Renvoi des palmes académiques : une enseignante et un principal disent pourquoi

Propos recueillis par Virginie Bertereau Publié le
Lorsque Michel Ascher décide de rendre ses palmes académiques pour protester contre la politique du gouvernement en matière d'éducation, il ne se doutait pas de l'ampleur que son geste susciterait. Aujourd'hui, le journal Charlie Hebdo publie une liste de 128 noms (proviseurs, principaux, enseignants, documentalistes, inspecteurs...) qui ont imité sa démarche. Jean-Claude Durival, ancien principal de collège et Béatrice Vire, professeur certifiée d'allemand en font partie. Ils expliquent pourquoi ils dénoncent la politique du gouvernement en matière d'éducation.

« Le public et le privé ne jouent pas aujourd’hui à armes égales »


Jean-Claude Durival est un principal de collège à la retraite. Il a occupé ses fonctions de chef d’établissement de 1973 à 2001 dans le Rhône. En 1988, il est fait officier des palmes académiques.

Pourquoi avez-vous fait ce geste de rendre vos palmes académiques ?

Au-delà des suppressions de postes dans l’éducation et de la réforme de la formation des professeurs, deux points me choquent. Le premier : les primes accordées aux chefs d’établissement. Elles vont à l’encontre de ma philosophie. J’ai toujours considéré que je faisais mon travail de façon très démocratique. Quand un collège ou un lycée marche bien, c’est dû au travail de toute la communauté. Qui plus est, les primes aux résultats vont provoquer des clivages, des compétitions entre les établissements. Or, ce ne sont pas des entreprises privées. Le deuxième point : j’estime que le public et le privé ne jouent pas aujourd’hui à armes égales. C'est comme si on poussait les jeunes dans le privé.

Quand avez-vous renvoyé vos palmes académiques ?

Tout de suite après l’appel des 47 relayé par Charlie Hebdo [expliquant le renvoi des palmes académiques, le 16 février 2011]. J’ai demandé au journal de m’inscrire comme signataire de la lettre générale. Je leur ai envoyé la photocopie de mes palmes. J’attends à présent des informations pour savoir où renvoyer les documents originaux.

Comment les aviez-vous obtenues ?

Je n’avais absolument rien demandé. En général, le recteur de l’académie les propose pour les chefs d’établissement qui ont un peu d’ancienneté. Cela se fait presque systématiquement. Autant vous dire que cela ne m’a fait ni chaud, ni froid de les renvoyer ! Les palmes académiques ne me manqueront pas.    



« Je me sens déshonorée par la politique menée par le gouvernement »


Béatrice Vire est professeur certifiée d’allemand à la retraite. Elle a consacré la plupart de sa carrière à enseigner en collège et en lycée dans l’Essonne. Mais elle a aussi passé 7 ans au Maroc pour enseigner le français langue étrangère. Et, mise en disposition pendant 3 ans, elle s’est occupée de la formation et de l’emploi au Secrétariat d’État aux droits des femmes aux débuts des années 1990. L’enseignante a reçu les palmes académiques en 2005, avec le grade de chevalier.

Pourquoi avez-vous fait ce geste de rendre vos palmes académiques ?

Les palmes académiques m’encombrent. Je me sens déshonorée par la politique menée par le gouvernement. J’assiste, impuissante, à la destruction du service public. Il y a d’abord les suppressions de postes. C’est énorme. Personnellement, j’ai toujours eu beaucoup de chance d’enseigner à des petits groupes d’élèves en allemand. Mais comment font mes collègues d’anglais ou d’espagnol face à des classes de 35 ? D’autre part, j’ai l’impression que le corps enseignant est de plus en plus méprisé, corvéable à merci, traité comme sous-qualifié… Enfin, je déplore la création d’établissements ghettos due aux modifications de la carte scolaire. Pour les familles, la tentation d’aller dans le privé est grande. Pourtant, l’Éducation nationale est quelque chose de si précieux…

Quand avez-vous renvoyé vos palmes ?

Récemment. Je suis tombée sur l’appel des 47 il y a une semaine. J’ai suivi la démarche en envoyant la photocopie de mes palmes à Charlie Hebdo.

Comment les aviez-vous obtenues ?

Quand j’étais en poste, j’avais l’impression de me battre contre des moulins… J’ai beaucoup œuvré pour maintenir l’allemand comme première langue dans mon établissement, ce qui n’a pas été facile. Je plaisantais sur le fait que je n’attendais pas de reconnaissance. Le jour où j’ai reçu les palmes académiques, j’étais la première étonnée. Mais cela ne m’a pas impressionnée : j’aurais préféré une augmentation de salaire ! J’ai su ensuite qu’elles avaient été demandées par ma chef d’établissement. Laquelle ne m’avait jamais vraiment soutenue.


Propos recueillis par Virginie Bertereau | Publié le