Avec un taux d’abstention record et une prime aux sortants généralisée, les récentes élections régionales n’ont pas suscité un grand intérêt. Pourtant, la campagne électorale a montré que le champ d’action des régions, et plus globalement des collectivités territoriales, est méconnu.
C’est ainsi que la sécurité a été une thématique récurrente de la campagne, alors même qu’elle ne fait pas partie des prérogatives des régions. Les présidents élus ou réélus devront en revanche s’acquérir de différentes missions liées à l’éducation et à l’orientation.
Fonctionnement matériel des lycées
La construction et le fonctionnement des lycées est l’une des principales responsabilités des conseils régionaux. Concrètement, cela signifie que "les régions s’occupent de tout ce qui est matériel", explique Serge Pouts-Lajus, directeur d’Education et territoires, société de conseil en politique éducative. Cela va de l’équipement élémentaire comme les tables et chaises aux charges immobilières comme la construction, l’entretien et le chauffage des bâtiments.
Du côté des cours, les manuels sont à la charge des régions, tout comme le matériel de laboratoire ou celui des lycées professionnels, qui peut représenter un coût conséquent. Enfin, l’hébergement et la restauration scolaire font également partie du package, et si les profs sont bien salariés de l’Education nationale, "ce sont des personnels des collectivités qui gèrent l’aspect matériel", développe Serge Pouts-Lajus.
Matériel numérique et logiciels
Selon le gouvernement, l’ensemble des régions a consacré 6,6 milliards d’euros à l’éducation en 2016, dont 2,7 milliards d’euros à l’investissement dans les établissements. Une somme qui englobe un autre volet, le numérique, responsabilité des régions depuis 1985. Près de 35 ans plus tard, il a gagné une importance considérable et les régions doivent aujourd’hui garantir aux personnels et lycéens un accès à internet, du matériel audiovisuel, des ordinateurs ou tablettes mais aussi les espaces numériques de travail (ENT).
Ces derniers ont joué un rôle décisif dans les deux dernières années passées au lycée, avec la mise en place des cours à distance. Pendant la crise sanitaire, des lacunes concernant l'accès aux ENT, mais aussi le bâtiment et le matériel ont d’ailleurs souvent été pointées du doigt : sanitaires sans eau courante, fenêtres qui ne s’ouvrent pas, pas de capteurs de CO2…
Les régions seraient donc responsables des manquements matériels ? Pas certain. Selon Serge Pouts-Lajus, "les collectivités ont hésité [à assumer ces missions] car cela coûte très cher et que ce n’était pas encouragé par le ministère". Mais surtout, "il s’agit aussi de santé publique, qui est une compétence entièrement assurée par l’Etat".
Orientation en filières professionnelles
Depuis 2015, les régions ont une nouvelle mission éducative dans leur besace : l’orientation. Ou au moins une partie, car toutes les compétences en la matière n’ont pas été décentralisées. "C’est un bazar un peu compliqué", résume le spécialiste des politiques locales. Par exemple, si les CIO sont toujours gérés par l’Etat, les régions ont la charge de "la diffusion de la documentation ainsi que l'élaboration des publications à portée régionale relatives à l'orientation scolaire et professionnelle des élèves et des étudiants" (loi du 5 mars 2014 modifiée par la loi du 5 novembre 2018). Selon les mêmes textes, les régions sont chargées "d’organiser des actions d’information sur les métiers et les formations en direction des élèves et des étudiants, notamment dans les établissements scolaires et universitaires".
Dans les faits, "les régions ont pris l’orientation sous l’angle de la valorisation des filières professionnelles locales", éclaire Serge Pouts-Lajus. Ce qui leur permet d’intervenir principalement auprès des lycéens professionnels. Moins dans les centres de formation des apprentis (CFA), car la loi du 5 septembre 2018 a aussi prévu "le transfert de la compétence apprentissage de la région, à compter du 1er janvier 2020, aux opérateurs de compétences des branches professionnelles".
Selon Serge Pouts-Lajus, "les régions sont amères, elles regrettent d’avoir perdu cette compétence". Elles peuvent toutefois proposer un financement "facultatif" aux CFA, notamment "lorsque des besoins d’aménagement le justifient".
Investissement facultatif mais réel dans le supérieur
Une autre compétence facultative concerne l’enseignement supérieur, responsabilité de l’Etat. Si une participation au financement n'est pas obligatoire, Serge Pouts-Lajus considère que l’intervention des régions dans l’enseignement supérieur est "décisive". Cela permet notamment d’accompagner les lycéens professionnels vers des études en BTS ou en BUT (ex-DUT).
Les chiffres lui donnent raison. Selon le ministère de l’Enseignement supérieur, les collectivités locales (régions, départements et communes) ont dépensé en moyenne 890 millions d’euros par an, entre 2017 et 2019, pour la recherche et le transfert de technologie. Un financement principalement alloué aux transferts de technologie et aides aux entreprises innovantes (36%), aux opérations immobilières (22%) et aux équipements de laboratoires (12%). Dans le même temps, 690 millions d’euros étaient en moyenne investis chaque année dans l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Les principaux postes de dépenses : l’immobilier (44%) et l’équipement (5%), les aides au fonctionnement des établissements (26%) et les aides aux étudiants (21%).