Stages hors cursus interdits : un casse-tête pour les universités

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Stages hors cursus interdits : un casse-tête pour les universités
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La confusion s’accroît. Un mois que le décret interdisant les stages hors cursus s’applique… et déjà une nouvelle circulaire est annoncée afin de préciser la marche à suivre. Dans le viseur du ministère de l’Enseignement supérieur : les universités ! Le décret, qui avait pour objectif de limiter les abus des employeurs et les stages "bidons", aurait en effet conduit certaines d’entre elles à refuser de délivrer des conventions aux étudiants. Ce qui constitue, selon le ministère, "une interprétation erronée" du texte. Enquête dans les universités pour savoir comment elles appliquent le décret.

Stages : stop ou encore ? Les établissements ont eu peu de temps pour se déterminer. Le décret interdisant les stages hors cursus est paru au JO du 26 août 2010, pour une application au 1er septembre. Depuis cette date, certains établissements refusent effectivement de signer des conventions, dès lors qu’il ne s’agit pas d’un stage obligatoire ou explicitement prévu dans le cursus (comme certains stages optionnels).

Explication : le décret indique que pour être considéré comme intégré au cursus, le stage doit voir sa finalité et ses modalités définies dans l’organisation de la formation. Exit donc le stage facultatif (intitulé aussi « volontaire » ou « recommandé » selon les établissements) !

« Pour l'instant, nous enregistrons les demandes de stages facultatifs. Nous imaginons bien sûr que cela va se débloquer très vite », explique Michel-Henry Gensbittel, chargé de mission sur l’insertion professionnelle auprès du président de l’université Paris 4 . Exception faite pour les prolongations. « Nous avons délivré des prolongations de stage jusqu’à fin septembre maximum », pour les étudiants déjà en stage donc. Jusqu’ici, son établissement délivrait environ 2500 conventions par an (chiffres 2008-2009), pour 25 000 étudiants, dont seulement la moitié pour des stages obligatoires.

Même refus dans un premier temps (début septembre) à Paris 2 (2000 conventions par an), ce qui a déclenché l’ire d’une étudiante - fortement relayée dans les médias - qui gère un groupe Facebook intitulé « touche pas à mon stage ». Idem à Paris 7 , à Poitiers (8000 conventions par an) ou à Nanterre (5000 conventions par an), qui a suspendu la signature des conventions pour les stages volontaires.

Un suivi renforcé des stages par l’université

Outre ces réponses provisoires, les établissements ont surtout prévu, sans attendre la circulaire, différents dispositifs pour encadrer les stages. Exemple à Nanterre.

« Après plusieurs réunions de travail en interne pour examiner le décret, nous sommes arrivés à la conclusion qu’intégrer un stage au cursus ne signifiait pas forcément qu’il donne lieu à validation de crédits ou qu’il soit prévu dans la maquette des formations. Nous allons considérer qu’il l’est dès lors que son contenu est en relation avec le projet d’études de l’étudiant, en lien avec son projet d’insertion professionnelle et validé par un responsable de la formation », indique Cornelius Crowley, vice-président de Paris 10 - Nanterre chargé des études. Une position validée par le ministère selon lui.

La conséquence serait donc une simple obligation de suivi renforcé de la part de l’université. Mais aussi, de manière plus concrète : la création d’un questionnaire, rempli par l’employeur et le stagiaire, qui sera examiné par le responsable de la formation, tandis que le stage sera enregistré dans l’annexe descriptive délivrée à l’étudiant avec son diplôme.

Installer des stages optionnels dans toutes les formations

A l’université de Poitiers , deux solutions sont envisagées pour respecter l’interdiction des stages hors cursus, avec l’objectif « d’éviter les stages qui correspondent à des emplois déguisés, sans pour autant supprimer la possibilité de faire un stage », résume Françoise Lambert, vice-présidente Formation de l’université.

Il s’agit tout d’abord de la mise en place d’une UE (unité d’enseignement) libre dédiée au stage au sein des formations. Une solution similaire est en voie d’adoption à Paris 2 et Paris 4. « Nous allons proposer aux conseils de voter l’installation de stages optionnels dans toutes les maquettes de formation », indique le responsable de la Sorbonne – Paris 4.

Ces stages permettront-t-ils de valider des crédits ? Tout dépend. Tandis que Poitiers prévoit des crédits ECTS à la clé, à Paris 4, « ce sont les composantes qui trancheront », indique le responsable. A Paris 2, cela ne devrait pas permettre d’obtenir des crédits.

Mettre en place des DU spécial « stage »

Autre option prévue à Poitiers : la mise en place des DU (diplômes d’université) spécialement dédié aux stages. Avec trois formules possibles : le DU « découverte », pour un stage de moins de 2 mois, avec une fiche d’évaluation et la rédaction d’un document qui sera validé par l’enseignant. Deuxième niveau : le DU « expérimentation », pour un stage entre deux et trois mois, avec un travail de rédaction plus poussé pour l’étudiant.

Enfin, le DU « professionnalisation », pour les stages entre 3 et 6 mois avec un véritable rapport de stage. Des formations qui seront gratuites pour les étudiants, ces derniers ayant uniquement à s’acquitter de leurs frais de scolarité habituels. Ces DU sont en effet ouverts uniquement aux étudiants qui suivent un cursus à l’université. « Nous avons déjà eu des demandes de la part de jeunes diplômés bac+5 par exemple [alors même que le DU n’existe pas encore ! Les nouvelles vont vite…], nous leur avons évidemment indiqué que c’était hors de question. Ces DU sont obligatoirement intégrés dans le cursus de l’étudiant. Nous ne voulons absolument pas créer d’appel d’air », raconte Françoise Lambert.

L’annonce de la circulaire à venir pourrait remettre en question ces nombreux projets, eux-mêmes en cours de validation. A l’université Paris 2 , qui prévoyait de mettre des stages optionnels dans toutes les formations, désormais on attend. Soit une période de transition toujours bancale, après une loi il y a un an, un décret cet été, une lettre de la ministre aux présidents précisant l’application du décret début octobre, et une circulaire en attente...

Que dit le décret ?

Le décret reste en fait assez large pour que chaque établissement d’enseignement supérieur le mette en place de manière plus ou moins restrictive. Que dit-il ?

Tout stage doit désormais s’intégrer dans un cursus pédagogique. Soit deux conditions : le stage fait l’objet d’une restitution de la part de l’étudiant donnant lieu à une évaluation, sa finalité et ses modalités sont définies dans l’organisation de la formation. Sans oublier les exceptions : sont également considérés comme intégrés au cursus les stages de réorientation, de formation complémentaire et les périodes de césure.

La lettre du ministère aux présidents d’université

Valérie Pécresse a déjà précisé, début octobre, comment bien interpréter le décret, dans une lettre adressée à Lionel Collet , président de  la CPU (Conférence des présidents d'universités).

Le décret "vise à mettre fin aux abus d'employeurs qui recruteraient en stage des jeunes diplômés sortis de l'université, ainsi qu'aux pratiques de certains organismes établissant des contrats de travail sous l'appellation de stages", écrit la ministre. Mais, ajoute-t-elle, son application "ne doit en aucun cas avoir pour conséquence de restreindre l'accès des étudiants aux stages volontaires que ceux-ci sollicitent auprès des entreprises, afin d'acquérir une expérience professionnelle, alors qu'ils sont inscrits dans un cursus universitaire".

Aux présidents de comprendre ce que cette précision implique concrètement…en attendant la circulaire.

Lire la lettre adressée par Valérie Pécresse aux présidents d'université

Lire aussi l'analyse de Michel Abhervé sur son blog dans un billet intitulé :
Stages hors cursus : la confusion continue, en attendant “la” circulaire

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