Réforme des lycées pro : l'idée d'une hausse de 50% de la durée des stages enterrée

Etienne Gless Publié le
Réforme des lycées pro : l'idée d'une hausse de 50% de la durée des stages enterrée
Plutôt que d'imposer une augmentation de 50% des périodes en entreprise, la durée des stages pourrait être adaptée aux profils des élèves en lycée professionnel. // ©  Goodluz/Adobe Stock
En lançant à l’automne 2022 la réforme des lycées professionnels, le président de la République souhaitait augmenter de 50% le temps passé en stage. Une mesure qui a rencontré l’opposition des 160 acteurs de l’enseignement professionnel qui ont conclu leurs travaux fin janvier.

La mesure faisait figure de chiffon rouge du côté des enseignants de lycée professionnel ? Le gouvernement hisse le drapeau blanc ! "Il y a absence de consensus sur l’augmentation de 50% des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) sur toutes les années de formation", concède Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels lors de la clôture, vendredi 27 janvier 2023, des quatre groupes de travail sur la réforme des lycées professionnels.

Face aux boucliers levés contre la proposition phare d'Emmanuel Macron d’augmenter de moitié la durée des stages en entreprise des lycéens professionnels, la ministre déléguée rétorque que "d’autres modalités pourraient être tout aussi enrichissantes".

Pilotés par quatre recteurs, les groupes de travail organisés lors de la concertation ont fait des dizaines de propositions pour améliorer l'insertion des élèves, leur poursuite d'études ou réduire leur décrochage.

Adapter la durée des stages en lycée pro au profil des élèves

Pour Carole Grandjean, "les jeunes de lycée professionnel [...] ne sont pas tout à fait matures pour bénéficier pleinement de ces périodes [de stage en entreprise]". Et en effet, en 2021, les élèves de moins de 16 ans représentaient 69% des effectifs à leur entrée au lycée professionnel. Alors que cette tranche d'âge ne représentait que 25% des élèves de lycée pro, 15 ans plus tôt.

L’idée qui émerge serait donc plutôt d’adapter le contenu et la durée des périodes de stage au profil, au parcours et au projet de l’élève. "Il y a des jeunes pour qui l’augmentation de la durée de stage peut être utile dès les premières années de CAP ou de bac pro. Mais pour d’autres, [cette hausse] ne devrait être faite que dans un second temps, après un accompagnement portant sur les codes de l’entreprise, la préparation d’un CV, le comportement professionnel, les savoirs fondamentaux…"

Les périodes de stage seraient ainsi plus importantes à l’approche du diplôme. Pour rendre ces périodes encore plus profitables, l’organisation pédagogique devrait aussi être revue. Du temps devrait être réservé à leur préparation et à leur suivi au retour des élèves.

Sur les premières années de lycée professionnel, le plus important n’est pas tant d’augmenter la durée de la période de formation en entreprise mais bien de créer les conditions de sa réussite.

Prolonger la formation après le diplôme

Par ailleurs, une des propositions clés issue des groupes de travail — qui fait consensus — concerne l'instauration d'un temps complémentaire post-diplôme au niveau du CAP comme du bac pro. Et ce, afin de palier un taux d'accès à l'emploi des lycéens professionnels qui reste médiocre. À l'issue de leur formation, seuls 32% des titulaires de CAP et 45% des titulaires de bac professionnel sont en emploi 12 mois plus tard.

Dans le cadre de cette proposition, les jeunes diplômés de la voie pro mettraient à profit ce temps de formation post-diplôme pour continuer à suivre des enseignements et vivre des expériences professionnelles.

Optionnel, ce sas d’intégration leur permettrait d'être mieux armés pour s'insérer dans le monde du travail ou pour poursuivre des études supérieures notamment en BTS. "Cette proposition fait largement consensus, elle est déjà expérimentée dans certains territoires, elle a fait ses preuves pour mieux accompagner l’insertion professionnelle comme la préparation à la poursuite d’études", observe Carole Grandjean.

Une réforme qui s'appliquera progressivement dès la rentrée 2023

La clôture des groupes de travail ne marque pas la fin des discussions. En février et mars, la ministre engagera un nouveau cycle de concertations bilatérales avec les organisations syndicales de personnels, les chefs d’établissements, les branches interprofessionnelles, les représentants d’élèves, des parents ainsi que des Régions.

Mais les premières mesures de la réforme des lycées professionnels s’appliqueront bien dès la rentrée de septembre 2023 : déploiement de la gratification des périodes en milieu professionnel, lancement d’expérimentations autour du décrochage, de la poursuite d’études, etc.

"À la rentrée 2023, les moyens seront maintenus pour les lycées professionnels au niveau des postes enseignants", a par ailleurs assuré Carole Grandjean. Cette dernière promet même de dégager des moyens inédits grâce à la ligne budgétaire de l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) "Compétences et métiers d’avenir" dans le cadre de France 2030. De quoi permettre aux lycées professionnels de financer de nouveaux plateaux techniques, la formation continue des enseignants ou de nouvelles formations et activités.

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