Sélection en master : un feuilleton juridique et politique

Camille Stromboni Publié le
Sélection en master : un feuilleton juridique et politique
Le débat sur la sélection en master est loin d'être clos. Thierry Mandon lance une concertation durant les quatre prochains mois. // Soirée des majors de promotion de M2 à Paris Assas (janvier 2012). // © 
Les élus universitaires ont voté contre le décret qui fixe la liste des masters 2 autorisés à sélectionner, le 18 avril. Retour sur deux mois de débat houleux, depuis la décision du Conseil d’État jugeant illégale toute sélection en deuxième cycle.

#1 La sentence du Conseil d’État

La sélection en master est illégale à l'université, en l'absence d'un décret établissant la liste des formations pouvant sélectionner. Le Conseil d'État a tranché, le 10 février 2016.

Il avait été saisi à la suite de nombreuses affaires portées devant les tribunaux administratifs, dans lesquelles des étudiants recalés à l'entrée d'un master 2 poursuivaient leurs universités, arguant de l'illégalité d'une telle sélection.

Le Conseil d'État persiste et signe le 23 mars. Il rend neuf décisions dans les affaires opposant universités et étudiants sur la sélection en master 2. Sans surprise, toute sélection en deuxième cycle est jugée illégale.

#2 Le ministère prépare la liste des masters 2 sélectifs

Après la décision du Conseil d'État, jugeant illégale la sélection en master, Thierry Mandon détaille son projet de décret qui permettra de "sécuriser la situation des universités et des étudiants". Sans que cela ne remette en cause la position du gouvernement contre la sélection, défend le secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur.

#3 Des présidents d'université à la manŒuvre

La CPU (Conférence des présidents d'université) et la Curif – l'association des universités de recherche – montent tour à tour au créneau sur le master. L'objectif des présidents d'université : faire comprendre au ministère que la sélection est nécessaire et non négociable.

Une position soutenue par plusieurs universitaires, qui signent une lettre ouverte à Najat Vallaud-Belkacem pour demander que la sélection en master 1 devienne "la règle et non l’exception".

La liste limitative des M2 sélectifs, établie par les universités, est remise au ministère le 17 mars 2016. Les présidents d'université continuent de prôner la sélection à l'entrée en M1 et travaillent à la mise en ligne d'un portail masters d'ici à fin 2016 pour améliorer l'orientation des étudiants.

Cinq présidents d'université écrivent une lettre ouverte pour dénoncer l’absence d'une partie de leurs masters 2 sur la liste des formations ayant le droit de sélectionner. Certains agitent même le chiffon rouge de la fermeture de ces cursus.

#4 Le décret devant les élus

Le projet de décret sur la sélection en master, qu'EducPros s'est procuré avant son passage devant les élus universitaires, recense plus de 1.300 mentions autorisées à sélectionner. Ce texte, au cœur des tensions avec plusieurs présidents d'université, prévoit également une règle particulière, permettant de refuser des étudiants d'autres mentions ou d'autres établissements.

L'une des dernières étapes de cette séquence a eu lieu le 18 avril 2016 : le Cneser (Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche) s'est exprimé contre le décret présenté par le ministère. Avec 27 voix contre, 19 pour - dont celles de la Conférence des présidents d'université - et surtout 29 abstentions, parmi lesquelles les voix du Sgen-CFDT et de la Fage. Son avis est consultatif. Le texte final doit être publié au Journal officiel dans les semaines qui viennent.

Le débat est cependant loin d'être clos. Thierry Mandon lance une concertation autour de la question durant les quatre prochains mois. Sur le terrain politique, la sélection devrait faire partie des sujets clivants de la campagne présidentielle de 2017 concernant l'enseignement supérieur.

Camille Stromboni | Publié le