Réforme du lycée : le député Benoist Apparu rend ses préconisations

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Benoist Apparu, le député UMP de la Marne, a présenté mercredi 27 mai 2009 son rapport sur la mission d’information parlementaire sur la réforme du lycée. Ses préconisations mêlent idées neuves très ambitieuses et déjà-vu dans le projet Darcos.

Benoist Apparu aura dégainé le premier. Le député UMP de la Marne a présenté mercredi 27 mai 2009 son rapport sur la mission d’information sur le lycée. Il devance ainsi Richard Descoings, chargé de la mission lycée par Nicolas Sarkozy, qui doit rendre ses propres conclusions aux alentours du 11 juin 2009.
Petit retour en arrière… Fin janvier 2009, une mission d’information parlementaire composée de onze membres, de droite comme de gauche, est créée pour plancher sur la rénovation du lycée. Objectif pour les députés : ne pas rester à l’écart du débat.

En quatre mois, la mission a entendu 80 personnes au cours de 33 auditions et 2 tables rondes. Elle a visité 3 lycées et un CIO (centre d’information et de documentation). Des députés extérieurs à la mission ont mené 54 tables rondes dans un lycée de leur circonscription. Des travaux moins médiatisés que le tour de France de Richard Descoings, mais qui ont été prolifiques. Le texte de Benoist Apparu compte 232 pages, résumées en trente propositions réparties en huit thèmes.


Thème 1 : l’objectif de la réforme
Benoist Apparu nous le disait dans une interview : « il faut donner du sens à la réforme ». Le député voudrait passer du lycée conçu comme une fin en soi à un lycée préparant à l’enseignement supérieur. De ce fait, il préconise la création d’un bloc primaire-collège avec une culture commune pour 100 % des jeunes d’une génération et un deuxième bloc lycée-licence. Une idée très ambitieuse.

Le triptyque du temps scolaire. Par ailleurs, le rapporteur reprend l’organisation des enseignements imaginée par Jean-Paul de Gaudemar , le recteur de l’académie d’Aix-Marseille à l’origine de la première mouture de la réforme du lycée : de la culture générale (ou tronc commun), des enseignements d’approfondissement ou d’exploration (pour se spécialiser progressivement) et de l’accompagnement. Chacun de ces trois groupes d’enseignement occuperaient respectivement 70 %, 20 % et 10 % du temps scolaire en seconde ; 50 %, 40 % et 10 % en première ; 40 %, 50 % et 10 % en terminale.


Thème 2 : l’organisation de la scolarité
C’est l’un des deux thèmes les plus riches en propositions. On y retrouve des idées déjà présentes dans la première version de la réforme du lycée : une vraie seconde de détermination, une spécialisation progressive, trois heures de cours hebdomadaires dédiées à l’accompagnement, la semestrialisation ou encore la réduction du temps scolaire à 30 heures de cours par semaine.

Aller vers plus d’interdisciplinarité. Pour maintenir les grands champs disciplinaires et inclure des enseignements de découverte et de spécialisation tout en réduisant l’horaire hebdomadaire des élèves sans faire un « lycée light », le rapporteur propose une réduction des vacances d’été de deux semaines. Il admet également qu’il faudra refondre les programmes et mise notamment sur l’interdisciplinarité. Une idée qui peut faire débat (qui va enseigner quoi ?) et remet en cause la formation des enseignants. « La masterisation et le papy-boom peuvent permettre d’engager plus facilement cette révolution », répond Benoist Apparu.

Sas de rattrapage et 35 h "TTC". Benoist Apparu a également ajouté quelques nouveautés comme les 5 heures de « travail à la maison » organisées au lycée pour lutter contre les inégalités sociales. Il préconise également un « sas de rattrapage » (ou stage de remise à niveau) l’été pour lutter contre le redoublement en seconde. Il s’éloigne de Jean-Paul de Gaudemar (favorable à un système de modules optionnels) en proposant en seconde les sciences éco et la technologie obligatoires pour tous et deux modules au choix (dans la famille sciences ou la famille lettres) en plus du tronc commun. En première, il préconise une spécialisation progressive en offrant le choix entre une première générale ou une première technologique, puis une terminale spécialisée.  


Thème 3 : la modification de l’accès à l’enseignement supérieur
Les deux principales préconisations de Benoist Apparu : instaurer des quotas de bacheliers technologiques dans les IUT (au moins 50 %) et déspécialiser la première année d’université à la manière de la L1 santé. « On pourrait penser à une L1 droit-économie-gestion par exemple », indique-t-il. Le rapporteur propose également de généraliser à toutes les grandes écoles publiques le dispositif conventions ZEP de Sciences po. Ce qui va faire plaisir à Richard Descoings…


Thème 4 : l’orientation
Sur ce sujet, Benoist Apparu propose d’avancer au début de terminale le processus d’orientation active, mettre en place des découvertes de métiers, développer l’information ou encore de créer des sas de réorientation en milieu et fin de première… Il préconise également la mise en place d’un service public de l’orientation et de l’insertion. Un service déjà prévu peu ou prou par Xavier Darcos pour novembre 2009.


Thème 5 : l’évaluation des élèves
Sur ce thème, Benoist Apparu prend un grand risque : avouer que la réforme du bac est inséparable de la réforme du lycée. Il propose notamment de garder le contrôle terminal pour cinq matières (français, philo, histoire-géo + deux épreuves de spécialisation) mais d’instaurer une part de contrôle en cours de formation pour les autres matières : LV1, LV2, sport (ce qui est déjà le cas) et autres enseignements. « Le bac fait fantasmer tout le monde. C’est une vache sacrée, mais ce n’est pas le plus important », déclare-t-il.


Thème 6 : la redéfinition du métier d’enseignant
L’idée de Benoist Apparu est d’inclure les trois heures d’accompagnement des élèves dans le service hebdomadaire des professeurs. Il insiste ainsi sur le fait qu’il s’agit bien là d’enseignement. Problème : comment faire en sorte que les enseignants ne récupèrent pas ces heures pour boucler le programme ? « A nous de leur faire confiance et, si besoin, d’interdire de faire du disciplinaire au niveau national », indique Benoist Apparu.


Thème 7 : la vie lycéenne
Le rapporteur préconise notamment la désignation d’un professeur référent pour suivre le lycéen pendant toute sa scolarité. Une mesure réclamée par le syndicat SE-UNSA.


Thème 8 : la gestion des établissements
« On ne peut pas laisser des lycées comme Louis-le-Grand à Paris et Jean-Renoir à Bondy être gérés de la même façon », affirme Benoist Apparu. Son idée est ici de donner aux établissements une part de liberté pédagogique (autrement dit d’autonomie). Cette liberté pourrait être utilisée pendant les 3 heures d’accompagnement hebdomadaires. « Le ministère de l’Education nationale ne doit pas publier une circulaire de cinquante pages sur l’emploi de ces heures », insiste Benoist Apparu. Autre idée, plus difficile à gérer : accorder une autonomie disciplinaire pour 10 % des 27 heures de cours du temps scolaire hebdomadaire.


Réformer le lycée… mais quand ?

Le rapport de la mission indique qu’il serait souhaitable que cette réforme du lycée, à moyens constants, soit engagée rapidement, c’est-à-dire dès la rentrée 2010. Néanmoins, elle est conçue pour s’étaler sur une plus longue période. « C’est une réforme progressive. Je suis convaincu que c’est ce qu’il faudra faire dans quatre ou cinq ans. Mais si un ministre reprend cela demain, cela peut lui poser certaines difficultés… », avoue Benoist Apparu. Et d’ajouter : « Je n’ai pas de bon de commande, contrairement à Richard Descoings qui, en juin, ne va certainement pas sortir une bombe qui mettra tout le monde dans la rue ».


Contre-propositions du PS : quel jeu politique ?

« Lorsque j’ai présenté ce texte aux autres membres de la mission, le 28 avril 2009, ils étaient tous d’accord. Un mois plus tard, comme par hasard, les choses ont évolué », déplore Benoist Apparu. Yves Durand, le président de la mission (député socialiste du Nord), a refusé de le soumettre au vote et décidé de faire des contre-propositions. Dans la presse, celui-ci a déclaré que la réforme proposée était très proche de celle de Xavier Darcos. Il a jugé les préconisations de Benoist Apparu « à la fois techniques et floues » et suggéré « une autre logique: poser les vrais problèmes du lycée ». Ceux-ci tourneraient autour de quatre thèmes : vie lycéenne, savoirs à acquérir, métier d'enseignant et moyens. Par ailleurs, le groupe socialiste a expliqué qu’il ne pouvait valider le rapport Apparu car il ne concernait pas le lycée professionnel.  Il préconise que soit lancée en 2009-2010 « une concertation avec tous les acteurs » et demande « un plan pluriannuel de recrutement » sur cinq ans.

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