Un Canadien à la tête d'HEC, ça change quoi ?

Cécile Peltier Publié le
Un Canadien à la tête d'HEC, ça change quoi ?
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Une excellente nouvelle, mieux une "opportunité" pour la France. Qu'ils soient directeurs d'école de commerce ou acteurs de l'enseignement supérieur, tous accueillent l'arrivée du Canadien Peter Todd à la tête d'HEC, le 1er septembre 2015, comme la promesse d'un rayonnement accru des business schools hexagonales.

Un Canadien à la tête d'HEC, le début d'une nouvelle ère ? La question a tendance à faire sourire ceux à qui on la pose, alors que Peter Todd entre en fonction le 1er septembre. Tout d'abord parce que la nationalité ne fait pas le directeur. "L'exigence fondamentale aujourd'hui pour le DG d'une école de commerce est d'avoir une culture internationale. Il peut être Français et avoir cette ouverture, et étranger et en être dépourvu", remarque Michel Caste-Ballereau, P-DG du cabinet de recrutement HRM, un des chasseurs de têtes les plus connus du secteur.

Ensuite, ce n'est pas la première fois qu'une business school hexagonale est dirigée par un non-Français : le Belge Frank Bostyn à Neoma, les Britanniques Philip McLaughlin à BEM ou Stephen Platt à l'ESC Pau ..."HEC est une grande business school internationale et l'arrivée d'un DG international comme Peter Todd ne va pas secouer l'institution déjà en marche ! C'est une évolution, vraiment pas une révolution", note le directeur général d'ESCP Europe, Frank Bournois. Pour Jean-Pierre Helfer, directeur de l'IAE de Paris et ancien président de la CEFDG (Commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion), ce sera tout de même "la première école française à être dirigée par un non-Français qui a eu des responsabilités à l'étranger". 

Il n'empêche. L'arrivée d'un étranger et a fortiori d'un représentant du modèle anglo-saxon, prédominant dans le paysage des business schools, est perçu par la communauté comme un "signal très positif" : "C'est une très bonne chose que nos business schools attirent des personnes de haut niveau. Cela signifie qu'HEC a une visibilité internationale", se réjouit Jean-François Fiorina, directeur adjoint de Grenoble École de management.

L'atout fundraising

Dans un contexte de raréfaction des moyens financiers, le bilan à la tête de McGill de Peter Todd et en particulier ses compétences en matière de fundraising suscitent un intérêt sincère. "Aujourd'hui, la survie collective des business schools en Europe passe par le développement des levées de fonds", relève Frank Bournois. "Plus HEC se développera et réussira dans ce domaine, et plus les écoles françaises prendront de la valeur", ajoute Jean-François Fiorina.

Une expérience qui intéresse aussi l'Université Paris-Saclay [dont HEC est membre], soucieuse de se positionner dans le paysage international des universités de recherche et d'innovation : "Nous essayons de voir comment construire une université plus intégrée afin de figurer dans les grands classements internationaux comme Shanghai. Avoir dans la discussion quelqu'un qui arrive de l'étranger avec la connaissance du fonctionnement d'une grande université américaine est très intéressant", se félicite son président, Gilles Bloch.

Plus HEC se développera (...), plus les écoles françaises prendront de la valeur.
(J-F. Fiorina)

de nombreux défis

Peter Todd, HEC

Des défis attendent aussi le nouveau directeur. Très confiant dans sa capacité à développer le fundraising, à accompagner la progression du MBA dans les rankings internationaux ou à développer le nombre de professeurs internationaux, Georges Blanc, professeur honoraire à HEC, est plus "inquiet" pour l'avenir de l'executive education, pour laquelle il exerce des activités de conseil : "À McGill, comme dans les autres universités nord-américaines en général, l'executive education est limitée. À HEC, elle mobilise environ 50% des ressources humaines internes et externes utilisées par le Groupe et c'est l'une des plus importantes et des plus avancées au monde."

Autre challenge pour Peter Todd : comprendre le système des prépas, du recrutement par concours, et l'écosystème des écoles qui font la spécificité du modèle français. "Les business schools hexagonales ont un mode de gouvernance un peu particulier. Même si les CCI ne sont pas en première ligne, elles sont toujours présentes et partout des équations liées aux collectivités locales doivent être prises en compte", remarque Olivier Aptel, directeur de l'ESC Rennes. Mais Peter Todd n'est pas tout seul, loin de là : "L'institution et les équipes fonctionnent très bien !", nuance Jean-François Fiorina.

Un cas d'école ?
D'autres écoles pourraient-elles être tentées de sauter le pas en allant chercher un directeur hors de France ? Pour les acteurs interrogés, la réponse est oui. "Peu d'établissements ont pris le risque jusqu'ici de placer un étranger à leur tête car le modèle de la grande école à la française n'est pas facile à décrypter, en particulier au sein du monde consulaire. Mais on regarde beaucoup ce que fait HEC, et d'autres écoles pourraient être tentées de faire de même", estime la directrice générale de Skema, Alice Guilhon.

Dans un contexte de globalisation, certains y voient même la tendance naturelle : "C'est la signature d'une ouverture internationale qui devient aujourd'hui la marque constante de fabrique des grandes écoles de management, abonde Michel Caste-Ballereau, P-DG du cabinet de recrutement HRM. Peut-être irons-nous chercher dans quelques années, du côté de l'Asie, quelqu'un qui aura repensé l'économie des business schools..."

Cécile Peltier | Publié le