014. L'université a donc rétabli cette deuxième session dès la rentrée dernière, tout en maintenant l'évaluation continue intégrale.

Rattrapages ou évaluation continue : Il faut choisir, pour le Snesup

Une situation qui n’est plus tenable, réagit le Snesup de l’université de Strasbourg. Le syndicat dénonce la surcharge de travail importante qu'engendre le cumul de ces deux dispositifs. Dans un communiqué en date du 15 juin 2015, il demande à la présidence de suspendre l’évaluation continue intégrale si le cadre règlementaire demeure en l’état.

"Cela n’est absolument pas envisagé, confie François Gauer, vice-président délégué aux pratiques pédagogiques. C'est une plus-value importante pour la réussite des étudiants. Nous ne pouvons pas y renoncer, quelles que soient les difficultés." Et de rappeler les progressions très fortes des taux de réussite obtenues : près de 30 points en licence 1 de sciences du vivant, par exemple.

L'université se dit pourtant bien consciente des difficultés pour les personnels. "Il est utopique de croire qu'on peut s'investir très fortement durant le semestre et organiser en plus une session de rattrapage. Ces décisions juridiques mettent en péril l'engagement de nos équipes", reconnaît le vice-président. La décision de retourner en justice ou non n'est pas encore prise. Les chances de succès, en l'état du droit, semblent en effet plutôt minces.

L’évaluation continue intégrale est une plus-value importante pour la réussite des étudiants. Nous ne pouvons pas y renoncer.
(F. Gauer)

l'Unef défend les rattrapages

Mais cela va au-delà de cette question de la charge de travail, assure l'établissement. "Si à la suite d’évaluations nombreuses, permettant de suivre la progression de l’étudiant, on constate qu’il n’a pas acquis les compétences, ce n’est pas une épreuve couperet arrivant quelques semaines plus tard qui va changer la donne. Cela signifie qu’il doit retravailler véritablement l’acquisition avec l’équipe pédagogique", défend François Gauer.

"Le contrôle continu et les rattrapages sont deux dispositifs différents, utiles à la réussite des étudiants, rétorque de son côté William Martinet, président de l'Unef. Un étudiant peut obtenir des notes catastrophiques lors des premiers contrôles, puis progresser et atteindre le niveau requis. La deuxième chance que constitue le rattrapage garde alors toute sa raison d'être. Il n'y a aucun conflit pédagogique là-dedans."

statu quo au ministère

Quant à la question de la surcharge de travail pour les enseignants-chercheurs et les administratifs, le représentant étudiant veut "arrêter ce chantage". Le syndicat prépare d'ailleurs une action en justice à l’université d'Avignon, qui a elle aussi supprimé les rattrapages en mettant en place le contrôle continu dès 2009.

Le ministère compte-t-il prendre parti ? Si le développement de l’évaluation continue intégrale dans les universités est défendu, il doit être mis en place en respectant la règlementation en vigueur et les décisions des tribunaux, estime la rue Descartes, qui n'a pas l'intention de remettre le nez dans les textes régissant ces questions sensibles. Une manière de soutenir, de facto, la position des étudiants.

L'Afges défend l'évaluation continue intégrale sans seconde session
Le premier syndicat étudiant de l'université de Strasbourg, l'Afges, n'est pas sur la même ligne que l'Unef, qui a porté ces recours devant les tribunaux. "C'est un coup de couteau dans le dos de l'université qui pénalise des années de travail pour mettre en place l'évaluation continue intégrale", déplore Jimmy Losfeld, son président, qui défend le maintien et le développement de ce mode d'évaluation tout en acceptant la suppression des rattrapages.

"L'évaluation continue intégrale n'est pas compatible avec une deuxième session, argumente l'élu étudiant. Cette session "couperet" n'est pas pertinente pédagogiquement car on se rattrape tout au long de l'année." L'Afges demande au ministère d'accorder à l'université un statut dérogatoire d'expérimentation pour développer au mieux cette "innovation pédagogique".
Aller plus loin
- Le communiqué de l'université de Strasbourg (juin 2015)
- L'arrêté Licence (voir l'article 17)
- Le communiqué de l'Afges concernant la situation particulière de la licence de droit : Faculté de Droit : le fiasco de la seconde session

- Les présidents d’université craignent la fin du contrôle continu (mars 2014)
- Le billet de Pierre Dubois (Histoires d'universités) : Non à l’Enseignant-Évaluateur !

Camille Stromboni | - Mis à jour le