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Selon la CDEFI, près de la moitié des écoles d’ingénieurs s’apprêtent à bâtir un budget en déficit

Clément Rocher Publié le
Selon la CDEFI, près de la moitié des écoles d’ingénieurs s’apprêtent à bâtir un budget en déficit
Emmanuel Duflos (à droite), président de la CDEFI et ses vice-présidents Cécile Delolme, Laure Morel, et Romuald Boné. // ©  Clément Rocher
Les écoles d'ingénieurs expriment leurs préoccupations face aux réductions budgétaires alors que les besoins en compétences n'ont jamais été aussi importants. Elles réclament la possibilité d'appliquer des frais de scolarité modulés.

"Au moins la moitié des écoles d’ingénieurs vont connaître un budget en déficit, parfois pour la deuxième année consécutive. C'est un sujet d'inquiétude assez fort, alors même que le financement de l’apprentissage est en discussion", prévient Romuald Boné, vice-président de la CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs) et directeur de l'Insa Strasbourg.

Il s'exprime lors de la conférence de presse de rentrée de la CDEFI, organisée le 7 octobre. À cette occasion, les écoles d’ingénieurs ont rappelé qu'elles étaient confrontées à un contexte budgétaire sous tension, alors même qu'elles font face à un dilemme insoluble : celui d’augmenter le nombre de diplômés alors que le vivier se raréfie.

Vers l'instauration de frais d’inscription modulés ?

Pour résoudre les difficultés financières, la conférence des écoles d'ingénieurs réclame plus de liberté pour les écoles publiques et souhaite pouvoir moduler les droits d’inscription en s’inspirant du système mis en place à Sciences po Paris, dont la grille tarifaire s'adapte aux revenus de chacun.

"Il nous faut un modèle paramétrable, afin que chaque école s’en empare en fonction de son environnement. Augmenter le nombre d’ingénieurs ne va pas se faire à coût constant", précise la CDEFI. Aujourd'hui, les deux tiers des 200 écoles d'ingénieurs sont publiques et leurs tarifs sont fixés par arrêté. Selon le ministère de l'Enseignement supérieur et l'école, les élèves s'acquittent de frais annuels allant de 601 euros à 4.150 euros.

La CDEFI réclame également un soutien financier plus large pour la formation par apprentissage. "L'augmentation du flux d’ingénieurs s’est massivement basée sur l'apprentissage. Aujourd’hui, on voudrait une politique plus juste de promotion de l’apprentissage dans le supérieur, avec un rééquilibrage de prise en charge des coûts", continue Romuald Boné.

Mais le ministère du Travail a d'ores et déjà annoncé prévoir une économie d’1,2 milliard sur les aides à l’apprentissage. L'aide à l'embauche, actuellement fixée à 6.000 euros, pourrait être révisée à la baisse pour atteindre 4.500 euros.

Les écoles d'ingénieurs veulent plus de marge de manœuvre

Par ailleurs, la CDEFI rappelle qu'une école d'ingénieurs, l'École centrale de Lyon, figure parmi les neuf établissements pilotes sélectionnés pour expérimenter l'acte II de l'autonomie des universités. Pendant un an, l'école pourra mettre en place de nouvelles mesures, portant sur la gouvernance, l’offre de formation, les finances, le patrimoine immobilier et les ressources humaines.

L'objectif est de favoriser une gestion plus flexible et plus proche des réalités locales, puis de généraliser ces dispositifs à l'ensemble du territoire d'ici 2025.

Dans la continuité de cette expérimentation, la CDEFI a monté un groupe de travail sur l'autonomie financière et RH des écoles pour formuler des propositions et tirer des enseignements des actions menées par les établissements.

Des pistes identifiées pour recruter davantage

Malgré ces alertes et ces incertitudes, les écoles doivent résoudre un autre dilemme : former davantage d'ingénieurs, avec moins de candidats. En effet, l'économie française a besoin de 15.000 diplômés supplémentaires par an pour répondre aux défis des transitions environnementales, énergétiques et numériques. Mais le contexte démographique est défavorable à l’enseignement supérieur avec une baisse prévue de 11.000 étudiants."

D’après les projections du ministère de l’Enseignement supérieur, les effectifs vont commencer à diminuer dès 2025", affirme Dominique Baillargeat, vice-présidente de la CDEFI et directrice de 3iL Ingénieurs. Les écoles d'ingénieurs développent donc des stratégies pour chercher de nouveaux viviers.

Il est nécessaire de mieux aligner les offres de formation continue sur les besoins réels de l’économie et des priorités stratégiques définies par l’État (D. Baillargeat, vice-présidente de la CDEFI)

En dépit des inquiétudes exprimées quant au développement de l’apprentissage, les formations en alternance figurent parmi les pistes pour augmenter le nombre d’élèves-ingénieurs. Actuellement, près de 17% des inscrits en formation d'ingénieur suivent une formation initiale par voie d’apprentissage.

Les établissements se tournent également vers la formation continue pour permettre aux professionnels de se former en parallèle d’un emploi. "Il est nécessaire de simplifier les dispositifs de financements pour améliorer la visibilité et de mieux aligner les offres de formation continue sur les besoins réels de l’économie et des priorités stratégiques définies par l’État", assure Dominique Baillargeat.

Enfin, les écoles d’ingénieurs souhaitent améliorer l’accueil des étudiants internationaux, qui représentent 20% des effectifs des écoles aujourd’hui. "Ils contribuent au renforcement des liens économiques et culturelles pour nos entreprises : ces liens sont autant d’opportunités de partenariats, de débouchés et d’innovation", poursuit-elle.

Clément Rocher | Publié le