Un SchooLab pour diffuser l'esprit start-up

Sophie Blitman Publié le
Un SchooLab pour diffuser l'esprit start-up
Le SchooLab accueille plus de 200 étudiants par an de différents profils et établissements. // ©  SchooLab
Lieu dédié aux étudiants entrepreneurs, le SchooLab a ouvert ses portes il y a un peu plus d'un an au sein du Numa à Paris, proposant divers programmes en lien avec des entreprises ou pour accompagner la création de start-up. Si elle s'adresse directement aux jeunes, l'association entend aussi développer des partenariats avec des écoles et des universités.

Rue du Caire, dans le quartier du Sentier à Paris. Au deuxième étage du Numa, cette pépinière dédiée au numérique, au coworking et à l'innovation, des étudiants testent leurs idées et planchent sur des business plans. Certains développent une application pour improviser des sorties la nuit, d'autres imaginent de vendre des vêtements à domicile tout en proposant un coaching, sorte de "Tupperware du textile"… Le tout dans une ambiance high-tech et conviviale. Bienvenue au SchooLab !

Créée en novembre 2013, l'association a des racines beaucoup plus anciennes : voilà en effet dix ans que ses fondateurs ont lancé CPI (Création d'un produit innovant), programme pionnier de design thinking, qui fait travailler ensemble des élèves de Centrale, l'Essec et Strate College. "Nous voulions étendre le programme pour avoir un impact plus large, c'est pourquoi nous avons contacté le Numa", explique Julien Fayet, président du SchooLab et lui-même entrepreneur, comme ses acolytes Jean-Claude Charlet et Olivier Cotinat.

Aux côtés des trois cofondateurs, l'association compte aujourd'hui cinq salariés, auxquels il faut ajouter une trentaine d'intervenants plus ou moins réguliers, formateurs, jeunes entrepreneurs, responsables d'école… Avec un modèle économique fondé sur des missions de conseil aux entreprises et des cotisations versées par étudiants ou établissements qui utilisent la structure. "Le SchooLab est une aventure entrepreneuriale en soi", sourit Julien Fayet. À l'image des projets qu'il accompagne, dans le cadre d'un cursus ou dans la perspective de création d'une start-up. Au total, plus de 200 étudiants y sont accueillis chaque année.

Casser les silos

Innovation et transdisciplinarité : tels sont les principes intangibles du SchooLab, déclinés sur toutes les actions. Qu'il s'agisse de CPI, des programmes internationaux Bridge Innovation et Bridge Entrepreneurship, fondés sur des échanges avec Berkeley, ou du dernier-né, Starter, "démarreur de start-up étudiantes" : sélectionnés après un appel à projets qui a recueilli 200 candidatures, 40 étudiants désireux de se lancer dans l'entrepreneuriat ont investi le Numa depuis janvier 2015, où ils bénéficient pendant trois mois d'un accompagnement sur les plans administratif, marketing ou juridique ainsi que d'un mentorat.

"Notre approche, très pragmatique, consiste à amener les étudiants à identifier un besoin utilisateur et mettre au point un produit qui y réponde, en allant jusqu'au prototypage rapide", insiste Julien Fayet, adepte de l'approche "lean start-up". "Beaucoup perdent du temps à concevoir des choses qui ne servent à rien, explique-t-il. Au SchooLab, nous incitons les jeunes entrepreneurs à sortir de leur bulle et à confronter leur projet avec les utilisateurs."

Nous incitons les jeunes entrepreneurs à sortir de leur bulle et à confronter leur projet avec les utilisateurs. (J. Fayet)

Favoriser l'entraide et l'émulation

"C'est génial de travailler ici, ça change tout !, s'émerveille Robin, 22 ans en année de césure à HEC. Non seulement l'environnement est super et on est bien encadré, mais on rencontre beaucoup de gens et on échange avec les autres start-up… Cela nous fait gagner en maturité de manière incroyable !" Avec Guillaume, un troisième année, et Maxime, en BTS MUC (management des unités commerciales), Robin travaille sur un projet baptisé Jougger, une plateforme d'échanges de services entre étudiants, pour des traductions ou la rédaction de CV. "Il y a une réelle émulation, renchérit Guillaume, qui se réjouit d'avoir "accès à des gens très différents qui apportent chacun leur regard. On se donne beaucoup de feed-back".

"Dans l'incubateur de mon école, il y a 95% d'ingénieurs, là c'est beaucoup plus varié", confirme Paul. À 24 ans, il achève ses études à Centrale Paris tout en menant le projet de vente de produits ultrafrais à domicile "À l'ancienne" avec deux élèves de l'X et un en double cursus à Centrale Lyon et l'Ensal (École nationale supérieure d'architecture de Lyon), rencontrés à Berkeley dans le cadre du programme The Bridge. Ce mélange de profils a aussi pour Paul un avantage très concret : "Quand on a un problème, au lieu de passer trois jours à le résoudre, on se retourne et on demande de l'aide à un juriste ou à un codeur. On gagne un temps monumental !"

undefinedJournée de lancement du programme Starter, en janvier 2015. // © SchooLab

Réseaux et partenariats

En relation avec les entreprises, qui fournissent des projets sur lesquels travaillent les étudiants dans le cadre de CPI ou de The Bridge Innovation, et auprès desquelles il mène par ailleurs des actions de conseil, le SchooLab cultive les liens directs avec les étudiants, via des associations ou les réseaux sociaux. En outre, l'association s'attache désormais à nouer des partenariats avec des écoles.

Pour Starter, tandis que les étudiants doivent s'impliquer financièrement, à hauteur de 100 € par mois, "des établissements comme l'Essec, Polytechnique, Sup de pub ou l'Esiea se sont acquittés d'environ 2.500 € pour un an, détaille Julien Fayet. En échange, nous nous engageons à accueillir au moins une start-up de chez eux et nous travaillons avec le responsable entrepreneuriat sous forme d'échanges de bonnes pratiques".

"Cela n'avait aucun sens de créer notre propre incubateur, il aurait fallu le faire il y a dix ans, estime Valéry Farcy, responsable du dispositif entrepreneuriat de l'Esiea. En nous associant au SchooLab, nous mettons nos étudiants en contact avec un écosystème déjà dynamique. Ils peuvent voir d'autres jeunes ‘pitcher’ leurs idées et ont eux-mêmes la possibilité de se lancer".

Cela n'avait aucun sens de créer notre propre incubateur, il aurait fallu le faire il y a dix ans. (V. Farcy)

Bientôt des SchooLab dans les écoles…

Certaines écoles envisagent de développer un dispositif similaire en leur sein et font appel au SchooLab pour les y aider. C'est le cas de l'EEMI (École européenne des métiers de l'Internet), dont le projet débutera dès le mois d'avril sous le nom de "Innovme". "Nous avons un vrai vivier d'étudiants entrepreneurs et notre cursus est construit de manière à les pousser dans cette voie, à travers de nombreux projets et des cours de création d'entreprise, observe la directrice Stéphanie de Kerdrel. Nous avons eu envie d'appuyer cette tendance en permettant à nos élèves de troisième année de consacrer du temps à développer leur propre projet, dans un lieu dédié, et en bénéficiant d'un accompagnement spécifique, tel que celui proposé par le SchooLab."

C'est à deux pas du Numa, dans les anciens locaux de la Cantine, repris il y a trois ans par l'EEMI, que seront accueillies les jeunes pousses de l'école, mais aussi des étudiants d'autres établissements, sur le modèle de Starter : "L'objectif est de recréer un autre écosystème qui favorise les rencontres et le partage de compétences", souligne Stéphanie de Kerdrel.

L'école, fondée par les stars du Web Jacques-Antoine Granjon, Marc Simoncini et Xavier Niel, compte aussi sur son propre réseau d'entrepreneurs pour coacher les étudiants. Réseau dont le SchooLab pourra aussi se rapprocher, d'où l'intérêt réciproque du partenariat.

… voire dans les Pepite ?

Après les écoles, l'association souhaite davantage développer ses relations avec les universités. Si quelques étudiants d'Assas et de Paris-Descartes font partie de la première promo de Starter, c'est sur les Pepite (Pôles étudiants pour l'innovation, le transfert et l'entrepreneuriat) créés en 2013 que mise désormais Julien Fayet.

"Nous répondons ensemble à l'appel à projets ‘Culture de l'innovation et de l'entrepreneuriat’ du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche”, confie-t-il. Objectif : ouvrir des lieux similaires au SchooLab au sein des Pepite, soit 150 m2 ainsi que l'équivalent d'un poste et demi. Le financement demandé se monte à 100.000 € par projet.

Les Pepite bénéficieraient du savoir-faire du SchooLab qui, de son côté, élargirait ainsi son vivier : "Nous avons besoin d'étudiants des universités pour monter des start-up. Ils ont d'autres profils et des spécialités parfois plus pointues que ceux des écoles", explique Julien Fayet, qui espère pouvoir commencer avec cinq ou dix Pepite. Les résultats sont attendus pour mai 2015. Pour être inhabituelle, cette association entre institutionnels et entrepreneurs pourrait contribuer à faire bouger les lignes à l'université.

Sophie Blitman | Publié le