Université : créer sa fondation même en temps de crise ?

Laura Martel Publié le

Depuis la promulgation de la loi LRU le 10 août 2007, une dizaine de fondations ont déjà été créées par des universités comme Clermont 1, l'UPMC, Montpellier 3, l'UTC, Aix-Marseille 2, Lyon 1, Dauphine, Strasbourg ou Versailles. L'une des dernières nées est la fondation Rabelais de l’université de Tours, inaugurée le 19 janvier 2009. Mais beaucoup d’universités hésitent encore à se lancer.

D’abord parce que le fundraising et sa mise en œuvre opérationnelle leur sont encore étrangers, ensuite parce que le contexte de crise actuel ne semble pas propice à la sollicitation des entreprises. Soucieux de s’informer et en dépit du mouvement de grève dans les universités, quelque 300 participants ont participé à la 4ème Conférence de fundraising pour l'enseignement supérieur et la recherche, organisée par l'Association française des fundraisers (AFF) , les 11 et 12 février 2009.

Festina lente

Au programme : 40 intervenants professionnels (cabinets de fundraising, directeurs de fondation, représentants d'entreprise), deux tables rondes, une vingtaine d'ateliers, et des conseils concrets donnés aux participants, quel que soit le degré d'avancement de leur projet.

Aux représentants d'universités hésitants, le mot d'ordre est clair : « Maintenant que les premières fondations ont été créées, leur nombre va augmenter rapidement, affirme Ian Edwards, consultant pour le cabinet Iain More Associates spécialisé dans le fundraising. «Il est primordial de prendre le train en marche et de se positionner le plus tôt possible auprès des entreprises. En particulier dans le contexte actuel où les fonds risquent d’être limités. »

Pour autant, pas question de bâcler le travail de préparation. Pour Didier Valette, secrétaire général de la fondation de l’université d’Auvergne, «la fondation n’est qu’un outil juridique, elle donne une forme légale à des partenariats mis en place en amont. »

Etablir une stratégie

Face à la multiplication des fondations, il est indispensable de prendre le temps d’établir une stratégie avant de se lancer. « Au moins 80 % de la réussite d’une recherche de partenariats dépend de la construction de l’argumentaire », souligne Ian Edwards. « Il faut définir ses ambitions (régionales, nationales, internationales) et savoir se différencier. Donner une identité forte à l’université permet de cibler les entreprises qui peuvent s’y reconnaître. Tout est dans le relationnel, et établir des relations de confiance prend du temps. "

C’est pourquoi, selon lui, ce peut être, paradoxalement, le bon moment pour initier la création d’une fondation. « Profiter de 2009 pour bétonner sa stratégie et créer des liens avec les entreprises pour être prêt à concrétiser début 2010, quand la conjoncture sera sans doute meilleure, peut être une bonne option. »

Une relation "gagnant-gagnant"

Fernando Sistac, directeur général de CBC Vinci met toutefois en garde : « la fiscalité avantageuse des fondations ne déclenche pas le don, elle permet d’en calibrer le montant. C’est le partenariat qui prime. Il faut une relation gagnant-gagnant : les investissements au sein de l’université doivent permettre de répondre aux besoins de l’entreprise. »

Une vision partagée par Didier Valette : « Il ne s’agit pas de faire la charité. La fondation doit être une mise en commun des intérêts des entreprises et de l’université. Chaque partenariat doit être du sur-mesure. » Multiplier les accords permet en outre de ne pas créer de relation de dépendance.

Partir des partenariats existants

Sylvie Faucheux, présidente de l’université de Versailles Saint-Quentin et Didier Valette l’affirment : c’est en s’appuyant sur les partenariats déjà existants  avec les entreprises, comme les collaborations de recherche, bourses, formations en apprentissage, qu’ils ont pu monter rapidement leur fondation.

« C’est une question de confiance », souligne Didier Valette. « Pour trouver nos membres fondateurs, nous nous sommes d’abord tournés vers notre premier cercle de partenaires : 95 % d’entre eux ont répondu présents. »

Paradoxalement, le contexte actuel peut même devenir un argument en faveur de l’investissement. « Si j’ai confiance en la qualité des formations d’une université, investir dans la "matière grise" peut avoir un attrait particulier en temps de crise », confie Fernando Sistac. « L’innovation est un moyen d’en sortir par le haut ».   

Laura Martel | Publié le