Les stages à l'université face à une inflation juridique

Danièle Licata Publié le
Les stages à l'université face à une inflation juridique
L'encadrement des stages a subi une inflation juridique depuis 2006. // ©  PlainPicture / PhotoAlto
Pour Martine Maurel, en charge du suivi juridique des stages au ministère de l'Éducation nationale, l'inflation juridique que connaît l'encadrement des stages depuis plusieurs années ne nuit pas à leur développement à l'université. Bien au contraire. Reste, en revanche, aux universités à trouver l'organisation adéquate pour y faire face.

Martine MaurelLoi, décrets, arrêtés... Nous assistons, depuis quelques années, à une inflation de textes juridiques sur les stages étudiants. Pourquoi ?

Depuis 2006, les textes relatifs à l'encadrement des stages étudiants se sont multipliés à un rythme soutenu pour mettre fin à des abus si souvent décriés. Le gouvernement a ainsi souhaité une plus grande responsabilisation des acteurs et davantage de protection du stagiaire tout en rappelant que le stage doit impérativement être rattaché à un cycle d'études. D'où la limitation de sa durée à 924 heures maximum par année d'enseignement. Soit six mois, organisés de manière consécutive ou non.

Mais finalement, n'êtes-vous pas en train de construire une usine à gaz ?

Non, la loi évolue certes, mais elle ne comprend pas de bouleversement majeur. Nous avons juste souhaité aller plus loin, toujours dans un souci de protection maximale des stagiaires. Reste aujourd'hui en suspens le décret sur le nombre de stagiaires qu'une entreprise peut accueillir. Mais il devrait voir le jour très prochainement.

Dans les universités, le véritable problème n'est-il pas plutôt le manque d'enseignants-chercheurs pour encadrer les étudiants en stage ?

Dans certaines disciplines, il est vrai, le nombre d'enseignants rapporté au nombre d'étudiants est trop faible. Et je reconnais volontiers que les universités manquent encore d'organisation, et ses instances ne sont pas assez impliquées. Pour améliorer le processus de désignation des enseignants référents et mieux organiser le suivi des stages, il nous faut encore mener un travail de fond autour de la notion d'équipe pédagogique.

Et si nécessaire, nous ferons encore évoluer la loi. En effet, aujourd'hui, selon la législation, un référent ne peut suivre que 16 étudiants au sein d'un établissement. Mais en étalant les stages sur toute l'année, on peut augmenter le nombre d'étudiants par enseignant et régler ainsi les goulots d'étranglement dans les disciplines très demandées. Un nouveau calendrier qui devrait être bien accueilli par les entreprises qui, entre mars et août, ne peuvent pas faire face à la demande des étudiants.

La loi évolue certes, mais elle ne comprend pas de bouleversement majeur.

Avec l'obligation d'effectuer un stage durant son cursus, bon nombre d'étudiants ne parviennent plus à valider leur diplôme. Faute de réseau, ils ne trouvent pas d'entreprise pour les accueillir. Comment les aider ?

Pour mieux les accompagner, les universités ont mis en place des modules de soutien afin qu'ils n'affrontent pas seuls ces réelles difficultés. Par ailleurs, il est nécessaire que les établissements universitaires créent ensemble un réseau d'entreprises pour faciliter l'accès aux étudiants. Les anciens stagiaires se doivent, de leur côté, de communiquer sur les entreprises qui les ont accueillis. S'ils ne partagent pas ces informations, les réseaux ne vont jamais se construire.

Un arsenal législatif en perpétuelle évolution
Depuis 2007, la législation sur les stages n'a cessé d'évoluer et s'est même accélérée au cours de l'année universitaire 2014-2015 : loi du 10 juillet 2014 qui a redéfini la notion de stage et fixé de nouvelles règles de responsabilités, décret du 27 novembre 2014 qui a détaillé les modes de fonctionnement et de calcul, enfin arrêté du 29 décembre 2014 qui a déterminé un modèle national. La loi Macron qui vient d'être adoptée apporte sa nouvelle pierre.
Stages étudiants en entreprise : nouveaux enjeux et nouvelles pratiques
Martine Maurel intervenait au colloque de l'Avuf (Association des villes universitaires de France) et de Jurisup (le réseau des juristes de l'enseignement supérieur) vendredi 19 juin 2015.
Danièle Licata | Publié le