
Il était enfin prêt après des mois de consultations et de réflexions. Le label visant à réguler la formation supérieure privée à but lucratif aurait dû être annoncé en juin dernier. Mais calendrier politique oblige, le projet est retourné dans ses cartons. Qu’avait mis au point le ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche ? EducPros a obtenu des détails auprès de différentes sources proches du dossier.
Un label attribué d’office aux formations visées et gradées, et soumis à évaluation pour les autres
Le label imaginé par le ministère de l'ESR ne concerne que les formations post-bac. Il aurait été automatiquement attribué aux formations disposant déjà d’un visa ou d’un grade licence ou master.
Un acteur proche du dossier précise : "L’actuel visa délivré par le MESR est attribué à une formation d'école technique privée ou consulaire qui répond aux caractéristiques de qualité académique et professionnelles. Celui-ci aurait évolué pour mieux correspondre aux critères qui ont été travaillés par les différents groupes de travail, durant l’année 2023-2024."
Les autres formations privées auraient, elles, été soumises à une procédure de labellisation complète.
Un processus de labellisation géré par la DGESIP
La procédure de labellisation devait être gérée par la DGESIP et l’évaluation effectuée par le HCERES. Le processus de labellisation de l'ensemble des formations candidates "aurait été effectué dans le temps, compte tenu du nombre des formations à auditer et des enjeux", précise notre contact.
Selon nos informations, la CEFDG aurait également pris sa part en ce qui concerne le champ du management.
A noter que les rectorats devaient été chargés d’auditer les BTS privés en alternance uniquement. "Par définition, ils connaissent très bien les formations de leurs territoires." Les audits auraient commencé par les formations pour lesquelles les rectorats avaient déjà des doutes ou qui avaient déjà été identifiées comme pouvant être problématiques au regard des critères du label ou de pratiques antérieures. Les auditeurs se seraient alors concentrés sur ces formations. "Mais, à terme l’ensemble de ces BTS auraient eu vocation à être audités" insiste notre source.
La labellisation ne rendrait pas obligatoire l'inscription au RNCP
Le label visait aussi à contrer les pratiques de certaines formations qui ont profité de l’effet d’aubaine du financement de l’apprentissage pour se développer.
"L’inscription au RNCP des formations est nécessaire pour être certifié Qualiopi et obtenir les aides publiques à l’apprentissage", rappelle l’un de nos interlocuteurs qui précise aussi que "même si la labellisation ne rend pas obligatoire l'inscription au RNCP, il est évident que ces formations demanderont à y être répertoriées" [pour accéder aux financements liés à l'apprentissage].
Des critères proches de ceux du visa
Les acteurs se sont entendus pour établir des critères d’obtention du label similaires à celui du visa mais assouplis pour le supérieur privé lucratif.
Parmi ces critères, on peut citer :
l'obligation d’avoir un corps professoral permanent :
Objectif : s’assurer de la qualité et du suivi académique des étudiants. Dans ce corps professoral permanent, il n’y aurait pas obligation à ce que les enseignants soient tous titulaires d’un doctorat. "Ils pourraient ne pas produire de recherche, contrairement à nos établissements visés qui ne peuvent avoir plus de 30% de profs non produisants", précise une source. Il aurait donc été interdit que les enseignements ne soient dispensés que par des vacataires comme cela peut être le cas dans certains établissements.
l'obligation d’avoir un campus :
Certaines formations ne sont pas implantées sur un campus propres. Or, ce critère était important dans le cadre du label prévu et justifié comme suit : "Parmi les critères qui ont été discutés par les groupes de travail, la nécessité d’avoir des locaux permettant d’accueillir les étudiants est apparu comme un point très important. Le "tout en ligne" est un mode de formation qui n’apparaît absolument pas adapté à des néo-bacheliers."
Un constat partagé par notre autre source par expérience, "nous, établissements visés et gradés, ne faisons pas de "tout en ligne" car nous savons que cela n’est ni optimal ni adapté."
Avec ce label, la visibilité de Parcoursup
Si ce label voit le jour, "cela va purger le secteur des formations qui n’ont pas de professeurs ni de campus, espère l’un de nos témoins. Le ministère s’était engagé à communiquer sur celles qui auraient obtenu ce nouveau label."
Un autre interlocuteur confirme qu’à terme avec ce label, "Parcoursup ne proposerait que des formations labellisées. Parcoursup recense l’ensemble des formations reconnues par le MESR (et par d’autres ministères). Donc oui, toute formation labellisée (soit à travers le visa, soit à travers l’autorisation à former délivrée aux BTS, soit à travers n’importe quel autre titre ouvrant à la labellisation) a vocation à être sur Parcoursup."
Cette présence sur Parcoursup était perçue comme un levier pour "explicitement flécher les formations de qualité" pour notre autre expert, "et répondre aux attentes des familles et des formations de qualité."
Coup d’épée dans l’eau ou base de réflexion pour le futur gouvernement ?
Si les arbitrages finaux n’ont pu être annoncés, l’ensemble des acteurs concernés par le dossier, y compris ceux du supérieur privé lucratif ont été associés aux travaux de réflexions menés ces derniers mois.
Le futur gouvernement capitalisera-t-il sur ces travaux dont on sait qu’ils ont été complexes et longs à mener ? Fera-t-il le choix d’une nouvelle optique au risque qu’elle soit plus radicale : sans reconnaissance, pas de financements publics, ni de possibilité de figurer sur Parcoursup ?
Nous en saurons plus après la rentrée 2024, mais il y a fort à parier que le sujet du manque de transparence et des abus de certaines formations conduira le nouvel exécutif à se pencher sur ce dossier.