Statut des enseignants-chercheurs : Pécresse accorde quelques gages

Fabienne Guimont Publié le

Sur le principe de la modulation des services des enseignants-chercheurs décidée au niveau des universités, Valérie Pécresse ne recule pas. « La modulation de services [des enseignants-chercheurs] donne de la souplesse aux universités et permet une gestion des ressources humaines individualisée et plus juste », a estimé la ministre de l’Enseignement supérieur lors de la conférence de presse du 15 janvier 2009 après sa rencontre avec la commission permanente du Conseil national des universités (CNU). La référence aux 192 heures équivalents TD définissant les obligations statutaires des enseignants-chercheurs est également conservée. Une heure de TP sera égale à une heure de TD.

Abandon dans le texte de la hiérarchie entre enseignement et recherche  

De nouvelles formulations viennent atténuer les angles les plus saillants qui avaient provoqué un vif mécontentement dans la communauté universitaire, CPU (Conférence des présidents d'université) et CNU compris. L’ensemble des activités des enseignants-chercheurs et plus seulement leurs recherches doit être pris en compte pour moduler plus ou moins leurs services d’enseignement. « Les universités [leur conseil d’administration] sont libres d’attribuer moins d’heures d’enseignement si l’enseignant-chercheur effectue une recherche de grande qualité ou s’il est en charge d’autres activités. Les jeunes maîtres de conférences qui doivent passer leur habilitation à diriger des recherches doivent pouvoir être déchargés d’une partie de leur enseignement », illustre ainsi la ministre. Elle a assuré devant le CNU que l’enseignement ne pouvait être considéré « comme une variable d’ajustement. »  

Une charte d’équivalences entre les activités  

Pour limiter les disparités d’application de ces modulations de services d’un établissement à l’autre, la ministre promet aussi une charte nationale rédigée par les membres du Cneser (Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche) et de la CPU fixant les modalités d’équivalences entre les différentes activités (accompagnement pédagogique des étudiants, tutorat, suivi de stages, mobilité des étudiants, valorisation de la recherche, développement de la formation continue…). Elle définirait ainsi l’activité de tutorat par exemple en heures d’enseignement présentiel.  

Le CNU repêché  

Le rôle du CNU avait été largement minimisé dans la première version modificative du décret. Avant la réunion avec la ministre, une pétition signée des deux tiers des présidents et vice-présidents de ses sections demandait le retrait du texte. Valérie Pécresse a promis d’améliorer leurs conditions d’indemnisation et de le doter d’un secrétariat permanent. En revanche, si le CNU devrait rendre des avis sur l’avancement des enseignants-chercheurs en prenant en compte l’ensemble de leurs activités, il n’aura plus la main sur la moitié des décisions de promotion comme c’était le cas jusqu’à présent. Les présidents d’université pourront suivre ou non ces avis pour l’ensemble des promotions de leurs enseignants-chercheurs. Leurs décisions devront être motivées et rendues publiques sur le site du ministère. Une instance nationale sera créée pour réexaminer les promotions litigieuses qui ne prendraient pas en compte deux avis successifs favorables du CNU.

Ces procédures d'avancement relancent les interrogations sur les moyens du CNU pour réaliser l’évaluation des enseignants-chercheurs sur tous les aspects de leurs activités. Comment évaluer la qualité de l'enseignement alors que seules quelques universités ont mis en place une évaluation des enseignements par les étudiants ? Un décret devrait définir ses nouvelles missions et modalités de fonctionnement.  

Mobilisation de la communauté universitaire

Quelques centaines d'enseignants et de représentants syndicaux s'étaient rassemblés à proximité du ministère de la Recherche pendant l'intervention de Valérie Pécresse devant la commission permanente du CNU le 15 janvier 2009. « Pécresse a une vision archaïque de la recherche : elle nie la dimension collective, collégiale de la validation de ses thématiques. La modification du décret de 1984 casse la logique du statut des enseignants-chercheurs fondé sur le lien recherche-formation et fait des présidents des potentats locaux qui décident entre collègues et disciplines », dénonce Jean Fabbri, secrétaire général du Snesup-FSU. Le syndicat continue à demander le retrait de ce projet de décret et qualifie de 'cosmétiques" les annonces de Valérie Pécresse sur le texte.

« Dans un contexte de restrictions budgétaires et de diminution d’emplois, la modulation de services ne peut aboutir qu’à un alourdissement des heures d’enseignement. Les maîtres de conférences et les enseignants des filières où les étudiants sont très nombreux, en SHS notamment, seront les plus touchés », estime Isabelle This Saint-Jean, présidente de Sauvons la recherche (SLR). Pour la ministre, les baisses prévues d’effectifs étudiants viendraient, au contraire, amortir l’alourdissement des heures d’enseignement…    

Fabienne Guimont | Publié le