La suppression de la Manaa plonge lycées et universités dans le flou artistique

Martin Rhodes Publié le
La suppression de la Manaa plonge lycées et universités dans le flou artistique
Selon les académies, la mise en place du Diplôme des métiers d'art et du design interviendra entre 2018 et 2019. // ©  Haute école des arts du Rhin
Le DNMADE, qui remplace la Manaa, les DMA et les BTS en arts appliqués, doit être instauré entre les rentrées 2018 et 2019. Cette réforme, dont l'objectif est de conférer le grade de licence à ces formations artistiques, inquiète proviseurs et présidents d'université, qui attendent toujours des précisions concrètes sur ce nouveau diplôme.

C'est une réforme d'ampleur que s'apprête à connaître le premier cycle artistique. Les Manaa (mises à niveau en arts appliqués), les BTS (brevets de technicien supérieur) en arts appliqués et les DMA (diplômes des métiers d’arts) vont être progressivement remplacés, à la rentrée 2018 et 2019, par le DNMADE (diplôme national des métiers d’art et du design). Pourtant, conditions d'admission, matières enseignées, volume horaire, projets, connaissances et compétences à acquérir... Beaucoup de points restent flous : le référentiel de la formation n'est toujours pas paru

"Nous n'avons toujours pas d'informations officielles concernant le contenu du DNMADE [diplôme national des métiers d'art et du design], alors même que l'académie d'Aix-Marseille adoptera la réforme dès la rentrée 2018", soupire une professeur d'arts appliqués pour le DMA (diplôme des métiers d'art) cinéma d'animation de l'académie. Une réforme néanmoins dans les cartons depuis quatre ans. Son objectif ? Conférer à ces formations le grade de licence.

Trop abstrait, trop tôt

Bien qu'ils soient globalement favorables à l'entrée dans le schéma LMD (licence, master, doctorat), bon nombre de proviseurs se montrent inquiets, tant le changement est important et l'échéance courte. "On demande aux établissements de passer de bac + 2 à bac + 3, d'enseigner un tout nouveau programme à des étudiants différents [plus uniquement issus d'un bac STD2A ou d'une Manaa], et ce dès la rentrée 2018", alerte Gwenaël Surel, proviseur près de Nantes et secrétaire national de la commission pédagogique du SNPDEN (Syndicat national des personnels de direction de l'Éducation nationale). Il ajoute : "on a encore trop peu d'informations. À ma connaissance, rien ou très peu de choses ont été mises en place à Nantes, ni même à Lyon, pourtant une académie pilote."

Peu d'informations et donc beaucoup de questions en suspens, concernant notamment le rapprochement entre lycées et universités. Pour délivrer un diplôme conférant le grade de licence, chaque lycée devra signer une convention de partenariat avec une université. La CPU (Conférence des présidents d'université) a demandé un ajournement de la réforme, tout en laissant la possibilité aux établissements du secondaire et du supérieur "ayant un projet bien avancé" de l'expérimenter dès la rentrée 2018.

Les universités ne veulent pas que le nouveau diplôme fasse doublon, donc concurrence, à leurs licences professionnelles en design et arts appliqués.
(F. Germinet)

La Conférence demande plus de concertation. "Pour le moment, l'Éducation nationale pilote la réforme seule. Les universités ne signeront pas à moins de participer aux réflexions sur le programme et les moyens, humains et autres, dévolus à la mise en place du DNMADE", confie François Germinet, président de la commission de la formation et de l'insertion professionnelle à la CPU, avant d'ajouter : "elles ne veulent pas que le nouveau diplôme fasse doublon, donc concurrence, à leurs licences professionnelles en design et arts appliqués".

Une transition complexe

La mise en place de la réforme DNMADE génère une période de transition promettant d'être à la fois longue et périlleuse à mener pour les ministères. En effet, les étudiants des académies candidates à l'expérimentation (Rennes et Lyon, notamment) pourront s'inscrire au DNMADE dès 2018, alors que, dans la grande majorité des académies, l'inscription en BTS et DMA sera encore possible en 2018, et même poursuivre le cursus historique jusqu'au DSAA (diplôme supérieur d'arts appliqués) pour une obtention de diplôme en 2022.

À l'échelle des lycées, la transition s'avère également compliquée. Ceux-ci devront à la fois proposer les anciens et le nouveau cursus une année, en 2018-2019 ou 2019-2020 selon les académies. Un véritable casse-tête pour les proviseurs et les enseignants, qui se retrouveront à jongler avec les différents diplômes, programmes et étudiants.

Dans certains établissements, les salles de classe et les professeurs ne seront pas assez nombreux pour proposer à la fois les BTS en arts appliqués, les DMA et le nouveau DNMADE. Il faudra donc faire des choix difficiles, qui ne seront pas sans conséquences pour les étudiants. Au lycée Marie-Curie de Marseille, les DMA seront conservés jusqu'en 2020, mais l'ensemble des BTS disparaîtra dès 2018. Les étudiants de cet établissement inscrits en Manaa en 2017 et souhaitant intégrer l'un des BTS devront donc postuler ailleurs. De quoi se mélanger les pinceaux !

Martin Rhodes | Publié le