Un an après la révolution, l’université du Caire fait sa mue

Morgane Taquet Publié le
Un an après la révolution, l’université du Caire fait sa mue
Université - le Caire // © 
C’est une ville dans la ville. Un champignon au milieu du désert à quelques kilomètres à peine d’une des sept merveilles du monde. Fondée en 1908, l’université du Caire, située à Gizeh face à la vieille ville cairote, forme avec ses 250.000 étudiants la plus importante université publique d’Égypte. Dans un pays où 50% de la population a moins de 25 ans, l’université du Caire occupe une place prépondérante. Fermée dès le premier jour de la révolution pendant plus d’un mois, elle a depuis connu des évolutions notables en matière d’inscriptions et de gouvernance.

Après la révolution sur la place Tahrir, les étudiants se sont tournés vers l’université pour répondre à leurs besoins de formation. À la rentrée de septembre 2011, les chiffres des inscriptions dans les filières sélectives ont explosé. À la faculté d’économie, le nombre d’inscrits a doublé : alors qu’ils étaient 900 inscrits en 2010, ils sont presque 2.000 à la rentrée 2011. Les filières de sciences politiques ont également attiré un plus grand nombre d’étudiants. Doit-on pour autant y voir une nouvelle tendance ? Pour l’instant, l’établissement souhaite prendre plus de recul : face à la montée des inscriptions, le vivier d’enseignants n’a jusqu’à présent pas été élargi.

Un président d’université désormais élu


Comme l’ensemble des universités publiques égyptiennes, l’université cairote a élu en septembre 2011 son président, jusqu’ici nommé par le gouvernement. En place depuis 2008, le président Hosam Kamel, professeur d’hématologie et membre de l’ancien PND (Parti national démocratique) d’Hosni Moubarak, avait face à lui neuf autres candidats «plutôt faibles et peu charismatiques», regrette Mona Amer, enseignante française et coordonnatrice de la filière francophone de la faculté d’économie et de sciences politiques (1). Résultat : Hosam Kamel est élu avec plus de 60% des voix. Un vote étonnant mais qui n’est pas un cas isolé : plus de 80% des présidents d’universités publiques égyptiennes en fonction ont finalement été élu par leurs communautés.

Le long apprentissage de la démocratie


Outre un changement de gouvernance, le «mouvement du 9 mars», mouvement national d’enseignants, a également obtenu le départ de la sécurité d’État, infiltrée depuis des années sur le campus, et son remplacement par une police civile. Plus symbolique encore, l’Union des étudiants, noyautée par le PND, a été dissoute, et de nouveaux représentants étudiants ont été élus selon une procédure électorale clarifiée.

À la surprise générale, les jeunes Frères musulmans n’ont remporté que 28% des voix, les candidats sans étiquette ayant raflé la mise, marquant la victoire des étudiants issus des milieux libéraux et démocrates. Toutefois, un an après la révolution, l’apprentissage de la démocratie est encore en cours. «Les étudiants ne savent pas encore quoi revendiquer, explique Mona Amer, et ils n’ont pas encore conscience du pouvoir qu’ils ont entre les mains...»

(1) Établie en 1994, cette filière francophone repose sur un partenariat entre l’université du Caire et Sciences po Paris.

Morgane Taquet | Publié le