Réforme des retraites : témoignage du proviseur d'un lycée bloqué à Avranches

Propos recueillis par Marie-Anne Nourry Publié le
Au lendemain de la manifestation du 12 octobre 2010, 135 lycées étaient encore perturbés dont 29 bloqués selon le ministère de l’Education nationale (contre 350 perturbés et 90 bloqués la veille) en réaction à la réforme des retraites. Christian Le Goff, proviseur du lycée Emile Littré à Avranches (Manche), qui compte plus de 1000 élèves, revient pour Educpros sur le blocus.

Comment a démarré le blocus de votre lycée ?

Avec les SMS et Facebook, les lycéens sont plus rapides que nous pour communiquer. J’ai pu voir quelques messages, et, dans les grandes lignes, ils disaient : « Bloquez le lycée à cause des retraites ». J’ai interrogé un élève sur l’identité de l’auteur mais il était incapable de répondre. Les lycéens reçoivent des SMS dont ils ne connaissent pas l’origine, les transmettent et cela crée un effet boule de neige. Lundi, à 4h du matin, des parents ont déposé leurs enfants devant le lycée. Ils avaient apporté avec eux des chaînes et des palettes pour cadenasser l’entrée. Alerté par un veilleur de nuit, je suis arrivé une heure plus tard pour assister au blocus. Vers 6h, les lycéens étaient une petite centaine devant les portes, et leur arrivé s’est ensuite échelonnée jusqu’à 8h. Pour ne pas provoquer d’affrontement, nous n’avons pas tenté de débloquer l’entrée.

Pensez-vous que les lycéens sont manipulés ?

Je confirme l’idée d’une manipulation des élèves. Ou en tout cas d’une forme d’influence de la part de certains professeurs, qui les incitent à manifester, des parents, qui les soutiennent et leurs fournissent du matériel, et enfin des syndicats. Dans mon lycée, quelques élèves sont syndiqués mais ils ne se font pas connaître. Leur revendication ? La retraite à 60 ans. Pour moi qui ai 63 ans, je dois avouer que c’est surréaliste de voir des lycéens bloquer un lycée pour cette raison. Quelques uns ont un discours qui se tient mais aucun n’avance de proposition sérieuse concernant le financement des retraites.

Quelles sanctions envisagez-vous ?

L’exclusion est une sanction possible mais je ne vais pas renvoyer 500 élèves ! A ce stade, je ne sais pas encore quel type de mesure je vais prendre. Les élèves absents qui ont un mot signé par leurs parents n’encourent aucun risque. En revanche, il est formellement interdit de bloquer l’entrée d’un lycée. D’un côté, je reçois les appels de parents mécontents, d’un autre, certains parents suivent les enfants dans l’aventure. Nous sommes dans une situation très compliquée.

A quand la fin du blocus ?

J’espère que les cours pourront reprendre lundi car les lycéens ont le bac à préparer. Il y a une minorité d’élèves qui agissent mais beaucoup suivent de loin. Sur plus de 1.000 élèves, il n’y avait que 200 manifestants le 12 octobre 2010. Certains élèves sont contre le blocage et, en attendant la reprise des cours, ils travaillent par Internet. Les enseignants leur envoient des cours et des exercices, et ils se retrouvent le matin devant le lycée pour échanger des copies. Un nouveau vote sera organisé vendredi pour décider de la poursuite ou non du blocus.



Propos recueillis par Marie-Anne Nourry | Publié le