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Tempête à Hésam : quatre écoles quittent le navire

Camille Stromboni Publié le
Tempête à Hésam : quatre écoles quittent le navire
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Centre Panthéon // ©  Camille Stromboni
Nouvel accroc dans le jeu d’alliances entre universités et écoles. Après Paris 2 qui quittait avec fracas Sorbonne Universités il y a tout juste un an, c’est au tour de quatre établissements (EHESS, EPHE, EFEO, FMSH) de se retirer du pôle universitaire Hésam. Une décision qui fait figure de bombe pour les autres membres de la communauté, et qui peut surprendre au moment où le ministère pousse au rassemblement.

L’EHESS (École des hautes études en sciences sociales), l’EPHE (École pratique des hautes études), l’EFEO (École française d’Extrême-Orient) et la FMSH (Fondation maison des sciences de l’homme) en ont fini avec le regroupement Hésam (Hautes études Sorbonne Arts et métiers). Les quatre établissements, dont plusieurs étaient à l’origine du rassemblement parisien, ont annoncé, le 18 septembre 2014, leur décision : ils ne feront pas partie de la future communauté d’universités et établissements, qui compte une quinzaine de membres, dont l'université Paris 1, l'Ensam (Arts et métiers ParisTech), le Cnam (Conservatoire national des arts et métiers), l'ENA ou encore l'ESCP Europe.

Après Sorbonne Universités, qui a vu Paris 2 claquer la porte en septembre 2013, il s'agit du deuxième pôle qui éclate, tandis que l'heure est au regroupement d'universités, sous l'impulsion du ministère.

LA colère pour ceux qui restent

Chez les autres établissements membres d’Hésam, c’est la "stupéfaction" qui domine. "Personne n’a été prévenu avant l'annonce en réunion ce matin, s’étonne Philippe Boutry, président de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Cela devait pourtant être bien concerté, en amont, étant donné le communiqué de presse et l’interview parus au même moment. C’est assez indélicat de prévenir les journalistes avant ses collègues."

C’est profondément regrettable et désolant. C’est tombé comme une bombe ce matin. C’était préparé et calculé.
(Oliver Faron - Cnam)

Au Cnam également, la pilule passe très difficilement. "C’est profondément regrettable et désolant, du point de vue humain et universitaire, déplore Olivier Faron, son directeur. C’est tombé comme une bombe ce matin, alors que nous nous sommes croisés il y a à peine quelques jours. C’était préparé et calculé, j’espère que le ministère réagira à de telles pratiques, où l’on privilégie les intérêts individuels à un projet collectif !"

CNAM © CS oct2013


De l'impossibilité de collaborer

Sur le fond, les quatre écoles expliquent ce départ, dans leur communiqué, en soulignant qu’"à l’issue d’une longue période de discussions et d’échanges sur les statuts et sur le contrat quinquennal d’Hésam, elles ne se retrouvent ni dans les nouvelles orientations, ni dans l’organisation qui se profilent".

Le regroupement parisien était entré en crise, depuis le printemps 2014, rencontrant de grandes difficultés à se mettre d’accord sur les statuts de la future communauté d’universités et établissements. Après une séquence de médiation, un accord semblait pourtant en voie d’être trouvé, à l’été.

"Je ne comprends pas, gronde le président Boutry. Nous avions trouvé un compromis sur les statuts en juillet, avec un retour du ministère et un accord des établissements, réaffirmé fin août. La rédaction définitive du contrat de site devait être examinée ce matin. Ils renient leur engagement d’un coup. Ce qui me frappe, c’est l’irresponsabilité de ces quatre dirigeants pour Hésam et pour l’avenir."

Il devient impossible de s’accorder sur un projet commun. [...] La confiance n’existe plus.
(Hubert Bost - EPHE)

La version diffère dans les établissements sur le départ. "Nous avions établi très difficilement un compromis autour des statuts. Aujourd’hui, sur le contrat de site, il devient impossible de s’accorder sur un projet commun, notamment avec l’université Paris 1, qui possède sa logique, sa structuration. Nous ne sommes pas capables de mettre des missions en commun pour atteindre nos objectifs. La confiance n’existe plus", décrit Hubert Bost, à la tête de l’EPHE.

"Il n’y a aucune surprise, ni brutalité dans notre décision, cela couve depuis longtemps, ajoute le responsable. Nous avons envoyé de nombreux messages d’alerte qui n’ont pas été entendus. Nous avons bien mesuré les risques : des difficultés et des dégâts naissent évidemment de notre décision, mais ils nous paraissent beaucoup plus importants en restant dans Hésam."

Un plan B avec d'autres communautés ?

Quant à l’aspect calculé de ce départ groupé, les intéressés démentent également. "Nous l’avons annoncé en même temps pour ne pas donner l’impression d’un effet domino. Il s’agit surtout de quatre établissements qui souhaitent continuer à travailler ensemble étroitement, se défend Hubert Bost. J’ai cru au projet Hésam jusqu’à très récemment et je n'ai pas préparé de plan B ! La décision a été prise vendredi dernier seulement, lorsque l’impasse nous est apparue totale. J’ai pris contact, lundi [15 septembre], avec deux communautés que nous serions susceptibles de rejoindre : PSL (Paris Sciences et Lettres) et SPC (Sorbonne Paris Cité)."

Les quatre établissements envisagent en effet toujours de s’intégrer dans une Comue, bien que la question du calendrier doive, dans un premier temps, limiter leur alliance à une forme associative, indique Hubert Bost.

"Ils vont là où ça brille, raille un responsable d’établissement d'Hésam, désabusé. Nous construisons un projet ambitieux et difficile, mais il est plus facile de s’allier avec un regroupement dont la seule université a un statut dérogatoire [Dauphine, au sein de PSL, NDLR]"

Que va devenir Hésam ?

Quid de l'avenir du pôle parisien, avec les membres restants ? "Il est trop tôt pour répondre à cette question", reconnaît le président Boutry, qui souhaite que ces quatre établissements "redeviennent responsables", en poursuivant le projet Hésam.

"Quitter le navire à la première tempête n’honore personne, tranche Olivier Faron. Le Cnam veut continuer avec Hésam, et mieux vaut une Comue renforcée avec des partenaires qui veulent aller de l’avant, que des partenaires qui ont toujours été des éléments bloquants. J’espère que le ministère va continuer à appuyer notre projet, notamment avec la contractualisation. Nous, nous jouons le jeu." Un sujet d'importance : le contrat étant notamment le lieu de l'attribution de postes pour les sites.

Côté ministère, on prend simplement acte de cette décision. "On ne peut pas dire que cela nous réjouit, il y a une certaine déception car nous espérions qu'un terrain d'entente serait trouvé. Mais on ne peut pas faire travailler ensemble des partenaires qui ne le souhaitent pas, indique-t-on au cabinet du secrétariat d'État à l'Enseignement supérieur. Nous ne faisons pas de regroupements à marche forcée, ce qui compte, c'est que le projet soit vraiment partagé et porté ensemble. Nous allons donc accompagner au mieux les établissements qui sont sortis à trouver une alternative et nous allons poursuivre notre travail avec ceux qui sont restés sur leur projet."

Prochaine sur la liste du départ : l'École des chartes
L'École nationale des chartes devrait elle aussi quitter Hésam. Son directeur, Jean-Michel Leniaud, indique en effet par communiqué, le 18 septembre 2014, que son établissement "examinera très prochainement, dans le cadre de son conseil d'administration, les conditions dans lesquelles elle pourra sortir de la manière la plus appropriée de la Comue Hésam Université, dont elle constate à regret l'actuelle désintégration".

Camille Stromboni | Publié le